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Diabète et éducation thérapeutique, quelle plus-value de l’infirmier Asalée ?

Publié le 22/03/2023

Maladie chronique pouvant entraîner de multiples complications, le diabète requiert de ceux qui en sont atteints de changer parfois drastiquement leur mode de vie, une démarche que l’éducation thérapeutique peut grandement faciliter. En ville, les infirmiers Asalée, dont c’est le cœur de métier, représentent une véritable opportunité pour ces patients. Quelle prise en charge mettent-ils en place ?

Rendre le patient acteur de son traitement, c’est le principe sur lequel se fonde l’éducation thérapeutique (ETP). La démarche est particulièrement adaptée au suivi des pathologies chroniques, parmi lesquelles le diabète connaît une prévalence importante. Dans ce dispositif, la valeur ajoutée de l’infirmier Asalée (Action de SAnté Libérale En Équipe), dont c’est le cœur de métier, est indiscutable.

L’ETP pour le diabète, qu’est-ce que c’est ?

Encadrée par la loi du 21 juillet 2009, l’ETP s’inscrit dans le parcours de soins du patient et a pour objectif de le rendre plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en amélioration sa qualité de vie. Elle repose sur la compréhension par le patient de sa maladie et des actions de soins et des habitudes qu’il peut mettre en place pour mieux vivre avec et prévenir les complications. De fait, elle est particulièrement utile dans le traitement du diabète de type 2, associé à des risques multiples (accident cardio-vasculaire, cécité, amputation…). Lancé en 2004 dans les Deux-Sèvres, le dispositif Asalée s’est très tôt emparé du sujet. Comme l’explique Jean Gautier, son fondateur, au moment de la création du dispositif, on ne parlait pas encore d’éducation thérapeutique. Mais on se rendait bien compte que les infirmiers ne tenaient pas le même langage aux patients que les médecins. On peut considérer que c’étaient les prémisses de l’ETP. Les infirmiers bénéficient ainsi d’un module de formation à l’ETP de 40 heures avant leur prise de fonctions en cabinet médical.

 

L’aspect pédagogique est fondamental pour l’adhésion du patient

En premier lieu, il faut d’abord expliquer. Expliquer le diabète, ses causes, ses complications, mais aussi expliquer le rôle de l’infirmier, dimension essentielle pour créer un lien de confiance avec les malades. Lorsqu’ils lui sont envoyés par les généralistes qui travaillent avec lui – Systématiquement, je propose à tous les patients diabétiques un suivi conjoint avec l’infirmier dès que l’on diagnostique le diabète, précise le docteur Laurence Gillard – Marie-Laure Coupeau, infirmière Asalée depuis 4 ans, consacre une à deux séances à connaître ses patients et à déterminer ce qu’ils savent du diabète. Souvent, ce qu’ils en retiennent, c’est qu’il faut arrêter de manger du sucre. Mais c’est très réducteur !, s’amuse Marie-Laure Coupeau. Bénédicte Usandizaga, Asalée depuis septembre 2019, applique la même méthodologie : J’essaie de déterminer ce que les patients savent de leur diabète, s’ils savent qu’il existe des complications. Car certains n’en savent pas grand-chose et en confient la surveillance au médecin. L’étape est cruciale, car elle permet à l’infirmier de poser pour chaque personne diabétique les bases du suivi de sa pathologie, mais aussi de l’aider à s’inscrire dans une vraie démarche de soin : L’aspect pédagogique est fondamental pour l’adhésion du patient, note Marie-Laure Coupeau.

Patient acteur et responsabilisé

C’est aussi au cours de ces premières séances qu’est mené l’entretien motivationnel, outil spécifique à la prise en charge Asalée. Son objectif : analyser les attentes des patients et cibler avec eux les mesures à mettre en place qui pourront les aider à mieux vivre avec le diabète. L’entretien motivationnel est un outil réellement important, car c’est grâce à lui que l’on va donner envie aux patients d’intégrer des changements dans ses habitudes de vie, explique Marie-Laure Coupeau, qui, pour convaincre les plus récalcitrants, n’hésite pas à les mettre face à leurs contradictions. Car s’inscrire dans une démarche d’éducation thérapeutique requiert de leur part d’être véritablement acteurs de leur traitement. Et suppose donc une forme de responsabilisation, que certains ne sont pas toujours prêts à accepter. Certains n’ont pas envie de changer leur mode de vie. Quand ils comprennent que l’ETP les questionne, que ce n’est pas une solution miracle, certains patients choisissent de ne pas y adhérer, confirme Laurence Gillard, qui précise toutefois que ceux-ci représentent une minorité de sa patientèle.

Une pathologie aux complications multiples

  • Le diabète de type 2 (DT2) représente 90 % des cas recensés de diabète
  • La pathologie peut se déclencher à partir de 40 ans
  • Les risques d’infarctus du myocarde sont multipliés par 3 à 5
  • 10 000 diabétiques sont hospitalisés en moyenne chaque année pour infarctus du myocarde, dont 1 000 décès
  • 9 000 diabétiques subissent une amputation à la suite d’une artérite
  • 20 à 30 % des adultes diabétiques ne seraient pas diagnostiqués

Source : INSERM

Un suivi personnalisé

Ce n’est qu’une fois ces étapes franchies que peut réellement se mettre en place l’ETP. Suivi des examens et bilans complémentaires (sanguins pour mesurer l’hémoglobine glyquée, fond d’œil…), surveillance de l’observance des traitements, mais aussi conseils alimentaires et accent mis sur l’activité physique sont tout autant de points que l’infirmier Asalée aborde alors au cours de ses consultations. Et à chaque fin de séance, les patients se fixent un objectif atteignable, comme passer de deux sucres dans le café à un seul, ajoute Bénédicte Usandizaga, qui souligne que, pour que l’ETP fonctionne, chaque prise en charge doit être singulière. Une condition fondamentale pour que les individus atteints de diabète soient réellement acteurs de leur traitement. Le meilleur soignant pour le patient, c’est le patient lui-même, souligne Marie-Laure Coupeau. La prise en charge s’effectue alors sur le long terme, à la différence des programmes d’ETP dispensés en hôpital, qui ne s’étendent que sur quelques jours. Car, si ceux-ci ont le mérite d’exister, ces modules uniques n’ont pas beaucoup de sens pour les personnes atteintes de maladies chroniques et qui doivent apprendre à vivre avec, relève Jean Gautier. En revanche, à l’exception de quelques actes dérogatoires , définis en concertation avec le médecin, les infirmiers Asalée ne réalisent pas de soins techniques, qu’ils peuvent déléguer aux infirmiers libéraux.

Depuis que je vois l’infirmière Asalée, je vais mieux physiquement et moralement

La prise en charge est donc surtout relationnelle.  Il est en effet impératif de prendre en compte les changements qui interviennent tout au long de la vie des patients diabétiques et qui peuvent entraîner une aggravation ponctuelle de leur pathologie. Un de mes patients demeure stable presque toute l’année, sauf lors du premier trimestre où, en souvenir d’un événement tragique, il se relâche sur l’hygiène alimentaire et l’activité physique, parce qu’il n’est pas bien moralement, relate ainsi Marie-Laure Coupeau. Ils ne sont pas habitués à ce qu’on leur demande de parler d’eux. Là, ils se confient, on peut toucher à des choses très intimes, ajoute-t-elle. Or pour cela, il faut du temps. Et c’est l’autre atout de l’Asalée, puisque les consultations durent en moyenne entre 45 minutes et 1 heure. Côté patient, cette prise en charge personnalisée dans le cadre de l’ETP est très appréciée. Les échanges sont plus faciles, témoigne Danielle Pennec-Quillard, diabétique depuis une dizaine d’année. Je me sens plus écoutée, plus encadrée. J’ai fait beaucoup de progrès depuis que je vois l’infirmière Asalée. Je vais mieux, aussi bien physiquement que mentalement.

Entre autonomie et coopération avec le médecin

Grâce à l’instauration d’un protocole strict défini par Asalée et qui encadre leur pratique, les infirmiers disposent d’une très large autonomie dans la prise en charge des malades. C’est la grande force d’Asalée, les infirmiers font preuve de beaucoup de créativité, s’enthousiasme d’ailleurs Laurence Gillard.  Marie-Laure Coupeau et Bénédicte Usandizaga organisent ainsi des groupes de marche, s’appuyant sur le collectif pour encourager la reprise de la pratique sportive, voire l’échange de bonnes pratiques. Le collectif est un vrai levier de changement. Dès que l’un des patients participants donne une astuce, elle est dix fois plus entendue que lorsqu’elle sort de la bouche d’un soignant !, s’amuse Bénédicte Usandizaga. Libre à elles, également, d’orienter leur patientèle vers les programmes d’ETP en hospitalisation de jour lorsque la situation s’aggrave, ou vers des spécialistes (diététiciennes, psychologues…) si elle en éprouve le besoin.

On s’aperçoit que des patients pour lesquels on avait baissé les bras retrouvent une seconde énergie

Les infirmiers Asalée travaillent par ailleurs en étroite collaboration avec les médecins généralistes, chaque binôme mettant en place sa propre organisation. Marie-Laure Coupeau et Laurence Gillard prennent ainsi un temps chaque semaine pour faire le point sur les patients ; Bénédicte Usandizaga, elle, n’évoque les cas stabilisés avec le médecin traitant qu’une à deux fois par an. Mais quand je ne vois pas d’amélioration, je sollicite le médecin afin de voir s’il n’a pas des conseils pour aborder l’ETP sous un autre angle, pour toucher davantage le patient, précise-t-elle.  Résultat, l’état des patients diabétiques tend à s’améliorer dans le temps, avec une diminution du taux d’hémoglobine glyquée. J’ai eu des patients qui sont arrivés avec un taux de 10 % et qui depuis sont descendus à 5 % ou 6 %, explique l’infirmière.  On s’aperçoit que certains, pour lesquels on avait un peu baissé les bras, retrouvent une seconde énergie. Ils perdent du poids, ils améliorent leur hémoglobine glyquée, relève de son côté Laurence Gillard, qui confie avoir l’impression de mieux connaître ses patients depuis l’arrivée de l’infirmière Asalée et note qu’à l’arrivée plusieurs développent un vrai sentiment de fierté face aux progrès accomplis. Et Danielle Pennec-Quillard de conclure : C’est une chance d’avoir une infirmière Asalée, c’est dommage que l’on n’ait pas eu ça plus tôt.

Journaliste audrey.parvais@gpsante.fr

 

Source : infirmiers.com