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Attentats : "Il faut aussi prendre soin des soignants"

Publié le 30/01/2017
détresse et fragilité d

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Les professionnels ont estimé qu'il fallait faire des progrès dans l'attention apportée aux soignants qui prennent en charge les victimes d'attentats, lors d'une table ronde mardi 24 janvier 2017 à Paris.

De nombreux soignants en poste au moment des attentats souffrent, aujourd'hui encore, de détresse post-traumatiques.

Juliette Méadel, secrétaire d’État auprès du premier ministre, chargée de l'aide aux victimes, a lancé un cycle de trois tables rondes sur l'accompagnement psychologique des victimes d'attentats et d'autres catastrophes, qui visent à dégager des pistes d'amélioration des dispositifs de prise en charge psychologique des victimes. Après une première table ronde début décembre 2016 qui portait sur les méthodes de prise en charge des traumatismes dans l'urgence et dans la durée, la deuxième table ronde mardi avait pour thème l'accompagnement psychologique des enfants et des adolescents, victimes directes, victimes indirectes ou témoins. Au cours de cette table ronde, les psychiatres ont notamment plaidé en faveur de la création de centres ressources départementaux pour améliorer la prise en charge des victimes d'attentats.

Des leçons à tirer

Ils ont également insisté sur l'importance de former mais également de prendre soin des soignants. Le psychiatre Jean-Philippe Raynaud, chef du service psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à l'hôpital La Grave au CHU de Toulouse, a énuméré une série de "leçons" tirées de ce qui avait été mis en place suite à l'explosion de l'usine AZF à Toulouse en septembre 2001, puis les attentats de mars 2012 à Toulouse et Montauban (trois militaires tués et quatre civils, dont trois enfants d'une école juive). Parmi elles, il a cité le fait de mieux prendre soin des soignants.Le plus gros reproche qu'on nous a fait dans l'affaire Merah est de ne pas avoir assez soutenu les infirmières qui étaient aux urgences pédiatriques, qui ont vu arriver non pas des enfants vivants mais des enfants décédés. Elles ont énormément paniqué: c'était des très jeunes infirmières qui avaient démarré deux jours avant, a-t-il signalé. Les cadres nous ont dit ensuite: « peut-être que vous avez été pas mal pour les familles, mais pour le personnel, franchement, vous avez été zéro », a-t-il relaté. Dans la salle, le pédopsychiatre Hervé Bentata, ancien responsable d'une consultation post-traumatique à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), a souligné qu'un élément "nouveau" et "à prendre en compte" depuis les récents attentats était que les personnes soignantes étaient elles-mêmes prises dans l'insécurité générée par ces attentats. On voit pas mal de professionnels eux-mêmes atteints de détresse post-traumatique, a-t-il pointé, mentionnant une psychiatre étant allée à Nice pour aider à la prise en charge des enfants qui a eu elle-même du coup des séquelles. Il a jugé également la formation des premiers intervenants primordiale . Cela permet d'éviter des bêtises. Il y a des choses qui ne s'inventent pas. Il faut savoir comment s'y prendre, a-t-il commenté. Sinon, certaines interventions ont pu parfois amener, lors des attentats de Saint-Denis, un certain nombre d'enfants, aux dires de leurs parents, à présenter des troubles dans les conséquences du débriefing qui a été fait pour eux, a-t-il rapporté.

Peut-être que vous avez été pas mal pour les familles, mais pour le personnel, franchement, vous avez été zéro.

Supervisions et débriefing

La pédopsychiatre Florence Askenazy, cheffe du service psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent au CHU Lenval à Nice, a estimé qu'il fallait mettre en place des supervisions pour les professionnels . Nous, on a commencé à le mettre en place à Nice et c'est vraiment une expérience qui est importante grâce à l'aide des psychanalystes, a-t-elle indiqué. Elle a également raconté comment s'est déroulée la prise en charge des enfants à Nice lors de l'attentat du 14 juillet 2016. Avant la création de la cellule d'urgences médico-psychologiques (CUMP), dans la nuit du 14 au 15 juillet, elle a recensé 74 passages aux urgences, 44 enfants hospitalisés dont 6 en chirurgie et 3 en réanimation et 5 décès. Le 14 juillet à minuit, 17 personnes ont été comptabilisées comme venant consulter aux urgences , mais il s'agit d'un chiffre probablement sous-estimé en raison d'un logiciel pas encore effectif et/ou maîtrisé par les personnes présentes, a-t-elle détaillé. Après la création de la CUMP, elle a indiqué que 227 soignants avaient été mobilisés (51 médecins pédopsychiatres, 55 psychologues, 42 infirmiers, 12 cadres, 30 assistants sociaux et 35 secrétaires) entre le 15 et le 18 juillet pour 708 victimes vues à la CUMP pédiatrique dont 382 enfants, principalement dans la tranche d'âge 6-12 ans, 81 mères et 36 pères, 6 grands-parents, 13 autres membres de la famille, 145 adultes isolés, 14 soignants et personnels hospitaliers et 31 non-répertoriés. Il y a aussi une petite cohorte de 8 enfants de moins de 3 ans, a indiqué Florence Askenazy. Dans la majorité des cas, nous avons pu recevoir les enfants à deux soignants, a-t-elle relaté, signalant que certains enfants étaient "polyendeuillés", avec parfois trois personnes proches (frère, tante, ami proche) décédées, alors que ces enfants étaient eux-mêmes en réanimation. Elle a expliqué que des groupes de débriefing avaient été mis en place pour les personnels soignants qui ont été très lourdement impliqués surtout dans cet hôpital pédiatrique où il y a des jeunes infirmières. Au total, 7 groupes ont eu lieu entre le 17 juillet et le 22 juillet avec 81 personnes qui ont été reçues soit individuellement, soit en groupe.

Le Dr Askenazy a souligné que l'attaque à Nice a été aussi l'attaque des liens fondamentaux et de la parentalité, surtout pour les enfants de moins de 6 ans, qui peuvent ressentir des états de détresse aiguë en miroir des états de détresse de leurs parents qu'ils ne reconnaissent plus. Le risque de développement d'une psychopathologie chronique chez le jeune enfant peut aller jusqu'à 30%, a-t-elle ajouté. Pour nous, cela a été un changement profond de notre façon de travailler et a remis en question beaucoup de choses, a-t-elle expliqué.

Le plus gros reproche qu'on nous a fait dans l'affaire Merah est de ne pas avoir assez soutenu les infirmières qui étaient aux urgences pédiatriques.

Recherche clinique sur la cohorte d'enfants victimes des attentats de Nice

Elle a souligné l'importance de reconnaître la spécificité pédopsychiatrique. Pour cela, nous proposons de mettre en place une recherche clinique de cohorte à long terme pour évaluer l'effet sur la mémoire individuelle et collective mais surtout l'effet sur la psychopathologie sur l'ensemble des enfants que nous avons pu recevoir à Nice, a-t-elle indiqué. Au total, depuis le 14 juillet, nous avons reçu plus de 1 000 jeunes pour des difficultés liés à ces attentats et nous avons réalisé plus de 2 200 consultations, a-t-elle rapporté. Les personnes de la salle ont également signalé que les sapeurs-pompiers et les forces de l'ordre qui étaient souvent les premiers à être en contact avec ces enfants n'étaient pas du tout formés au psycho-traumatisme. Une instruction relative à l'organisation de la prise en charge de l'urgence médico-psychologique, publiée mardi, le jour même de la table ronde, complète le nouveau dispositif mis en place pour les situations sanitaires exceptionnelles. Cette instruction précise notamment en préambule qu'une prise en charge immédiate et post-immédiate optimale doit s'étendre au soin médico-psychologique des personnels et professionnels de santé et des sauveteurs, rappelle-t-on.

Une prise en charge (...) optimale doit s'étendre au soin médico-psychologique des personnels et professionnels de santé et des sauveteurs.


Source : infirmiers.com