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AU COEUR DU METIER

Assurer les soins en milieu pénitentiaire...

Publié le 30/10/2015
Prison

Prison

Prison

Prison

Prison

Prison

centre pénitentiare

centre pénitentiare

Boitier d

Boitier d

prison centre pénitentiaire

prison centre pénitentiaire

barreaux de prison cellule

barreaux de prison cellule

centre pénitentiare

centre pénitentiare

Livret remis à chaque arrivant

Livret remis à chaque arrivant

Les missions des unités sanitaires qui assurent les soins en milieu pénitentiaire sont exigeantes du fait d'un contexte particulier liée au milieu carcéral ; ce dernier conjuguant en effet une triple contrainte : sécuritaire, organisationnelle et sanitaire. Explications en regard du travail effectué par l'unité sanitaire de soins somatiques du CHU de Caen.

Un bref rappel historique

Par le biais d'unités de soins spécifiques, les détenus peuvent bénéficier d'un suivi médical et d'une offre de soin de qualité.

Avant 1994, la prise en charge des soins des détenus relevait de la seule compétence de l'administration pénitentiaire. La prise en charge médicale des détenus était alors assurée par un ou plusieurs médecins vacataires désignés par le directeur régional des services pénitentiaires auprès de chaque établissement. Ce dernier devait disposer d’une infirmerie et d ‘un temps infirmier dédié à temps complet ou à temps partiel. La loi du 18 janvier 1994 a confié au service public hospitalier la charge d’assurer les examens de diagnostic et les soins, dispensés selon les  besoins  en milieu pénitentiaire ou en milieu hospitalier. Le décret n°94-229 du 27 octobre 1994 transfère cette prise en charge sanitaire au service public hospitalier plus apte à remplir cette mission. Sont alors mises en place de véritables unités de soins, garantissant aux détenus l’accès à un personnel médical et à une offre de soins de qualité. « L’infirmerie » pénitentiaire cède alors la place à l’Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires « (UCSA) », qui bénéficie d’un financement Mission d’Intérêt Général (MIG) ; deux unités de soins sont alors créées à Caen, l’une à la Maison d’Arrêt, l’autre au Centre Pénitentiaire. Ces deux unités sont rattachées à un service clinique hospitalier du CHU de Caen. Le Centre Hospitalier Spécialisé (CHS) du Bon Sauveur de Caen avait déjà reçu en 1986, la mission  de mettre en place le Service Médico-Psychologique Régional (SMPR) afin d’assurer la santé mentale des prévenus et détenus.

  • Entrée de la maison d'arrêt

  •  Intérieur du Centre pénitentiaire

L'organisation

La Maison d’Arrêt (MA)

D’une capacité  théorique de 310 places dont 39 réservées aux femmes et 10 aux mineurs, elle accueille une population jeune, condamnée à une courte peine ou en attente de jugement. La surpopulation porte le nombre moyen de personnes détenues à 450 avec au moins deux personnes par cellule. De nombreuses personnes incarcérées à la MA sont en rupture de soins, souvent toxicomanes, avec un état physique et mental précaire. Certains n’ont jamais vu de dentiste avant l’incarcération.

Le Centre Pénitentiaire (CP)

Sa capacité d’accueil est de 420 places. 80 % environ de sa population est constituée de délinquants sexuels avec, pour la plupart, une incarcération de longue durée. Ce qui entraîne un profil de personnes accueillies dans les unités de soins de plus en plus dépendantes et des soins en lien avec cette dépendance. Le régime de détention est semi-cellulaire : les cellules sont ouvertes de 7h à 14h et  de 14h30 à 19h30, les détenus ont alors un libre accès à l’ensemble des cellules, à la cour de promenade, au bâtiment culturel et aux Unités Sanitaires.

Les Unités Sanitaires du Dispositif de Soins Sanitaires

Chaque personnel travaillant en US-DSS doit être porteur d’un boîtier d’alarme...

En 2012, la mise à jour du guide méthodologique, relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues regroupe l’UCSA et le SMPR dans une unité sanitaire (US). Cette US est constituée de deux dispositifs : Dispostif de Soins Somatiques (DSS) et  Dispositif de Soins Psychiatriques (DSP). Le DSS est constitué de deux Unités Sanitaires Somatiques (USS), CP et MA. L’objectif général est de répondre aux missions contenues dans la Loi du 18 janvier 1994 (relative à la santé publique et à la protection sociale) pour favoriser la prise en charge globale de la santé des personnes détenues et permettre la continuité des soins après l’incarcération.

Les Missions des Unités Sanitaires du Dispositif de Soins Sanitaires se déclinent en 4 axes :

  • assurer les soins en milieu pénitentiaire ;
  • assurer la prise en charge hospitalière par l’accueil hospitalier ;
  • favoriser le suivi des soins médicaux après la détention par la coordination d’actions avec tous les partenaires concernés ;
  • développer la prévention par des actions d’éducation à la santé.

Assurer les Soins en Milieu Pénitentiaire

Les Conditions d’exercice

L’exercice aux US-DSS se caractérise avant tout par la prise en compte du contexte d’un exercice en milieu carcéral générant des contraintes liées à des impératifs sécuritaires et organisationnels internes à la pénitentiaire, et donc non exclusivement sanitaires. L’entrée dans l’enceinte de l’établissement est soumise à une autorisation d’accès. Chaque personnel doit être porteur d’un boîtier d’alarme qu’il prend à l’entrée de l’établissement et qu’il doit remettre en sortant. Les équipes partagent les informations nécessaires avec les équipes de détention pour permettre un suivi efficace et cohérent (détenus à risque suicidaire, patients présentant une situation de handicap…) tout en respectant la confidentialité, le respect du secret médical.

Les activités de soins

L’équipe médicale composée de trois médecins généralistes, répond aux demandes de consultations des personnes incarcérées. Les demandes de rendez- vous se font soit par courrier soit auprès des infirmier(e)s. Tous les entrants bénéficient d’une consultation médicale. Des médecins spécialistes assurent des vacations de chirurgie viscérale, ORL, dermatologie, hépatites, pathologies liés au VIH, ophtalmologie, cardiologie et orthopédie. Les autres consultations de  spécialités sont programmées au CHU de Caen. Un cabinet dentaire complet est installé dans chaque USS. Les chirurgiens-dentistes travaillent avec une assistante dentaire. Chaque personne détenue peut bénéficier d’un examen bucco-dentaire dans le cadre de l’examen médical approfondi d’entrée et peut ainsi avoir accès aux soins dentaires qui lui sont nécessaires. Le délai d’attente étant de 3 mois, l’accès aux soins dentaires n’est pas toujours possible à la Maison d’Arrêt compte-tenu de la surpopulation carcérale.  Les personnes détenues mineures bénéficient, elles aussi, d’un bilan bucco-dentaire.

Un pharmacien responsable de la pharmacie en assure la gestion ainsi que celle de la stérilisation du matériel d’orthodontie. Il réalise également des entretiens pharmaceutiques  auprès des détenus dans le but d’améliorer l’observance du traitement. Deux préparatrices en pharmacie, détachées de la pharmacie centrale du CHU, sont affectées aux USS (en liaison avec la pharmacie centrale du CHU) pour la gestion des commandeset la préparation des médicaments. L’équipe paramédicale composée de 8 infirmier(e)s intervient indifféremment à la Maison d’Arrêt ou au Centre Pénitentiaire pour la réalisation des activités de soins infirmiers. La politique de soins est en  cohérence avec le projet de soins infirmiers du CHU de Caen. Il s’appuie sur le respect de la personne soignée et sur la mise en place de soins personnalisés.

  • Equipe soignante de la Maison d'Arrêt

  • Equipe soignante du Centre pénitentiaire

  • Salle de soins de l'US-DSS

Quels types de soins prodigués ?

Les soins techniques  sont les plus fréquents : prélèvements sanguins, vaccination, injections, pansements, surveillance des paramètres vitaux, suivi des personnes atteintes de maladies chroniques, suivi des personnes en sevrage (tabac, alcool, substances illicites…). Les entretiens infirmiers trouvent également une place importante : entretien arrivant permettant un recueil de données et une présentation de fonctionnement de l’unité sanitaire au détenu, entretien mineur tous les 15 jours (population fragile, contact difficile entretien de six mois pour les personnes détenues le nécessitant. L’encadrement des étudiants en soins infirmiers est particulier. En effet, compte-tenu des singularités de la prise en charge, les stages en unités sanitaires sont très recherchés par les étudiants. Un kinésithérapeute et des manipulateurs en électroradiologie interviennent deux demi-journées par semaine. Une salle de radiologie permet de pratiquer les radiographies pulmonaires des entrants pour le dépistage de la tuberculose. L'intérêt est de pouvoir faire des radiographies simples pour d’autres prescriptions, en particulier traumatologiques, et ainsi éviter certaines extractions. Les clichés sont interprétés par les radiologues du CHU de Caen.

Assurer la prise en charge hospitalière par l’accueil hospitalier

Lorsque les soins ne peuvent être réalisés au sein du DSS, des consultations ou hospitalisations sont programmés par les secrétaires du- DSS au CHU de Caen. L’équipe du DSS, le greffe, et le responsable transport de la détention, coordonnent le transfert de la personne détenue. Cette intervention est dénommée « Extraction ». Pour des raisons évidente de sécurité et pour éviter tout risque d’évasion, le détenu n'en est informé qu’au dernier moment. Au CHU de Caen deux chambres dites « sécurisées », avec un aménagement spécifique, sont réservées à l’accueil des personnes détenues.

Le livret remis à chaque arrivant...

Il est également indispensable de favoriser le suivi des soins médicaux après la détention par la coordination d’actions avec tous les partenaires concernés. Pour ce faire, pour permettre la continuité des soins, les personnes détenues ayant justifié de soins médicaux sortent avec un courrier pour leur médecin traitant. De plus, pour éviter toute rupture dans la prise en soin, toutes les personnes détenues présentant des problèmes médicaux majeurs, et nécessitant un suivi à la sortie de détention, bénéficient d’un accompagnement particulier. Depuis 2001, une convention entre le Centre Pénitentiaire, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) et l’association ASSAD-GARDE a permis la mise en place d’un dispositif de prise en charge permettant aux détenus dépendants ou dont l’autonomie est réduite, de bénéficier de l’intervention d’une aide pour l’ensemble des actes de la vie courante. Le repérage des personnes détenues concernés par cette prestation est réalisé par l’équipe de l’US-DSS, le SPIP et le personnel de surveillance.

Développer la prévention

Les actions d’éducation à la santé permettent de développer la prévention. Ces actions font l’objet d’un financement particulier (en plus de notre MIG), de l’Agence Régionale de Santé de Basse-Normandie et de l’administration pénitentiaire. Chaque infirmière est référente d’une action d’éducation et les étudiants en soins infirmiers en stage dans les unités sanitaires sont mis à contribution pour la réalisation d’un poster éducatif. Pour l’année 2014-2015, huit actions ont été menées aux US-DSS, le financement obtenu pour leur réalisation est de 34 600 euros :

  • échanges avec les femmes détenues sur l’estime de soi ;
  • contraception chez la femme détenue ;
  • prévention autour du VIH et des hépatites ;
  • formations aux gestes de premiers secours ;
  • accompagnement et aide à l’arrêt du tabac ;
  • santé, sophrologie et bien-être des détenus ;
  • journée événementielle ;
  • éducation et prévention « hygiène, alimentation et prévention ».

Cette activité chronophage dans le quotidien des infirmier(e)s, mais très valorisante, nécessite beaucoup d’organisation (réservation de salle, autorisation d’accès pour les intervenants extérieurs, convocation des détenus…). Elle permet une évaluation des actions menées et leur retentissement sur la santé de la population carcérale (nombre de jours d’arrêt du tabac, perte de poids, nombre de sérologies demandées…). Intéresser le plus d’interlocuteurs possibles à ces actions d’éducation est un défi majeur et invite à la créativité. Pour exemple, notre « journée événementielle », réalisée depuis maintenant six ans, initialement conçue comme une rencontre entre professionnels de santé et personnes détenues par l’intermédiaire de « stand santé », a été modifiée cette année. Une pièce d’environ une heure a été jouée par quatre comédiens de la compagnie « Six Pieds Sur Terre » spécialiste en éducation à la santé et à la citoyenneté. Au travers de saynètes, les personnages ont abordé différents problèmes de santé comme les troubles alimentaires, les addictions, la maladie mentale ou la mort. Autant de « perches tendues » pour parler de sujets parfois difficiles et permettre  par l’intermédiaire des personnages de la pièce,  la prise de conscience de ce que chacun peut vivre en détention. A la suite de cette représentation, un débat a lieu entre les spectateurs, les différents professionnels de santé invités par le DSS et les acteurs. Cette journée événementielle fut une réelle réussite tant les échanges furent nombreux. Son évaluation nous permettra de connaître son efficacité.

Enfin, un livret « d’éducation à la santé » a été réalisé pour les détenus entrant en détention. Le but étant de fournir un livret d’éducation à la santé au détenu lors de son arrivée afin de le sensibiliser et de l’informer sur les différentes actions à l’éducation à la santé, réalisée aux Unités Sanitaires.

Sébastien HAMARD   Cadre de santé, pharmacie, stérilisation/Pôle Biologie - Pharmacie. Unité Sanitaire - Dispositif de Soins Somatiques / Pôle Médecine de spécialités – SSR, CHU Caenhamard-s@chu-caen.fr


Source : infirmiers.com