Dans les pays en voie de développement, les professionnels de santé encourent un sérieux risque d’être infectés par de nombreux pathogènes comme les virus de l’hépatite B ou C et le VIH. Leur prévalence est particulièrement élevée en Afrique subsaharienne. C’est pourquoi une équipe de scientifique s’est penchée sur les mesures de précaution en vigueur dans un hôpital au Nord de l’Ethiopie afin d’estimer les risques potentiels auxquels sont soumis les soignants.
Piqûres d’aiguilles, coupures, éclaboussures, morsures sont quelques accidents fréquents que rencontrent les professionnels de santé au cours de leur exercice quotidien. Or, la fréquence des blessures associée à la prévalence des maladies transmissibles donne une idée du risque potentiel d’exposition aux divers agents infectieux. Or, dans les pays en développement avec des faibles ressources humaines comme matérielles voire des infrastructures parfois vétustes, ce risque augmente.
Pourtant, même si cette problématique a fait l’objet d’une attention croissante en Afrique Subsaharienne ou certaines maladies infectieuses sont endémiques, les données manquent cruellement. En effet, les systèmes de surveillance existant et la réactivité des soignants en ce qui concerne les mesures de sécurité ne permettent pas d’évaluer le nombre d’AES ni d’analyser l’impact des mesures préventives. C’est pour cette raison, qu’une équipe de chercheurs a décidé de réaliser une étude observationnelle auprès du personnel de l’hôpital universitaire de Gondar au Nord de l’Ethiopie.
Plus précisément, 282 professionnels de santé ont été sélectionnés au hasard pour participer à l’étude. Cet établissement doit faire face à une charge élevée de patient, ceci combiné à l’urgence de certaines interventions contribue à une forte prévalence d’AES
, selon les auteurs des travaux.
Manque de formation régulière et de supervision
Les résultats peuvent nettement être optimisés. En effet, 58,5% des personnels de santé ont eu des AES via des éclaboussures durant leur carrière et 39% durant les douze derniers mois. Pour comparaison, c’est plus que les chiffres obtenus au Kenya où l’on a constaté 25% d’AES en un an par exemple. En revanche, les chiffres sont moindres par rapport à la Serbie où les soignants sont 66% à avoir eu un AES au cours de leur vie professionnelle. Ces disparités significatives sont probablement dues aux différences dans le développement des infrastructures, à l’absence de formation régulière des personnels de santé sur la prévention des infections, ou encore au manque de respect des professionnels eux-mêmes à appliquer les règles de sécurité .
En parallèle, au niveau des blessures dues aux aiguilles, 42,2% des participants ont admis en avoir eu au cours de leur carrière et 20, 6 % au cours de l’année précédente. Là encore, les auteurs ont remarqué des disparités par rapport à d’autres pays. Si les chiffres sont inférieurs à ceux répertoriés en Inde (63% des soignants au cours de leur carrière), ils sont supérieurs à ceux obtenues en Iran (8% dans les douze derniers mois). Des divergences pouvant trouver leur origine dans les formations de prévention ou dans la disponibilité des équipements de protection individuels (EPI) notamment.
Améliorer la prévention sous toutes ces formes
Rappelons qu’aux Etats-Unis, l’Institut national américain de la sécurité et de la santé au travail a identifié comme facteurs de prédispositions aux blessures dues aux aiguilles la surutilisation des injections, le manque d’EPI, le recours non automatique au conteneur pour objets contendants immédiatement après usage, le manque de sensibilisation au danger, l’absence de dispositif à aiguille sécuritaire et le passage d’une main à l’autre d’instruments en salle opératoire. Selon les auteurs « cela confirme nos observations car apparemment 67,4% des membres du personnel ne sont pas formés, les dispositifs de sécurité ne sont pas présents partout et le recapuchonnage des aguilles demeure pratiqué (dans 44,7% des cas) ! Un des comportements les plus à risque d’AES.
En outre, les travaux ont révélé que seulement 44% des soignants pratiquent les mesures de précautions universelles et que 39,36% uniquement ont suivi une formation de prévention des infections, c’est moins que dans l’Est du pays (Ethiopie). Pour quels motifs ? Le manque d’engagement et un budget limité reste les causes les plus plausibles selon les chercheurs.
La vaccination contre l’hépatite B, des lacunes là aussi
Enfin, les spécialistes se sont penchés sur le bilan vaccinal des équipes. Il s’avère qu’un peu plus de la moitié des professionnels de santé (55,3%) sont à jour du vaccin anti-HBV (contre 40% au Kenya par exemple). Cependant, étrangement, les soignants vaccinés ont davantage de comportements à risque. Apparemment, ils ont environ 2 fois plus de chances d’être exposés à des éclaboussures ou à une blessure par piqûre que les autres. Selon les scientifiques, la principale cause serait la négligence, d’où l’intérêt de les former mieux afin qu’ils comprennent que si le vaccin les protège de l’hépatite B il n’en est rien pour les autres infections dont le HCV et le VIH.
Cette étude a montré un pourcentage plus élevé d'exposition professionnelle au sang et aux liquides organiques chez les travailleurs de santé dans la zone d'étude
, concluent les auteurs. Ainsi, le manque de formation en matière de prévention des infections professionnelles, le statut vaccinal contre le HBV et de recapuchonnage des aiguilles sont les principaux facteurs à l’origines des AES. Sur la base de ces données, les chercheurs préconisent aux parties prenantes concernées
de dispenser une formation aux personnels de santé sur la prévention des infections professionnelles, de mettre à disposition du matériel adéquat, et de mettre au point des stratégies pour créer un environnement de travail favorable et renforcer l’adhésion aux mesures de précautions universelles.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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