Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

IDEL

Ces odeurs dont on se passerait bien...

Publié le 06/01/2014
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Sur son blog, Clématite, infirmière libérale, nous parle d'un sens souvent malmené lorsqu'elle exerce : l'odorat... L'occasion pour elle de souhaiter à la communauté soignante une « Bonne à Nez et Bonne Sentez (mais pas des pieds...) » !

L'odorat, un sens mis à mal au quotidien

En prévision des lendemains qui déchantent, de la gueule de bois et de la tête qui fume, je vais vous entretenir d'un des aspects qui me dérange de plus en plus dans ce métier d'infirmière libérale, d'un de nos cinq sens qui est mis à mal au quotidien : l'odorat ! Avertissement aux personnes sensibles qui ont un haut le cœur juste à l'évocation du mot « vomi »... Ça y est ? Le repas est rendu ? Alors passez votre chemin, cet article n'est pas pour vous. Je suis sympa, je préviens !!!!

Je crois que depuis le début, ce festival d'effluves diverses et variées me dégoûte et me persécute... Petit tour d'horizon... (bon je vous aurais prévenus, ce qui suit n'est pas glamour !)

Les effluves corporelles

Bien évidemment, nous travaillons sur de l'humain donc, inutile de rêver, on ne s'affranchira pas du "Fleur d'Anus" de Jean Peste ni du "Caprice des Pisse" de Jean Boucane, faut bien que Nature se soulage. Parfois, dans certains quartiers, c'est aussi dès l'ascenseur que nous entrons dans le vif du sujet (et là : vue + odeur).

Dès le matin, certaines senteurs âcres de nos patients nous rappellent que nous avons des aisselles, que l'odeur de transpiration n'est pas une fatalité (sauf maladie) et qu'un peu d'eau et de savon, voire déo sont assez efficaces pour les atomiser ....

Quid des bouches qui puent, des dents creuses, des dentiers trempant allègrement dans ce qui fut la veille de l'eau et se révèle une bouillasse infâme et moussante, parsemée de morceaux de persil, et dans laquelle il faut plonger les doigts pour en extraire une mâchoire gluante ? Parfois deux (pour le prix d'une).

Les pieds ! HUMMM... quel délice. J'ai une patiente dont le fils pue tellement des pieds que je sais qu'il est là avant d'avoir ouvert la porte... Si, si ! Et quand il faut mettre les orthèses entre les orteils ou la crème sur les pieds.... avec tout un tas de cheveux et autres miasmes qui restent collés sur les doigts. Faut dire que les tapis de sortie de douche sont souvent particulièrement crades ! Les gants gluants qui sentent le moisi (je vois des sourires, y a des connaisseurs dans l'assemblée !) dans lesquels il faut enfiler une main et utiliser l'autre pour les essorer... Beurk, beurk ... Mais vous avez remarqué ? Ils sont toujours "propres" : "je viens de le mettre"... Pareil pour les serviettes, trouées, rêches comme de la toile émeri ou puantes comme un vieux parmesan râpé (ça me fait penser à la chanson de Daniel Guichard - "Mon Père" -  mais c'était un vieux pardessus qui était râpé).

Les plaies, certaines plaies, se font annoncer en grande pompe olfactive avant la porte d'entrée... Cette odeur de charogne, persistante, écœurante, qui oblige à respirer par la bouche tout le temps du soin, et qui nous suit toute le reste de la matinée. Pourtant, le contexte humain associé à ces soins est souvent dramatique et nous devons, malgré cela, faire bonne figure et se taper la discute... Parler sans respirer, c'est une autre des qualités cachées de l'infirmière !

Les pieds ! HUMMM... quel délice. J'ai une patiente dont le fils pue tellement des pieds que je sais qu'il est là avant d'avoir ouvert la porte... Si, si !

Les odeurs environnementales

Le graillon ! (je vois mon chéri qui rigole !) Cette inénarrable odeur de vieille graisse brûlée qui vous prend à la gorge, envahit illico vos cheveux, votre pull, votre écharpe et vous affuble d'une aura nauséabonde pour le restant de la journée. La même que dans les restos du midi où vous êtes coincé entre les deux cadres dynamiques qui carburent au pinard et la réunion de vieilles copines hystériques qui gloussent à chaque passage de pantalon.... Ces restos dont vous sortez la tête en vrac - à cause du bruit, l'estomac en portefeuille (parfois même aussi le portefeuille dans l'estomac) - à cause de la bouffe, et la narine en rideau - à cause de l'odeur....

Bref ! A 7h du matin, entraînement intensif pour la descente en apnée. "Le Grand Bleu" à côté de moi c'est de la gnognotte. Je sors de l'ascenseur, j'aspire un grand coup, et j'essaie de battre mon record.... sauf que bon, je suis pas Jacques Mayol, et à un moment faut reprendre son souffle... De toute façon, l'odeur est accrochée donc c'est cuit.

Variante : la fille qui cuisine pour "maman" à l'aube, avant de partir au boulot. J'ai déjà eu droit à des gambas, à 8h du matin !!! Ou des cuisses de poulet dans l'huile.... rien que d'en parler il me vient le « gerbouli ».

- Le renfermé : ça aussi, j'ADORE ! cette odeur de... je ne sais quoi, de vieux vêtements, de vieux draps pas changés... No comment, on connaît tous.

- Les canalisations : odeur d'égouts, de remontées d'éviers, de merde, de fromage pas au frigo...

- La poubelle : pas vidée, avec du melon, qui déborde, sale, quasi liquide....

Bref ! A 7h du matin, entraînement intensif pour la descente en apnée. "Le Grand Bleu" à côté de moi c'est de la gnognotte...

Les odeurs collatérales

- Nos amis les bêtes : la caisse du chat, la gamelle du chat (surtout l'été, ça pardonne pas), le chien, la merde du chien, les poissons mais c'est plus rare ....

- Le chauffage : mazout, gaz, serviette imbibée de pipi qui sèche sur le radiateur...

- La cigarette : pendant ou après. En qualité d'ex fumeuse, ça m'est d'autant plus insupportable. Ces odeurs de tabac froid, ces cendriers qui débordent de mégot plus ou moins éteints, cette fumée qui pique les yeux. Ça aussi, ça colle bien aux vêtements et aux cheveux.

- Le frigo : bouffe "oubliée", fromage qui pue...

- Certaines injections quand on les prépare.

Je suis sûre d'en oublier et que vous en avez plein la sacoche.

Vous l'aurez compris, dès le début de la tournée, il me vient le vomi. Pour peu que la veille, le repas ait été un peu copieux ou arrosé, je me conditionne via la méthode Coué : non, tu n'as pas la gerbe,  tout va bien !!!!

Quelle misère de pénétrer dans ces intérieurs baignés des odeurs de la nuit, avec des personnes qui n'ont aucune pudeur à vous accueillir "bruts de décoffrage". Et je ne parle pas de personnes dépendantes ou très malades qui n'ont pas le choix, mais des personnes valides avec des injections ou des pansements, qui ne sont ni lavées, ni dents brossées, ni habillées...

Je crois que ce métier, je commence à l'avoir dans le nez ! (oui elle était facile).

Bonne à Nez et Bonne Sentez (mais pas des pieds...)

Clématite http://linfirmiere-libre-rale.eklablog.net/


Source : infirmiers.com