Qu’il s’agisse du cancer ou d’une autre maladie grave, l’annoncer à ses proches est une véritable épreuve que certains ne parviennent pas à dépasser. Pourtant, oser dire, expliquer, est souvent utile pour soi mais aussi pour ceux qui vous entourent. Valérie Sugg, psychologue, nous l’explique. Une analyse que les soignants doivent saisir pour mieux comprendre les patients confrontés au dilemme de la parole.
A peine le diagnostic est-il posé qu’il faut déjà l’annoncer… Une fois refermée la porte de la consultation, à peine l’uppercut reçu en pleine face, ce mot cancer
catapulté dans l’espace par la personne en blouse blanche, qu’il vous faut déjà tenter d’accuser le coup pour rentrer chez vous. Il y a ce mot qui fait peur, que chacun voudrait ne jamais avoir entendu, ce mot qui provoque une certaine sidération tellement il est chargé de sens : cancer, maladie grave potentiellement mortelle. Surgissent alors ceux que vous connaissez et qui s’en sont sortis et ceux qui n’ont pas eu cette chance et, étrangement, c’est souvent le souvenir de leur absence qui ressurgit à ce moment-là.
Vous n’avez souvent que peu de temps entre la consultation d’annonce et le retour au domicile où votre famille vous attend ou attend votre appel. Il va falloir l’annoncer aux proches ce qui relève parfois d’un impossible à exprimer. Certains vont avoir besoin d’un temps pour eux afin de réaliser que le cauchemar est bien réel, d’autres vont avoir besoin d’en parler au plus vite à leur conjoint, un proche de la famille ou un(e) ami(e). Il n’y a pas de généralité, pas de bonne façon de réagir, chacun va faire ce qu’il peut face à cette annonce traumatique puisqu’elle vient bouleverser le quotidien, modifier les priorités, il y aura un avant et un après.
Il y a parfois dans l’ordre ou le désordre, l’annonce aux parents, aux frères et sœurs, à certains amis en repoussant l’annonce aux enfants parfois.
Le dire aux enfants ou pas ?
Le mot cancer
a tout juste été prononcé qu’il vous faut déjà assurer, et rassurer. Quoi qu’on en dise, chacun souhaite protéger ses proches des mauvaises nouvelles de la vie, et pour certains, protéger c’est ne rien dire, surtout aux enfants. Certains vont attendre pour en parler, d’autres préféreront y aller progressivement, parfois sans prononcer le mot qui fait si peur, d’autres choisiront de le dire et enfin certains ne diront rien. Chacun a son idée sur le sujet mais quand on y est directement confronté, c’est une toute autre histoire, les y’a qu’à - faut qu’on
laissent place au doute, au questionnement.
Quand vos enfants se plantent devant vous, avec sur le visage une certaine inquiétude visible, c’est compliqué d’oser mettre des mots pour expliquer ce tsunami que vous traversez. Ce que certains d’entre vous expriment souvent c’est que devoir dire aux êtres que l’on aime le plus au monde que l’on a une maladie grave, comme parole d’amour, y’a mieux non ?
ou bien je ne peux pas leur faire ça, ils sont si petits encore
, je vais attendre de voir à quel point c’est grave
, je ne vais rien dire, je ne veux pas qu’ils souffrent
…
Si l’un de vos proches vous a accompagné(e) pendant l’annonce, vous allez pouvoir faire bloc. Peut-être parce que vous êtes tous les deux touchés, différemment, mais tous les deux. Si vous rentrez seul(e), l’annonce au conjoint est souvent la première étape. Elle devrait être la plus simple, elle ne l’est pas toujours. Il y a parfois dans l’ordre ou le désordre, l’annonce aux parents, aux frères et sœurs, à certains amis en repoussant l’annonce aux enfants parfois. C’est tellement difficile d’expliquer déjà ce que l’on ne s’explique pas forcément à soi-même. Alors, parlez à qui vous semble capable de l’entendre parce qu’en mettant des mots sur cette annonce cela peut vous permettre de réaliser ce qui vous arrive, de sortir du brouillard dans lequel ce diagnostic vous a plongé(e). Et c’est étrange mais le plus souvent, vous sentez poindre un peu de culpabilité, comme si c’était de votre faute, comme si vous étiez coupable de faire souffrir vos proches avec cette annonce. S’il y a là un coupable c’est avant tout le cancer, c’est lui qui vient bouleverser tous les aspects de votre vie.
Ce qui est sûr c’est qu’il vaut mieux expliquer aux enfants pourquoi brusquement à la maison rien n’est plus comme avant, les appels téléphoniques plus nombreux, les chuchotements chaque fois que des visiteurs arrivent, le stress, les habitudes même légèrement modifiées.
Pourquoi le dire ?
Certains ne vont pas pouvoir, pas vouloir en parler à leurs enfants, c’est tout à fait respectable ou alors il faudra un peu de temps pour le faire. Si c’est trop difficile, il est aussi possible de leur parler avec un proche afin de mettre des mots différents, de partager cette douloureuse annonce. Globalement, ce qui est sûr c’est qu’il vaut mieux expliquer aux enfants pourquoi brusquement à la maison rien n’est plus comme avant, les appels téléphoniques plus nombreux, les chuchotements chaque fois que des visiteurs arrivent, le stress, les habitudes même légèrement modifiées.
Les enfants sont des éponges émotionnelles, à l’affut de tout, ils savent très bien ressentir quand une atmosphère est particulière, comprendre que vos yeux rouges ne sont pas dus à une allergie mais à votre tristesse…. Je prends souvent l’exemple du TGV qui tombe en panne en pleine campagne. C’est toujours plus angoissant quand aucune information n’est donnée. Les premières minutes, ça va, après on commence à s’inquiéter du retard puis, on imagine toutes sortes de raisons de plus en plus stressantes. En revanche, si très vite, le contrôleur annonce que le train vient de croiser la route d’un chevreuil et que l’on vérifie que le nez du TGV est fonctionnel alors on se détend de suite, l’attente est plus facile. Dites-vous que pour les enfants c’est pareil. S’ils sentent que quelque chose de grave est arrivé et qu’on ne leur dit rien, ils s’imaginent le pire, comme nous. Alors, dans la mesure du possible, c’est mieux de leur parler. Et puis, c’est aussi une question de confiance. S’ils découvrent plus tard qu’on leur a mentis, les enfants gardent en eux une méfiance par la suite, ne sachant jamais si on leur dit bien toute la vérité ou pas.
Parlez à vos enfants avec vos mots à vous, comme cela vous vient, faites-vous confiance, vous êtes leur parent donc vous les connaissez mieux que personne et puis votre amour vous guidera.
Mais comment leur dire ?
L’important est de choisir le moment, non pas le bon moment parce qu’il n’y en a pas pour annoncer sa maladie, mais le meilleur possible en évitant le soir juste avant leur coucher. Si vous avez plusieurs enfants, cela peut se faire ensemble ou si vous jugez que les âges ne permettent pas d’employer les mêmes mots pour tous, chacun à son tour. Parlez à vos enfants avec vos mots à vous, comme cela vous vient, faites-vous confiance, vous êtes leur parent donc vous les connaissez mieux que personne et puis votre amour vous guidera. Si vous avez un nourrisson, parlez-lui aussi pour qu’il ne soit pas mis à part de ce que vit ensemble la famille, qu’il soit avec vous. Ce qui semble important c’est de nommer la maladie, pas forcément tout de suite le mot cancer, peut-être de parler de cellules anormales au niveau de tel organe, d’expliquer les bilans en cours, la façon dont vous allez être soigné(e).
Dans un deuxième temps, il sera possible de leur en dire plus s’ils le souhaitent, d’expliquer les effets secondaires possibles des traitements pour qu’ils ne confondent pas ces effets avec une aggravation de la maladie. Leur parler de la fatigue, du besoin de repos, de la disponibilité peut-être moins importante pour eux mais de cet amour inconditionnel qui ne change pas. Certains auront besoin de plus de détails, d’autres demanderont s’ils peuvent retourner jouer dans leur chambre, d’autres viendront se serrer contre vous. Selon le caractère de chacun, les réactions seront différentes immédiates ou échelonnées dans le temps.
Ce que l’on me dit souvent c’est qu’il est quasi impossible de leur parler sans être dans l’émotion et c’est normal. Il est logique d’être parfois un peu triste car c’est un moment difficile. Certains vont avoir du mal à parler, d’autres vont pleurer. Sans pour autant s’effondrer devant les enfants, le fait de vous voir dans l’émotion leur permet de s’autoriser à exprimer aussi leurs propres ressentis, donc c’est important de s’autoriser à le faire sinon, ils feront comme vous, l’air de rien, ils dissimuleront ce que cette annonce leur fait vivre. Ce dont vos enfants vont avoir besoin dorénavant, c’est de pouvoir vous poser ou poser à un membre de la famille désigné toutes les questions que la situation implique, au jour le jour, parfois en lien avec ce que vivent d’autres enfants ou ados de leur classe, de ce qu’ils ont pu entendre, de ce qu’ils imaginent. Vous pouvez aussi poser sur la table du salon un livre ou une BD destinée aux enfants ou adolescents, afin qu’ils puissent le ou la feuilleter s’ils en ressentent le besoin.
Si vous avez des enfants, adolescents qui posent beaucoup de questions, qui ont besoin de plus d’explications, vous pouvez aussi demander à l’oncologue s’il peut vous recevoir en famille, ou envisager de discuter en présence d’un(e) psychologue du service qui vous suit ou de toute autre personne dont la présence vous rassure aussi.
Quoi qu’il en soit, faites comme cela vous semble être le mieux, avec vos mots à vous, votre façon de faire mais parlez à vos enfants, ils en ont besoin, c’est ce qui les aidera le plus. Et avec la confiance et l’amour, vous parviendrez à affronter ensemble cette tempête.
Récemment une fiction proposée par France 3, intitulée "Sous la peau ", abordait ce thème. L’héroïne, Marion Kovic, policière lyonnaise, choisissait de taire son cancer, à ses collègues, à son mari, à ses enfants, affrontant seule le diagnostic et les premiers éléments de traitement.
La maman de Léon est malade
d’Olga DupréMon papa est malade
de Gaelle CallacMaman a une maladie grave
d’Hélène JuvignyMa mère le crabe et moi
d’Anne PercinNe t’inquiète pas pour moi
d’Alice Kuipers
Valérie SuggPsychologue en cancérologie dans un service hospitalier pendant vingt ans.
Auteure de plusieurs livres sur la santé :
Cancer : sans tabou ni trompette
L'hôpital : sans tabou ni trompette, soignés et soignants en souffrance
Cancer : l'accompagnement
Tous ses livres sont publiés par les éditions Kawa. Page Facebook
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