La reprise du travail après le cancer est souvent traitée comme toute autre maladie. En vérité la réalité est toute autre pour la personne qui reprend son poste dans une situation souvent vécue comme un « entre-deux » entre maladie et guérison…Reprendre le travail après une maladie grave demeure compliqué dans notre société qui exige que chacun soit rentable, efficace, qu’il respecte des échéances, rentre dans les cases, atteigne des objectifs parfois totalement délirants, cette société qui hélas manque trop souvent d’empathie envers ceux que la vie a blessés.
Du rêve à la réalité : une autre vie !
Les traitements sont enfin terminés et, alors que les personnes malades pensaient se réjouir pleinement d’en avoir enfin terminé avec opérations, chimio ou radiothérapie, voilà que s’annonce parfois l’hormonothérapie mais en tout cas, ce qui est sûr, c’est que le programme est moins réjouissant qu’annoncé. Du jour au lendemain, fini l’équipe soignante présente, prête à répondre aux questions, à rassurer. C’est le grand saut. Il va falloir apprendre à vivre sans et surtout à reprendre confiance en soi. La période d’après traitement est cette phase durant laquelle autant l’équipe soignante que les proches ont tendance à vouloir tourner la page alors que pour la personne, ce n’est pas forcément le cas parce qu’elle ne se sent pas guérie et/ou que l’angoisse d’une récidive est très présente. Mais voilà, outre le fait que tout le monde semble reprendre son train-train quotidien, cette personne est souvent coincée entre le besoin de se reposer parce que la fatigue est encore bien présente et l’envie de reprendre son travail. Parfois aussi c’est plutôt l’aspect financier qui la pousse à reprendre. La reprise du travail est souvent attendue car il est rassurant de retourner dans le monde des « biens portants », de ceux qui ne savent pas à quel point tout est fragile. Chacun aimerait retrouver cette inconscience, cette insouciante et se fondre dans son poste comme avant mais c’est peine perdue. Pourquoi ? Parce que rien n’est plus comme avant ! Déjà, « l’ancien malade » a changé et puis autant certains environnements professionnels savent en tenir compte, autant d’autres feraient tout pour lui faire comprendre qu’il n’est plus le bienvenu, pas assez rentable.
Il est impossible, après l’épreuve du cancer et l’impact des traitements, de retrouver l’efficience d’avant, en tout cas pas tout de suite et cela dépend aussi des traitements supportés, endurés et des particularités de chaque travail.
Retour au travail, rien n’est plus comme avant !
C’est complexe, le plus souvent, de revenir du monde des malades, de la fragilité des choses au stress du boulot qui n’en a cure de la fatigue, des troubles de la mémoire, des difficultés de concentration, des douleurs parfois, encore, des angoisses et pertes de confiance en soi. Alors que chacun rêvait de retrouver sa place c’est parfois difficile, déstabilisant, culpabilisant de ne plus avoir le même entrain qu’avant, d’avoir besoin de plus de temps pour trouver ses marques. C’est souvent violent parce que, très vite, en revenant, la personne prend conscience que rien ne sera jamais plus comme avant alors que l’employeur, les collègues exigent vite de retrouver son niveau d’efficacité. De petites remarques, des réactions agacées ou autre, vont accroitre ce sentiment de ne pas être à la hauteur alors que, soyons clairs, il est impossible, après l’épreuve du cancer et l’impact des traitements, de retrouver l’efficience d’avant, en tout cas pas tout de suite et cela dépend aussi des traitements supportés, endurés et des particularités de chaque travail. Cette course effrénée pour retrouver « son niveau d’avant » peut vite être épuisante et le monde du travail devrait être mieux informé des particularités du retour des personnes ayant été malades afin de leur permettre un retour progressif et ne pas exiger l’impossible.
Revenir au travail, dans cet après, c’est alors accepter ses limites et faire avec. Ce n’est pas facile. Pour d’autres ce retour va être la confirmation d’un besoin d’envisager l’avenir professionnel autrement et là, rares sont les entreprises qui accompagnent les salariés sur le chemin d’une évolution de poste et pourtant, ces personnes en ont besoin. C’est dommage car le plus souvent les entreprises pénalisent les personnes qui reviennent après une maladie, refusant une promotion, un changement de poste, une adaptation de celui-ci avec parfois même des sortes de mise au placard dans l’objectif que la personne concernée finisse par partir, démissionner et même parfois, de façon totalement odieuse et insupportable, c’est le licenciement.
Il demeure aussi l’idée qu’une personne qui a eu un cancer fait peur. Les croyances sont tenaces et les connaissances insuffisantes. Ainsi, penser qu’une personne qui revient après un cancer sera à 100 % est une erreur et penser aussi que la personne « anciennement malade » qui revient ne fait pas d’effort, se laisse aller, s’écoute, est aussi une erreur grossière. Il faudrait le dire plus souvent.
Soyons clairs, tant que cela est possible, il faut prendre le temps de bien récupérer avant de reprendre le travail et si ce n’est pas possible, d’adapter autant que possible son emploi du temps à son état.
Ne pas se précipiter, s’informer et préparer son retour… si possible
Donc prendre son temps, ce n’est pas un luxe. Ensuite, prendre contact avec son entreprise, voir comment le retour peut se faire, peut-être en mi-temps thérapeutique si besoin, pourquoi pas, pour revenir de façon prudente (à condition de ne pas transformer ce mi-temps en plein temps…). Prendre rendez-vous avec la médecine du travail peut aussi permettre de mieux situer le cadre du retour à son poste, d’en discuter. Rentrer en contact avec des collègues peut aussi préparer le retour en se mettant au courant des nouveautés, de l’ambiance, de la charge de travail... Mais soyons clairs, tant que cela est possible, il faut prendre le temps de bien récupérer avant de reprendre le travail et si ce n’est pas possible, d’adapter autant que possible son emploi du temps à son état. Reprendre le travail après une maladie grave demeure compliqué dans notre société qui exige que chacun soit rentable, efficace, qu’il respecte des échéances, rentre dans les cases, atteigne des objectifs parfois totalement délirants, cette société qui hélas manque trop souvent d’empathie envers ceux que la vie a blessés.
Valérie SUGG
Psychologue en cancérologie dans un service hospitalier pendant vingt ans. Auteure de plusieurs livres sur la santé aux éditions Kawa :
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« Cancer : sans tabou ni trompette »
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« L’hôpital : sans tabou ni trompette, soignés et soignants en souffrance »
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« Cancer : l’accompagnement ».
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