"J’aime ce que je fais, mais ne le fait pas !" Voilà comment les soignants parlent de leur profession au sein de leur entourage. C’est ce que démontre la troisième édition du baromètre de 360 médics consacrée au moral des soignants. Le moins que l’on puisse dire c’est que les résultats sont révélateurs d’un système de santé en déclin. Si de nombreux professionnels de santé déclarent aimer leur métier, ils s’estiment aussi en souffrance. Pire encore, ils n’envisagent pas l’avenir sous un jour meilleur.
Les professionnels de santé en situation de souffrance morale et/ou physique. Voici le triste constat de la nouvelle enquête réalisée par 360médics sur le moral des soignants. Si l’an dernier ce même sondage avait déjà démontré un mal-être évident chez ces corps de métier, les données actuelles sont particulièrement alarmantes ! Bien qu’ils apprécient leur travail, les professionnels du soin ne le recommanderaient pas à leur entourage au vu des risques psychosociaux encourus. Les chiffres révèlent aussi qu’ils ont peu d’espoir d’amélioration dans l’avenir.
Le soin a été déshumanisé et notre travail en souffre. Je n’arrive plus à garder espoir - une aide-soignante dans les Ardennes
Aimer son travail c’est pouvoir le faire bien
En tout, près de 7000 professionnels de santé ont été interrogés durant l’enquête : la majorité était des infirmiers (47,7%) suivis par les médecins (17,6%) puis les aides-soignants (15%). Si presque la totalité (96,5%) des participants revendiquent aimer leur métier, ils sont à peine 27% à recommander à un proche de se lancer dans la même voie. Cette situation, quoiqu’un peu paradoxale, n’est pas étonnante selon le Dr Grégoire Pigné, cofondateur de 360médics. Selon lui, les chiffres révèlent l’écart entre l’aspect aspirationnel
de ces professions et la réalité du métier. Depuis 30 ans il faut voir plus de patients avec moins de moyens, les soignants ont énormément de réserves sur l’avenir des conditions dans lesquelles ils devront exercer. Ils se heurtent à la pratique quotidienne d’un métier où ils doivent constamment faire mieux avec moins. Ils ne souhaiteraient pas à leurs proches de faire ce travail qu'ils aiment dans ces conditions
, précise-t-il.
En effet, bien qu’ils apprécient leur travail, les soignants sont trop exposés aux risques psychosociaux. Ils sont plus des deux tiers (66,8%) à avouer être en état de souffrance physique et/ou morale (dont 79,9% des aides-soignants et 69,1% des infirmiers). Ce qui représente une augmentation conséquente par rapport à l’an dernier où, sur l’ensemble des répondants, déjà 58 % avaient reconnu ressentir un épuisement moral comme physique.
Un burn out à 28 ans, après 5 ans d’exercice… donnez-nous les moyens de rester humains ! - témoigne un infirmier en Eure-et-Loir
Des risques psychosociaux trop importants
Ces résultats confirment ceux obtenues par l’Ordre National des Infirmiers dans une précédente enquête parue en avril 2018 . Cette étude démontrait que 10% des infirmiers présentaient de quelquefois à très souvent des idées suicidaires et que 60% d’entre eux craquaient en raison de leur travail. Des chiffres édifiants auxquels se rajoutent encore une enquête de l’association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) datant de 2017 qui dévoilait que sur les 700 professionnels de santé ayant participé plus de 40% connaissaient un confrère ayant fait une tentative de suicide !
Nous devons lutter contre le défaitisme et optimiser les moyens déjà alloués pour donner des soins de qualité - un médecin en Moselle
Des professionnels peu confiants quant à l’avenir
Si, à l’heure actuelle, les conditions de travail sont plus qu’alarmantes, comment les soignants envisagent le futur de leur profession dans les dix prochaines années ? Et bien mal ! Ils s’avèrent pessimistes dans 86,6% des cas. Toutefois, les statistiques distinguent deux profils qui s’opposent dans une parfaite symétrie entre ceux qui présument qu’il n’y aura aucune amélioration et ceux qui demeurent optimistes (une large minorité). Par exemple, en ce qui concerne l’impact des politiques de santé publique, les pessimistes voient le verre à moitié vide et affirment que la réduction de personnel, la baisse de budget, et l’absence de réorganisation ne pourront qu’avoir des répercussions négatives sur l’exercice du métier. En revanche, les quelques optimistes voient le verre à moitié plein et supposent l’inverse : qu’une optimisation des effectifs et une hausse des moyens alloués à la santé pourraient être bénéfique à la profession.
De même pour les nouvelles technologies, certains professionnels soulignent que la téléconsultation, la robotique et l’Intelligence Artificielle peuvent avoir un impact positif sur le métier alors que d’autres pensent absolument le contraire.
Dans la même veine, en ce qui concerne la relation soignant/soigné, 85% des soignants pessimistes quant à l’avenir présument que le patient va percevoir de plus en plus les professionnels de santé comme de simples prestataires de service. En parallèle, près de la moitié des soignants plus optimistes quant à leur futur supposent que le patient devenu "un expert" sur sa pathologie pourra optimiser l’exercice du métier.
Cette étude, au-delà de mettre en exergue, une nouvelle fois, l’urgence de mettre en place des politiques de prévention de la souffrance ambitieuses, dessine le peu d’espoir que les soignants ont en l’amélioration de l’exercice de leur métier. Nous devons sortir de la logique de coûts dans laquelle se trouve le système de santé français. Les soignants ont une expertise immense, reconnue dans le monde entier
, conclut Grégoire Pigné.
Et vous, vous en concluez quoi ? Tout dépend si vous voyez le verre à moitié vide ou à moitié plein…
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
IDEL
Vidéo - "Avec un enfant, il faut savoir être enveloppant"
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse