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Comment l'écriture en sous-main d'articles scientifiques a permis à Wyeth de (sur)vendre son THS

Publié le 09/09/2010

Le THS (traitement hormonal subsitutif) est en passe de devenir un stéréotype de la façon dont certains laboratoires pharmaceutiques influencent les experts pour vendre leurs produits. Le site PLoS Medicine publie un travail réalisé par une experte à la demande de patientes ayant porté plainte contre le laboratoire Wyeth, racheté par Pfizer, qui en conteste les conclusions.

Un article publié dans PLoS Medicine détaille comment l'écriture en sous-main d'articles scientifiques a permis à Wyeth (racheté en 2009 par Pfizer) de vendre, et même survendre, son traitement hormonal substitutif (THS) Prempro* (estrogènes équins conjugués + acétate de médroxyprogestérone).

En dépit des allégations qui avaient cours, l'étude HERS publiée en 1998 avait démontré l'absence de bénéfice cardiovasculaire du THS et, en 2002, l'étude WHI a prouvé la même chose ainsi qu'une augmentation du risque de cancer du sein et d'accident vasculaire cérébral (AVC), puis plus tard une augmentation du risque de démence et d'incontinence.

PLoS Medicine avait mis en ligne en accès libre en septembre 2009 quelque 1.500 documents présentés au cours d'un des procès intentés à Wyeth par des patientes ayant développé un cancer du sein après avoir pris le THS Prempro*, prouvant que la firme avait organisé une véritable campagne d'écriture en sous-main d'articles, ou "ghost-writing".

Adriane Fugh-Berman du centre médical de l'université de Georgetown à Washington, engagée comme témoin expert par les plaignantes, a décortiqué ces documents et souhaite montrer dans son article, à partir de ce cas, "comment l'industrie utilise l'écriture en sous-main pour insérer des messages de marketing dans des articles publiés dans les journaux médicaux". Elle précise ne pas avoir été payée pour faire cette recherche et écrire cet article.

Entre 1996 et 2004, Wyeth a travaillé avec plusieurs sociétés de formation et de communication médicale, essentiellement avec DesignWrite, pour promouvoir la famille de produits Premarin* (estrogènes équins conjugués) -dont Prempro*.

Le principe était que DesignWrite écrive la première version des articles scientifiques et la soumette à Wyeth. DesignWrite incorporait alors les commentaires de Wyeth dans une deuxième version, approuvée par Wyeth, qui était ensuite envoyée à l'"auteur" (celui dont la signature devait apparaître), qui ajoutait ses propres commentaires éventuellement, dans une troisième version. Puis DesignWrite aidait à faire publier l'article.

Entre 1997 et 2003, DesignWrite a ainsi fait publier sur les produits de la famille Premarin* plus de 50 articles relus par des pairs, plus de 50 abstracts et posters scientifiques, suppléments de journaux, lettres internes, diaporamas et symposia, rapporte Adriane Fugh-Berman.

La société a notamment écrit en sous-main quatre articles rapportant les résultats de l'essai clinique HOPE sur Prempro* à faible dose, pour chacun desquels elle a été payée 25.000 dollars par Wyeth.

Les publications secondaires auxquelles elle a participé comprennent 20 revues pour lesquelles elle a reçu entre 20.000 et 25.000 dollars.

En outre, DesignWrite a contribué à la production d'une dizaine de revues ou commentaires visant à promouvoir l'utilisation hors des indications de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de Prempro*, comme la prévention de la maladie d'Alzheimer, de la maladie de Parkinson, de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ou encore des rides.

La chercheuse décrit encore les autres interventions de DesignWrite, notamment de "diriger" les auteurs et les journaux, en répondant aux commentaires des relecteurs des articles afin d'apporter les arguments pour que les messages marketing clés soient conservés.

"Les messages marketing dans les journaux crédibles ont très certainement contribué à l'utilisation répandue du THS par des millions de femmes qui n'avaient pas d'indication médicale pour ce médicament", estime Adriane Fugh-Berman.

Une pratique devenue la normalité ?

Elle souligne que cette pratique de "ghost-writing", pudiquement appelée "assistance rédactionnelle", a également été documentée pour d'autres médicaments, comme Lexapro* (escitalopram, Lundbeck), Paxil*/Deroxat* (Paroxétine, GlaxoSmithKline), les cocktails fen-phen (fenfluramine + phentermine), Neurontin* (gabapentine, Pfizer), Vioxx* (rofécoxib, Merck & Co) et Zoloft* (sertraline, Pfizer).

Bien que sa prévalence ne soit pas connue, cette pratique pourrait être si répandue qu'elle serait considérée comme normale, selon la chercheuse.

"Aujourd'hui, malgré des données scientifiques catégoriques montrant le contraire, de nombreux gynécologues croient encore que les bénéfices du THS surpassent les risques chez les femmes asymptomatiques", déplore-t-elle. "Cette perception non fondée sur les preuves est probablement le résultat de décennies d'influence commerciale soigneusement orchestrée sur la littérature médicale".

Mais "la naïveté n'est plus une excuse. Peut-être les médecins-chercheurs devraient-ils créer et maintenir un standard où les relations avec l'industrie sont considérées comme peu recommandables plutôt que recherchées", suggère-t-elle.

Dans un communiqué, Pfizer souligne le lien de la chercheuse avec la partie plaignante du procès contre Wyeth et estime que "même avec sa perspective critique, [Adriane Fugh-Berman] n'a pu établir qu'il y ait eu des inexactitudes dans les articles relus par les pairs, ou que leurs auteurs aient perdu le contrôle de leur travail".

PLoS Medicine, vol.7 n°9, publication en ligne du 7 septembre : The Haunting of Medical Journals : How Ghostwriting Sold “HRT”

 

Note de Serge CANNASSE
Rédacteur en chef IZEOS
PLoS Medicine est un site de publication d'articles scientifiques médicaux dont l'accès est entièrement gratuit : ce sont les chercheurs (ou les équipes) qui paient pour être publiés, ce qui n'empêche pas, bien au contraire, une haute qualité des articles. Le site est en passe de devenir une référence incontournable.


Source : infirmiers.com