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Christina, aide-soignante, raconte « son » hôpital

Publié le 20/10/2017
livres lunettes lecture

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La complainte d

La complainte d

Christina Au’Malley a attendu d’être à la retraite pour publier son livre. Dans La complainte d’une blouse rose, l’auteur revient sur plus de trente-cinq ans de carrière dans la Fonction publique hospitalière. Elle y raconte surtout « son » hôpital. Cette ancienne agent de service hospitalier devenue aide-soignante est entrée dans ce « four », comme elle l’appelle, à 18 ans. Et le regard qu’elle porte sur l’établissement n’est pas si rose. Les humiliations, le poids de la hiérarchie, les rivalités, le manque d’égard : Christina Au’Malley pousse la porte de « l’institution hôpital » et lève le voile sur un vécu ambivalent. A travers des anecdotes de la vie quotidienne qui l’ont particulièrement marquée, elle interroge le milieu médical et, d’une certaine manière, règle ses comptes.

L’auteur façonne une galerie de personnages, des soignants qui ont croisé sa route et à qui elle attribue des noms explicites : Dark Vador, Mme Pettesec et Cruella.

« J’ai des relations spéciales avec « mon hosto », je l’humanise, je lui donne le rôle du père que je n’ai pas eu, parfois dans mon dialogue intérieur, je me dis que c’est lui qui a terminé mon éducation, (…) « l’hosto » a fini de me casser, de me mouler, de m’égratigner dans ma dignité d’être humain, si vous avez besoin de reconnaissance, ne venez pas travailler à l’hôpital. » Tout est dit dans ces quelques lignes qui ouvrent presque l’ouvrage. Pourquoi ce livre ? Christina Au’Malley a entamé son écriture trois ans avant l’heure de la retraite, à 53 ans, par nécessité. « Je sens seulement que pour mon équilibre, il faut que je le fasse ». Plus loin, alors qu’elle s’apprête à mettre le point final, elle cerne mieux le sens de sa démarche : « c’est une façon de me réapproprier ces années. (…) 38 ans d’une vie mérite bien un retour en arrière pour mieux tourner la page (…) », confie-t-elle. 

Une petite morsure par jour sur votre amour-propre pendant des années  se transforme à la longue en un trou béant d’amertume…

Dark Vador, Mme Pettesec et Cruella

Difficile de garder son innocence face à certains cadres du milieu hospitalier semble-t-il. L’un est un peu sadique, l’autre dénué d’empathie, la dernière se venge de sa propre frustration… L’auteur façonne une galerie de personnages, des soignants qui ont croisé sa route et  à qui elle attribue des noms explicites : ainsi, un médecin-chef du service particulièrement effrayant devient-il Dark Vador, on rencontre aussi une Mme Pettesec  ou encore Cruella, une « matrone », qui se « croyait importante » comme « tant de personnages rencontrés »… Le constat, sous les clins d’œil, reste un peu amer. La répétition des petites humiliations accomplissant à la perfection son travail de sape. « Ce n’est pas une petite morsure qui vous détruit, mais une petite morsure par jour sur votre amour-propre pendant des années  se transforme à la longue en un trou béant d’amertume… »  Certaines anecdotes choquent, comme celle où elle raconte qu’enceinte de six mois, elle n’avait eu droit à aucun égard de la part de ses supérieurs qui la pressaient de s’activer, indifférents à sa fatigue. Christina Au’Malley donne finalement sa « recette pour obtenir une aide-soignante au top » : « un quart d’employée de maison, un quart d’infirmière, un quart d’hôtesse d’accueil, un quart d’assistante sociale, une potion d’âme de robot, un diplôme d’humoriste, vous secouez bien le tout et c’est gagné ! » Là encore, on notera l’ironie.

« Ce quelque chose d’innocent continue de perdurer en moi »

Malgré tout, malgré le regard acerbe, malgré les critiques et les déceptions, le livre se fait le reflet d’une certaine fraicheur. L’auteur fait souvent référence à la petite fille en elle, qui, parfois, refait surface. Elle le dit et s’en étonne presque : « ce quelque chose d’innocent continue de perdurer en moi ». Christina Au’Malley revisite ainsi méthodiquement des moments du quotidien qui sont restés gravés dans sa mémoire, et c’est un peu comme si l’ouvrage lavait doucement l’auteur des humiliations subies en lui donnant l’occasion de reprendre la parole. La « complainte » cède ainsi parfois la place à autre chose, à un plaisir contenu de revenir sur cette longue expérience de l’hôpital. D’ailleurs, l’épilogue le prouve : L’auteur a trouvé du sens à son métier, à travers toutes ces années, et même : un « sens précieux ». C’est cela, aussi, que nous retiendrons.

La complainte d’une blouse rose, de Christina Au’Malley, chez Mon Petit Editeur, 7,50 euros.

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com