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Connaissez-vous la naloxone, puissant antidote aux overdoses d’opioïdes ?

Publié le 04/09/2019

Si les overdoses aux opioïdes ont longtemps concerné les usagers de drogues, une autre catégorie de personnes est désormais aussi exposée à ce risque : les usagers de médicaments antidouleur. Ce sont d’ailleurs ces consommateurs qui sont à l’origine de la crise des opioïdes aux États-Unis. Cette dernière n’en finit pas d’alimenter l’actualité internationale, qu’il s’agisse de recenser chaque mois le nombre de morts ou de rendre compte des procès intentés aux laboratoires pharmaceutiques impliqués.

La naloxone, puissant antidote pour contrer les overdoses d’opiacées, ici dans sa version injectable utilisée par les pompiers de Rockford (Illinois). Cette ville d'environ 150 000 habitants compte en moyenne deux décès par surdose chaque semaine.

Déjà dramatique, la situation s’est aggravée avec l’arrivée des cartels de la drogue. Succédant aux laboratoires pharmaceutiques, ils fournissent de façon illicite aux usagers des dérivés du fentanyl encore plus dangereux que les médicaments opioïdes initiaux.

Dans ce contexte, et alors que la Journée internationale de lutte contre les overdoses (Overdose Day), jusqu’à présent peu relayée en France) se tient le 31 août, il est important de souligner le rôle essentiel que peut jouer la naloxone dans la lutte contre les overdoses par opioïdes.

Qu’en est-il de la mise à disposition dans notre pays de cet antidote, classé par l’OMS comme « médicament essentiel » ?

L’overdose, complication fatale d’un abus d’opioïde

En Europe, les décès par overdose sont liés dans plus de 80 % des cas aux opioïdes (héroïne, oxycodone, tramadol et fentanyl) rapporte l’observatoire européens des drogues et toxicomanies. Les chiffres français ne sont pas très différents, puisque selon l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), les opioïdes sont impliqués dans 78 % des décès par overdose en France. Chez les usagers de drogues, la méthadone et l’héroïne sont les plus représentées dans ces surdosages. Chez les patients consommant des médicaments antidouleur, la molécule la plus souvent mise en cause est le tramadol.

Le surdosage en substance opioïde se traduit par une somnolence qui peut aller jusqu’au coma, associée à une diminution de la fréquence respiratoire voire un arrêt respiratoire et le décès de la personne. Face à ce risque, tous les individus ne sont pas égaux : certains profils y sont davantage prédisposés. C’est le cas des usagers de drogues opioïdes (notamment d’héroïne), en particulier lors des premières consommations ou au cours d’une rechute, après une période d’abstinence.

SAFE – naloxone.fr.

Les patients traités pour leur addiction à l’héroïne par un médicament de substitution, comme la méthadone ou la buprénorphine, sont aussi plus à risque d’overdose notamment lors de l’instauration de ces traitements ou en cas d’automédication.

Le risque d’overdose est aussi augmenté par la consommation parallèle (fréquente) d’autres drogues, telles que l’alcool, ou de médicaments psychotropes. En outre, l’arrivée sur le marché noir des substances opioïdes de synthèse beaucoup plus puissantes que l’héroïne (dérivées du fentanyl comme l’ocfentanyl ou le carfentanyl) est aussi à l’origine d’accidents de surdosage, par erreur de dosage.

Enfin, l'overdose guette aussi les patients souffrant de douleur chronique et exposés aux médicaments antidouleur opioïdes comme le tramadol ou l’oxycodone. Soit parce que leur douleur, mal contrôlée, entraîne une consommation excessive, soit parce qu’ils ont développé une addiction à ces médicaments et des comportements d’abus associés.

La naloxone, antidote de l’overdose aux opioïdes

La naloxone est une substance qui présente une très forte affinité pour les récepteurs du cerveau sur lesquels se fixent les substances opioïdes. Une fois administrée, elle prend la place de l’opioïde à l’origine du surdosage. Cependant, contrairement à lui, la naloxone n’active pas le récepteur sur lequel elle se fixe (on parle d’effet antagoniste).

Quelques minutes après son utilisation, les signes d’overdose régressent : on observe un retour à l’état de vigilance et la reprise d’une respiration efficace.

Problème : le corps élimine très rapidement la naloxone. De nouvelles administrations sont donc nécessaires en attendant que l’opioïde soit, lui aussi, purgé par l’organisme. Ce qui justifie d’attendre les secours, qui préconiseront le plus souvent une courte hospitalisation.

Deux formes d’administration

Deux formes de naloxone sont actuellement disponibles en France. La première est à administration intranasale, le Nalscue. Sa commercialisation devrait s’arrêter faute d’accord sur le prix, mais le laboratoire qui la produit a néanmoins maintenu la possibilité, pour les structures médico-sociales ou hospitalières, de commander les kits de naloxone déjà fabriqués (qui se périmeront en décembre 2020). 

L’autre forme autorisée (Prenoxad) est administrée par voie injectable intramusculaire. Elle devrait être disponible depuis le mois de juin 2019 dans toutes les pharmacies. Les patients peuvent l’obtenir sur ordonnance (dans ce cas elle est remboursée), ou l’acheter sans ordonnance.

D’autres spécialités pourraient être disponibles dans les prochains mois, sous couvert d’un accord sur le prix, dont un kit de naloxone intranasale venant d’obtenir son autorisation européenne de mise sur le marché, le Nyxoid.

Cependant, pour avoir un impact sur le nombre et la gravité des overdoses aux opioïdes en France, la naloxone doit être un médicament bien plus facile d’accès que les opioïdes. Pour cette raison, les autorités sanitaires ont choisi de généraliser sa mise à disposition.

Intérêt d’une diffusion sans ordonnance

Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, le choix d’une mise à disposition générale (alors qu’elle était prévue initialement pour les usagers de drogues) devrait également permettre un accès large pour les patients traités par opioïdes. C’est pour cette raison que l’Agence a autorisé l’exonération de la prescription médicale obligatoire pour les spécialités à base de naloxone, afin qu’elles puissent être délivrées sans ordonnance dans toutes les pharmacies.

L’institution rappelle dans un rapport qu’elle a suivi l’avis de la commission des stupéfiants et psychotropes de février 2015 favorable à la mise à disposition de la naloxone, forme nasale et injectable, accompagnée d’une formation des usagers, de leur entourage et des professionnels de santé.

Plus récemment, dans une série de mesures visant à réduire spécifiquement les overdoses aux médicaments de substitution aux opioïdes (méthadone et buprénorphine), cette même commission a aussi rappelé la nécessité d’élargir l’accès à la naloxone.

Fondation Institut Analgesia (OFMA).

Enfin, vendredi 30 août, le ministère des solidarités et de la santé a présenté officiellement sa feuille de route 2019-2022 pour « prévenir et agir face aux surdoses d'opioïdes», par voie de communiqué de presse. L’un des cinq objectifs retenus dans ce document mis en ligne fin juillet est d’assurer une diffusion large de la naloxone prête à l’emploi via trois actions :

  • soutenir l’élargissement du circuit de délivrance de la naloxone au réseau officinal et assurer la diffusion gratuite de la naloxone auprès des publics les plus à risque (dans les structures de soins en addictologie les services d’urgences, les unités sanitaires en milieu pénitentiaire et les centres de traitement et d’évaluation de la douleur) ;

  • doter en kits de naloxone les services de secours (pompiers, police) ;

  • développer une stratégie de déploiement ciblé de la naloxone impliquant les médecins de ville et les pharmaciens.

Certaines de ces mesures rejoignent celles proposées par l’association France Patients Experts Addictions et le collectif associé. Parmi celles-ci figurent entre autres la facilitation de l’accès à la naloxone en levant les barrières de prix (distribution gratuite dans les structures, un prix accessible en pharmacie), la facilitation de l’accessibilité (distributeurs automatiques, la simplification de l’utilisation…), la formation les acteurs professionnels et profanes (pairs, entourage, services de secours à la personne, policiers…) au repérage des signes de l’overdose, etc.

La facilitation de l’accès à la naloxone vise à remplir deux objectifs. Il s’agit tout d’abord de sensibiliser les usagers d’opioïdes, illicites ou médicaments, au risque de surdosage. La plus grande vigilance censée résulter de cette prévention devrait être associée à une diminution de la fréquence des overdoses. Le second objectif est de réduire la mortalité par overdose en permettant une administration de l’antidote avant l’arrivée des secours.

Ce dispositif est original, car le médicament n’est pas forcément utilisé pour la personne à qui il a été délivré : son administration est faite par un tiers dans l’entourage du patient. Il pourrait notamment constituer une aide précieuse si une crise des opioïdes se développait dans notre pays.

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Nicolas Authier, Médecin psychiatre et pharmacologue, professeur des universités-praticien hospitalier, Inserm 1107 / Université Clermont Auvergne, CA et CHU Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne

Cet article est republié à partir de The Conversation le 29 août 2019 sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


Source : infirmiers.com