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IDEL

Convention nationale des infirmiers libéraux : l'avenant de la discorde !

Publié le 01/04/2019

L’Union nationale des caisses d’Assurance Maladie (Uncam) et deux des trois syndicats représentatifs de la profession, la FNI et le SNIIL, ont signé le 29 mars 2019 l’avenant n°6 rénovant le cadre conventionnel actuel. En revanche, Convergence Infirmière (CI) a quitté la table des négociations jugeant les mesures proposées inadaptées aux enjeux actuels

Contrairement à la FNI et au Sniil, Convergence Infirmière n'a pas signé l'avenant n°6.

Après plus d'un an et demi de travail entre les différents partenaires de la convention nationale soit près de 35 réunions de négociationsun accord a été signé entre l'Assurance Maladie et deux des trois syndicats représentatifs des infirmiers libéraux : la Fédération nationale des infirmiers (FNI) et le Syndicat national des infirmières et des infirmiers libéraux (SNIIL). Le troisième syndicat, Convergence Infirmière, a préféré quitté la table n'étant pas d'accord avec les principales mesures prévues dans le texte. Malgré cela, Nicolas Revel, directeur de l'Union nationale des caisses d'Assurance Maladie semble satisfait. Nous aboutissons à un avenant complet et ambitieux qui permet de mieux valoriser le rôle et les compétences des infirmiers. Au-delà de revalorisations d’actes, l’objectif de l’Assurance Maladie était d’arriver à un accord qui permette d’accompagner l’élargissement de leurs missions, a-t-il déclaré. Selon la CNAM, le bénéfice financier pour les 93 325 IDEL exerçant en France s'éléverait à 365 millions d'euros sur une période de 5 ans (2019-2023) dont 350 millions à la charge de l'Assurance Maladie.

La mise en place du Bilan de Soins Infirmiers (BSI)

Le Bilan de Soins Infirmiers (BSI) est un nouveau support d'évaluation basé sur les référentiels infirmiers existants. Il permet au professionnel de décrire toutes ses interventions et de définir un plan de soin adapté à chaque patient. Ayant déjà fait l'objet d'une expérimentation de 6 mois en 2017, la prochaine étape est de le généraliser, ce qui va permettre de faire évoluer progressivement les conditions de tarification des soins réalisés auprès des patients dépendants en prenant mieux en compte la charge de travail de l’infirmier et le niveau de complexité de certaines prises en charge, assure l'Assurance Maladie dans un communiqué. L'avenant prévoit donc une rémunération non plus à l'acte mais via un forfait quotidien par patient. Celui-ci variera en fonction du profil du patient déterminé selon la charge de soin (légère, intermédiaire, lourde) s'échelonnant à 13€, 18,20€ ou 28,70€. Le BSI et ce nouveau mode de facturation seront progressivement mis en place à partir de janvier 2020 pour une généralisation complète prévue en 2023. Plus précisément, le bilan en soins infirmiers sera effectif pour les patients âgés de plus de 90 ans en 2020, puis ceux de plus de 85 ans en 2021, il intégrera ceux de 78 ans et plus en 2022, pour être généralisé à l'ensemble des personnes dépendantes en 2023.

Autres mesures phares : la création d'un nouvel acte pour accompagner à domicile la prise de médicament, la prise en charge de soins post-opératoires à domicile à la suite d'une intervention chirurgicale (à compter du 1er janvier 2021) ou encore la mise en oeuvre de nouvelles dispositions sur les pansements. En effet, l'avenant prévoit d'une part une revalorisation de la prise en charge de certains pansements courants (dès le 1er janvier 2020) et d'autre part, l'évolution de certains actes existants déjà concernant les pansements lourds et complexes (à partir du 1er juillet 2020). Enfin, toujours dans le domaine de la revalorisation, la prise en charge d'enfants de moins de 7 ans sera majorée de 3,15€ par séance de soins et ce, à partir du 1er janvier 2020.

Autre point mis en avant dans la convention : la télémédecine. L'implication des infirmiers dans la réalisation d'actes de téléconsultation sera effectivement valorisée dès le 1er janvier 2020. Cela comprend la création d'un acte d'accompagnement de la personne à la téléconsultation et une aide financière prévue pour s'équiper en matériel de vidéotransmission et en appareils médicaux connectés (350 euros par an). Par ailleurs, tout comme les pharmaciens, l'implication des infirmiers dans l'élaboration du Dossier Médical Partagé (DMP) sera également revalorisée à compter du 1er janvier 2020 (à hauteur d'un euro par ouverture de dossier).

Un dispositif démographique rénové pour une répartition plus équilibrée

L'accord vise à réformer les dispositions démographiques existantes afin de favoriser une répartition plus équilibrée des infirmiers sur le territoire. Ainsi, quatres axes d'amélioration ont été établis : une méthodologie de zonage rénovée, de nouveaux contrats incitatifs pour développer l’exercice dans les zones très sous dotées, une évolution des modalités du dispositif de régulation dans les zones surdotées et la mise en place d’un encadrement de l’activité en zones intermédiaires ou très dotées situées en périphérie des zones sur-dotées.

Plus en détail, le texte envisage la création de 3 nouveaux contrats incitatifs applicables dans les zones très sous dotées qui remplaceront à terme ceux existants aujourd’hui. L’infirmier adhérant au contrat, en fonction de la zone dans laquelle il est installé, pourra alors percevoir des aides financières qui iront de 3 000 à 37 500 € sur 5 ans, non renouvelable. Pour chaque contrat, l’IDEL aura la possibilité de bénéficier d’une aide de 150 € par mois s’il s’engage à accueillir un étudiant infirmier dans son cabinet pour le stage de fin d’études, explique la CNAM.

L’avenant prévoit également le maintien et l’évolution du dispositif de régulation. Dans les zones surdotées, en cas de cessation d’activité d’un infirmier, la place vacante ne pourra être attribuée qu’au seul successeur de l’infirmier. Si ce n’est pas le cas, la place vacante disparaitra.

Enfin, l'installation en zone intermédiaire ou très dotée située en périphérie des zones surdotées va aussi être régulé, selon l’avenant. Pour les nouvelles installations dans ces zones, un seuil d’activité minimum des 2/3 d’activité dans la zone d’installation est demandé afin de renforcer l’adéquation du zonage avec les réalités d’exercice.

Des mesures qui ne sont pas à la hauteur pour Convergence Infirmière

Convergence Infirmière scande son désaccord

La FNI et le Sniil estime avoir pris leurs responsabilités en signant cet avenant comme ils le déclarent dans un communité conjoint. Les syndicats signataires auront eu à consolider les mesures inscrites jusqu’au bout, puisque les derniers amendements ont été apportés une heure avant la signature. Cet avenant structurant pour la profession contient des mesures fortement attendues notamment sur la régulation démographique, l’externalisation de certains actes à taux plein (en particulier les ponctions veineuses) et la reconnaissance de l’expertise infirmière. De plus, cet avenant est de nature à sécuriser l’exercice quotidien des infirmières, entre autres par des mesures qui précisent et élargissent certains périmètres d’interventions (troubles cognitifs, facturation des déplacements, majoration de coordination, etc.), ont-ils argumenté. Ils déclarent aussi ne pas comprendre le comportement de Convergence Infirmière : les syndicats signataires s’étonnent de la fuite théâtrale du syndicat, qui relève plus du populisme clientéliste que de l’attachement à la défense des intérêts de notreprofession.

De son côté, Convergence Infirmière via son propre communiqué s'explique sur les raisons qui l'ont poussé à rejeter cet accord. Si certains point semblent contenter le syndicat, d'autres mesures sont loin du compte. En effet, si nous pouvons évidemment nous satisfaire, pour la profession, que l’expertise infirmière soit reconnue par la mise en œuvre des bilans pour les pansements, pour l’évaluation des besoins en soins infirmiers (avec l’abolition de la notion de temps) et grâce au bilan permettant la mise en place des médicaments, nombre de points négatifs demeurent.

Premier problème : les forfaits journaliers concernant le BSI qui sont destinés à remplacer les actes infirmiers de soins (AIS). Le syndicat souhaitait mettre en place 4 ou 5 forfaits différents, ce que les autres syndicats ont rejetés !, accuse-t-il. De facto, cela entraîne une prise en charge lésée, au profit des trois autres. Ce sont les prises en charge lourdes, qui n’auront pas de cotation ou qui seront sous-cotées. En outre, comment les patients vont-ils être triés par catégorie (légers, intermédiaires ou lourds) ? Un sujet d’importance qui nous a interpelé, puisque nous ignorons totalement de quelle façon l’algorithme va classer les patients dans les forfaits légers, intermédiaires ou lourds, puisque nous ne l’avons pas testé !!! Ce sont donc les représentants des infirmiers libéraux qui envoient la profession au casse-pipe, sans contrôle, ni test : ubuesque !, s'enerve le syndicat.

On ne pense jamais d’abord aux besoins des patients, mais au budget qui va y être consacré

Incongrue : La mise en place de forfaits flottants

Plus généralement Convergence réfute une mise œuvre séquencée jusqu’en 2023… alors que les AIS n’ont pas été revalorisés depuis 2009 ! 10 ans déjà !!!! Bien évidemment, nous aurions souhaité une revalorisation des lettres clefs (AIS, AMI et IFD), mais la Cnam, ne raisonnant qu’à l’aide de ses tableurs, ne le voulait pas, elle. Le que trop fameux ″effet volume″ que nous oppose à satiété Nicolas Revel… Comme il y a de plus en plus de personnes âgées et d’infirmiers libéraux, les enveloppes s’envolent ! Mais ne devrait-on plus soigner nos anciens, sous prétexte que le coût serait trop élevé ???, s'agace le syndicat accusant l'Assurance maladie de se servir des infirmiers comme une variable d'ajustement de ses finances face au "papy boom".

Mais ce n’est pas tout ! Apparemment, une clause est prévue dans l'accord où il est question de réexaminer la situation six mois après la mise en place de ces mesures. Cela rend ces forfaits… flottants ! Si l’enveloppe budgétaire allouée à ces forfaits venait à être dépassée de 10%, des mesures correctrices seraient mises en œuvre pour corriger le déséquilibre. Et sur une enveloppe que la profession devrait partager avec l’incessant déploiement de l’alternative salariée…, explique le syndicat. Une véritable incongruité pour Convergence Infirmière. Car vous l’aurez compris : les montants de ces forfaits peuvent être revus à la baisse, à l’instar des 66 actes de biologie qui viennent dernièrement de diminuer avec une mesure de maitrise médicalisée similaire pour les biologistes.

Désormais et jusqu'à 299 km inclus, les IDEL factureront à taux plein

Indemnités kilométriques et régulation démographiques pas à la hauteur des espérances

En outre, autre source de désaccord : les indemnités kilométriques. Convergence infirmière tient à rappeler le cas particulier des infirmiers ruraux qui passent énormément de temps dans le voiture. Si une amélioration a été obtenue, le syndicat n'est pas satisfait.

Le premier seuil proposé par la Caisse était fixé à 250 kilomètres ; nous en avons obtenu 299, alors que nous en souhaitions 400. Ce qui signifie que : désormais, et jusqu’à 299 km inclus, les IDEL factureront à taux plein. Elles subiront un abattement de 50% du tarif jusqu’à 399 km, et plus de remboursement des indemnités au-delà. Sachant que les infirmiers travaillant dans ces zones n’effectuent aucun soin durant leurs trajets, ils se voient fortement pénalisés (ces horo-kilomètres ne sont pas véritablement à la hauteur de tous les frais réels, notamment l’augmentation du carburant ; c’est pourquoi Convergence Infirmière a proposé – en vain – d’augmenter les indemnités horo-kilométriques, à l’instar de ce qui a été fait pour les kinésithérapeutes).

Enfin, les mesures visant à modifier la régulation démographique ont paru incongrues au syndicat. Convergence Infirmière avait demandé à ce que les IDEL s’installant dans une zone y exercent pour 2/3 de leur activité. Demande qui a bien été entendue… sauf qu’il fallait un préalable à cette mesure, remettre à plat la cartographie du zonage. Ainsi, tout infirmier libéral travaillant dans une autre zone que celle où il est installé devrait être identifié dans sa zone d’exercice, pour éviter de déstabiliser la zone par la suite. La Cnam n’était pas opposée à cette mesure, mais les deux autres syndicats, oui !!! Une aberration ! Et c'est un comportement aussi inadmissible qu’irresponsable, pour Convergence Infirmière.

Conséquence : tout IDEL installé en zone très dotée ou intermédiaire ne pourra pas céder sa patientèle, si il travaille dans la zone sur-dotée attenante (son lieu d’exercice). Le cabinet d’infirmiers dans lequel cet IDEL œuvre ne pourra pas recruter un nouveau infirmier libéral pour la remplacer… et la place sera perdue ! Et que dire des patients domiciliés dans cette zone, et qui ne seront plus pris en charge ?!?

Ainsi, le syndicat propose d'interroger les membres de la profession vis-à-vis de toutes ces mesures. Il décidera de son action en fonction des avis recueillis. Toutefois Convergence Infirmière demande d'ores et déjà à tous les infirmiers de contacter les députés et sénateurs pour les interpeler et faire évoluer les textes.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com