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Anne, infirmière en pédiatrie à Mayotte

Publié le 30/03/2017
Foule à Mayotte culture

Foule à Mayotte culture

Aujourd’hui sur le blog, nous avons la chance d’accueillir Anne qui a choisi de revenir pour nous sur son aventure Mahoraise en tant qu’infirmière en pédiatrie. Cette destination d’Outre-Mer n’était pas un choix. En effet, elle décide de suivre son mari militaire qui a été affecté pour deux ans à Mayotte. C’est donc avec son homme et ses 3 enfants qu’elle a tenté l’aventure mahoraise pendant plus de deux ans. Aujourd’hui, de retour en France métropolitaine, elle analyse pour nous et avec le recul nécessaire son aventure en terre Mahoraise.

Je m’appelle Anne, j’ai 32 ans, je suis mariée et j’ai trois enfants. Je suis infirmière depuis 2005. J’ai travaillé dans pas mal de services, de la chirurgie à la dialyse, en passant par la SSPI, et les urgences, tout cela en métropole dans la fonction publique hospitalière .

Les circonstances qui m'ont amenée à Mayotte

La vie culturelle à Mayotte est très riche.

Mayotte n’a pas été spécialement un choix pour moi. En effet, je suis mariée à un militaire. C’est lui qui a été muté pour deux ans à Mayotte et j’ai donc suivi naturellement. Très franchement, je ne suis pas venue de gaité de coeur, étant bien intégrée dans mon ancien service et n’étant pas spécialement aventurière ! Je ne connaissais Mayotte que de nom et savait à peine situer l’île sur une carte. J’ai dû beaucoup me documenter afin de rattraper mon retard de culture générale ! Au niveau de l’hôpital, étant déjà titulaire de la FPH, j’ai pu venir par voie de mutation.

Mon travail au sein du service de pédiatrie du CHM

Le service de pédiatrie de l’hôpital de Mamoudzou accueille environ 35 à 40 enfants âgés de quelques jours à environ 16 ans. Il est divisé en deux secteurs, les nourrissons de 3j à 3 ans et les grands enfants à partir de 3 ans. Il y a aussi 4 lits de surveillance continue pédiatrique avec une équipe de soignants dédiés. Le fonctionnement se fait par binôme avec une aide-soignante .

Une infirmière prend 8 à 9 enfants en charge.

99% de la population accueillie est locale, soit Mahoraise, soit venant (le plus souvent clandestinement) des îles voisines des Comores (Anjouan, Grande Comore et Mohéli). C’est une population très défavorisée et en grande précarité. Les Comoriens ne parlent souvent pas français et leur culture médicale repose sur la médecine traditionnelle et parfois animiste. Il n’est pas rare de voir arriver des patients avec de graves complications de leur pathologie car ayant essayé de se soigner avec leur médecine traditionnelle avant de consulter les médecins occidentaux. La maladie est perçue comme un signe du mauvais oeil ou d’une punition divine, voire d’une fatalité, ce qui rend parfois difficile le dialogue entre les soignants et les parents, ceux-ci n’ayant souvent pas de connaissance de l’anatomie du corps humain, de la notion de germes ou de microbes. Il faut savoir adapter son discours, cela demande une adaptation et une remise en question permanentes.

Il y a un gros travail d’éducation à la santé à faire, sur l’hygiène, le suivi des traitements (pour lesquels les Mahorais ont une grande méfiance).

Les pathologies rencontrées à Mayotte

Sur le plan médical, nous rencontrons énormément de pathologies infectieuses, tuberculose , fièvre thyphoïde, maladies tropicales, SIDA. Beaucoup de drépanocytose et thalassémie, des cardiopathies avancées.

Le service accueille aussi les hébergements chirurgicaux pédiatriques (chutes de manguiers ou de cocotiers avec traumatismes crâniens), brûlures importantes par accident domestique.

Est-il facile de soigner les enfants de Mayotte ? Quel est le rapport entre les soignants métropolitains et les locaux ?

Franchement, je dirais non. Les enfants mahorais ou comoriens éprouvent souvent une grande méfiance envers les M’zungus (les blancs), qu’ils ont peu l’occasion de côtoyer dans leur vie quotidienne. Heureusement, nous travaillons autant que possible en binôme avec une aide-soignante mahoraise, qui peut faire le lien culturel et traduire nos explications. Après, un enfant d’où qu’il soit reste un enfant, et par le biais de jeux, de chansons, d’humour avec les plus grands, nous arrivons souvent à tisser un lien fort avec nos petits patients et nos mamans. J’ai souvent beaucoup ri avec certaines mamans alors que nous ne nous comprenions pas du tout sur le plan du langage. Je pense qu’il faut s’intéresser à leur culture et surtout ne pas juger leurs croyances et leur façon de s’occuper de leurs enfants. En revanche, il y a un gros travail d’éducation à la santé à faire, sur l’hygiène, le suivi des traitements (pour lesquels les Mahorais ont une grande méfiance). Les durées d’hospitalisation sont souvent allongées pour s’assurer par exemple que l’antibiotique sera administré sur une période suffisante, car beaucoup de parents ont tendance à ne pas poursuivre les traitements à la sortie de l’hospitalisation. C’est un travail parfois décourageant, car le fossé est grand entre notre culture et la leur.

Ce qui me plaît à Mayotte

Très honnêtement, j’ai trouvé la vie à Mayotte très difficile, loin des images de carte postale des îles en général. Le climat est chaud et très humide, les plages sont sauvages, il y a beaucoup de déchets partout. Malgré cela, je garde comme image positive la joie de vivre de la population. Ils ont une grande culture de l’entraide, on ne se promène jamais dans la rue sans être salué par les gens que l’on croise, il y a toujours des festivités traditionnelles, des mariages, des célébrations religieuses. le lagon est aussi la grande merveille de Mayotte. La plupart des métros profitent de leur séjour pour se former à la plongée. On peut facilement sortir en bateau à la rencontre les dauphins, des raies, des baleines, des tortues et parfois des dugongs.

Pour venir à Mayotte, je conseillerais d’être d’un naturel plutôt ouvert et un peu aventurier. Le secret d’un bon séjour est de s’ouvrir aux autres, de se faire rapidement un réseau de collègues qui deviendront vite des amis.

La vie culturelle à Mayotte

Mayotte est une île musulmane, la culture est marquée par l’influence africaine et malgache. De ce fait, c’est une culture aux multiples contradictions et difficile à cerner pour les nouveaux arrivants. L’islam est omniprésent, plusieurs mosquées sont érigées dans chaque village. Mais c’est un islam modéré et très tolérant. Je n’ai senti aucun sentiment d’oppression par rapport à la religion pendant mon séjour. En parallèle, la culture est aussi marquée par l’animisme. On consulte le foundi pour chasser le mauvais oeil, les esprits s’invitent dans les mariages….

Les manifestations sont souvent dépendantes du calendrier religieux. Les mariages sont aussi l’occasion de grandes festivités pouvant durer parfois 2 semaines. La musique traditionnelle résonne tous les week-ends jusqu’à des heures avancées de la nuit. C’est une île pour le moins vivante !

Le point de vue de Mickaël Perchoc, membre du comité de rédaction actuellement IDE à Mayotte

L'hôpital est clairement en surtension (construit pour à peine 200 000 habitants alors qu'on est au moins le double avec l'immigration massive) avec un manque de lits mais surtout de personnels médicaux (urgences et gynéco/obstétrique en premier lieu) et de paramédicaux formés comme en témoigne par exemple cette lettre ouverte récemment publiée : Le turn over très (trop) important à l'hôpital, cause et conséquence de vrais dysfonctionnements et lacunes ainsi que d'une organisation clairement perfectible (ici, on dirait magnégné, mot shimaoré pour dire mal fait). D'autant que nous avons dû faire face à une grosse épidémie de bronchio avec la saison humide et de diarrhées suite à la pénurie d'eau qui impacte Mayotte depuis décembre avec des restrictions d'eau importantes notamment dans le sud et des eaux impropres à la consommation dans les canalisations.

La situation politique, sécuritaire et sociale est explosive tout comme en Guyane, beaucoup de similitudes, on sent que ça peut s'embraser à tous moments.

Cependant, malgré de vraies contraintes, c'est une belle expérience humaine et professionnelle que je ne regrette pas. Professionnellement, c'est intense mais passionnant avec une activité très variée. Pour ma part j'ai une grosse activité de formation et un projet d'accompagnement des nouveaux arrivant/jeunes diplômés dans le service qui m'occupent pas mal. Humainement, c'est une culture métissée centrée sur l'humain, sur le collectif avec une chaleur qu'on ne retrouve pas en métropole, et ce dans tous les sens du terme.

La sécurité à Mayotte

Il ne faut pas le nier, Mayotte n’est pas une île tranquille. Mayotte connaît un problème d’immigration clandestine inégalée. On considère, car il est difficile de faire un recensement, qu’environ un habitant sur deux est entré clandestinement. Beaucoup ne sont pas régularisés et de ce fait ne travaillent pas. Les vols sont quotidiens, les violences aussi. Il faut connaître quelques règles simples quand on vient à Mayotte : ne pas sortir seul le soir, s’enfermer chez soi, ne rien porter d’ostentatoire, ne pas marcher ou conduire le téléphone visible, cadenasser son scooter, ne rien emmener de précieux à la plage… cela peut être pesant pour qui est d’un naturel anxieux. Pour ma part, en 2 ans , on ne m’a « que » volé un scooter. Je vivais en petite terre, je prenais donc la barge pour rentrer chez moi, en descendant à pied, et de nuit, de l’hôpital à la barge et il ne m’est jamais rien arrivé. D’autres collègues par contre se sont fait agresser, dehors ou chez eux. C’est une réalité à connaître, mais ce n’est pas insurmontable si on n’est pas isolé. Il faut aussi reconnaître que petite terre est plus sure que grande terre et prendre la barge est plus court et moins désagréable que de rester coincer dans les bouchons le matin.

Mes conseils pour les soignants qui veulent tenter l'aventure

Pour venir à Mayotte, je conseillerais d’être d’un naturel plutôt ouvert et un peu aventurier. Le secret d’un bon séjour est de s’ouvrir aux autres, de se faire rapidement un réseau de collègues qui deviendront vite des amis. Pour le boulot, il faut être autonome et avoir une grande capacité d’adaptation. Spécifiquement pour la pédiatrie, je me rappelle qu’on peut être nommé dans ce service même si on n’a jamais fait de pédiatrie et qu’on en n’a pas envie. Il faut donc être prêt à l’accepter et s’adapter à cette population si particulière. C’est une spécialité assez difficile à Mayotte, on voit des enfants en grande souffrance, on est amené à voir des enfants décéder relativement régulièrement, à faire des soins invasifs. Cela peut être difficile psychologiquement si on n’est pas préparé. Le turn over est énorme à Mayotte, les équipes locales ne sont donc plus très investies dans l’accueil et la formation des nouveaux arrivants. Il faut être capable de remettre soi-même en question ses pratiques pour rester dans des soins de qualité.

Pour résumer, Mayotte n’est pas facile, mais on en sort avec une grande richesse de rencontres et d’expériences.

Flo & Yo - Deux soignants à la conquête du monde !

En novembre 2011, Yohan, alors âgé de 31 ans, aide-soignant  - et Florence, 28 ans, étudiante manip radio en 2éme année, férus de voyages et d'expériences insolites ont créé « Care Conception Through the World », une association loi 1901 dont le nom peut être traduit en français par « La conception du soin autour du monde ». Son but ? Réaliser des reportages photos et vidéos, à travers le monde, sur les différentes façons de concevoir le soin. En résumé : voyager, découvrir, et surtout partager avec la communauté soignante et même au-delà ! Ils nous ont présenté leur projet sur Infirmiers.com, partenaire de leur aventure maintenant en cours. Yoan est désormais infirmier, Florence Manipulatrice en électroradiologie et tous deux sillonnent les routes du monde ! Ils ont aujourd'hui posé leurs valises à La Réunion, le temps de pouponner... Ils sont en effet depuis peu les heureux parents de Julia, née le 8 avril 2016 ! Retrouvez l'intégralité sur www.floetyo.com

Florence et Yohan MAUVE   Rédacteurs Infirmiers.comcontact@floetyo.com

Cet article a été publié le 15 février 2017 par Flo&Yo que nous remercions de cet échange.


Source : infirmiers.com