La question de la laïcité a franchi le seuil des instituts de formation en soins infirmiers. Si l’on se souvient de l’émoi qu’avait suscité la célèbre affaire baby loup
, la situation des étudiants en soins infirmiers a également soulevé l’intérêt du législateur qui, au terme d’une analyse minutieuse des obligations s’imposant à eux, a déterminé un régime particulier pour les ESI quant au port de signes religieux.
Pour ce faire, le conseil d’État a, dans son arrêté du 28 juillet 2017, sciemment distingué deux cas, selon que les étudiants en soins infirmiers suivent des enseignements ou qu’ils soient en stage. Dans le premier cas, la situation est différente selon que l’enseignement a lieu dans l’institut de formation aux soins infirmiers ou dans un lycée public. Dans le second cas, la distinction porte sur le fait de savoir si le stage est effectué, ou non, dans un établissement de mission de service public.
La situation des étudiants en soins infirmiers au sein de l’établissement de santé
Les instituts de formation paramédicaux étant des établissements d’enseignement supérieur, tout étudiant infirmier inscrit en leur sein a le droit d’arborer des signes religieux, à condition que les étudiants ne perturbent pas le déroulement des activités d’enseignement et le fonctionnement normal du service public, notamment par un comportement revêtant un caractère prosélytique ou provocateur
. En conséquence, la Loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux n’est donc pas applicable, sauf lorsqu’ils suivent un enseignement dans un lycée public
souligne l’arrêt du 28 juillet 2017. En clair, lorsque les étudiants suivent des enseignements théoriques et pratiques, au sein des instituts de formation paramédicaux, ils ont la qualité d’usagers du service public
et ils sont donc libres de faire état de leurs croyances. La situation est totalement différente lorsqu’ils effectuent un stage au sein des établissements de santé.
La situation des étudiants en soins infirmiers stagiaires au sein des établissements de santé
S’agissant de la partie pratique, et plus précisément quand les étudiants en soins infirmiers effectuent un stage au sein d’un établissement de santé, la solution est toute différente selon la mission de la structure dans laquelle le stage est effectué. Le Conseil d’État a précisé les obligations applicables à un étudiant en soins infirmiers qui effectue un stage. Celles-ci sont distinctes selon que le stage se déroule au sein d’un établissement en charge d’une mission de service public ou au sein d’un établissement qui n’a aucune mission de service public.
S’il s’agit d’un stage effectué au sein d’un établissement de santé chargé d’une mission de service public : l’étudiant en soins infirmiers est assimilé à un agent public du service hospitalier, il est donc soumis à l’intégralité des obligations de service afférentes au statut d’agent public et il est logiquement assujetti aux mêmes obligations qui s’imposent à tous les agents du service public hospitalier, telles que le principe de laïcité, lequel leur interdit de manifester leur croyance religieuse dans le cadre du service public. Ainsi, si un étudiant en soins infirmiers affiche ses croyances religieuses dans l’exercice de ses fonctions, en portant notamment un signe qui marquerait une appartenance religieuse, il pourra être exclu et risquera une sanction.
Dans le secteur privé, le Règlement intérieur fait foi
À l’inverse, si le stage est effectué au sein d’un établissement privé, non chargé d’une mission de service public, les règles sont plus souples, puisque les étudiants en soins infirmiers devront respecter les dispositions du règlement intérieur de l’établissement, qui fixent les conditions dans lesquelles les agents pourront faire état de leurs croyances religieuses
. Deux hypothèses sont donc à prévoir :
- Soit le règlement intérieur
peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés
et les étudiants en soins infirmiers seront tenus de le respecter; - Soit il n’y a pas de règlement intérieur, ou celui-ci existe mais ne comporte aucune interdiction, et en pareil cas, les étudiants en soins infirmiers pourront manifester leurs croyances religieuses. Quoi qu’il en soit, il est important de rappeler que cette restriction devra toujours être justifiée par les nécessités du bon fonctionnement du service et ne devra pas être discriminatoire.
En somme, c’est une clarification subtile et bienvenue que nous a offerte le Conseil d’État. Au terme d’une application logique de sa jurisprudence, un statut hybride pour les étudiants en soins infirmiers des instituts de formation paramédicaux a été créé. Au-delà des étudiants en soins infirmiers, cette solution semble transposable à tous les étudiants qui effectuent un stage au sein d’un établissement en charge, ou non, d’une mission de service public.
Emmanuelle MelFormatrice consultanteDocteur en Droit de la Santé emmanuellemel@yahoo.fr
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