Aux Pays-Bas, les soins à domicile revus et corrigés par les infirmiers

Aux Pays-Bas, un infirmier a décidé de revoir complètement sa manière de travailler pour lutter contre la déshumanisation des soins à domicile. Rapidement suivie par de nombreux collègues, aujourd'hui cette nouvelle méthode de gestion a porté ses fruits. Un pari réussi pour les professionnels comme pour les patients ! Explication sur le fonctionnement de ce nouveau système au micro d'Emmanuel Moreau sur France Inter le 28 février dernier.

Après 16 ans d'exercice, Jos de Blok, infirmier néerlandais ne peut plus taire son écœurement , et démissionne. Sa frustration est née d'un constat : des soins déshumanisés, scrupuleusement chronométrés et trop peu de temps pour parler avec les patients, trop peu de temps pour faire preuve d'empathie .

Suite à de nombreuses réformes, le pays suivait un modèle bureaucratique ultra rationalisé en ce qui concerne les soins à domicile. Toutes les demandes étaient centralisées grâce à une central d'appels qui répartissait les paramédicaux en fonction des besoins mais surtout avec un temps précis à accorder pour chaque soin. On estime à 5 minutes le temps nécessaire pour une piqûre, 5 minutes pour le pilulier et pas une seconde n'est réservée pour demander aux patients comment ils se sentent . Sont-ils devenus davantage des objets que l'on répare, plus que des personnes ?

On estime à 5 minutes le temps nécessaire pour une piqûre

Le patient et son bien-être au coeur d'un nouveau système

L'infirmier s'est posé la question et a choisi sa réponse : non ! Il a donc décidé de réformer lui-même sa façon de travailler . Pour cela, il a monté sa propre entreprise et a mis en place une toute nouvelle organisation. Celle-ci repose sur des petites équipes d'infirmiers (10 à 12 personnes) qui gèrent absolument tout : les plannings, les relations avec les prescripteurs et les rémunérations. Elles sont réparties sur des zones de 10 000 habitants et permettent ainsi un service de proximité de qualité. Ainsi, la hiérarchie, jugée coûteuse, a été supprimée au profit d'une autonomie retrouvée.

Le professionnel de santé est très rapidement rejoint dans ce projet par des anciennes collègues en fin de carrière qui ne supportaient pas plus que lui la situation, et voulaient, elles aussi, redonner au patient sa place, au centre des soins. Elles ont pu faire profiter de leur expérience acquise après toutes ces années d'exercice et gérer les équipes. Des jeunes ont ensuite été recrutés au point qu'aujourd'hui on compte 900 équipes qui regroupent plus de 10 000 salariés.

Autre changement remarquable : la création d'une plateforme d'échanges entre les professionnels qui leur permet de partager leurs bonnes pratiques et aussi de s'entraider lors de situations difficiles.

Un système valorisant pour les patients, pour les soignants et surtout rentable !

Le plus étonnant reste que fournir des soins plus adaptés à chaque patient est rentable ! Même si cela prend plus de temps et l'heure coûte plus cher, la qualité des soins prodigués est nettement supérieure au point que le nombre total d'heures de soins nécessaires a diminué de 50 % selon une étude du cabinet KPMG (un réseau international de cabinets d'audit et de conseil exerçant dans 154 pays). La preuve qu'un modèle d'organisation pour des soins locaux efficaces et humains est possible. Il a même traversé les frontières et a servi d'exemple en Chine et au Japon !

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706