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IADE

Anesthésie-réanimation : ce que les infirmiers doivent retenir en 2015

Publié le 08/01/2016

Comme chaque année, le congrès annuel de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation (SFAR) avec ses journées dédiées aux paramédicaux (urgences, réanimation, anesthésie) a proposé des communications sur des recherches très intéressantes pour notre pratique quotidienne paramédicale. Elles auront sans aucun doute des influences sur les futurs recommandations professionnelles. Zoom sur quelques morceaux choisis !

Etude Clean : Privilégiez la Chlorhexidine alcoolique !

Des communications qui visent à faire évoluer les pratiques des infirmiers des services d'urgence et de réanimation et  la profession infirmière dans son entier !

Comme vous l’avez peut être déjà lu ici , une grande étude française publiée dans la prestigieuse revue The Lancet a démontré la supériorité de la Chlorhexidine alcoolique à 0.5% par rapport aux povidone iodées à 5% (Bétadine®) dans la prévention des infections liées aux cathéters (et particulièrement les cathéters centraux) qui tuent chaque année environ 2500 personnes (en France) avec comme sources pathogènes majeures identifiées les points d’insertion et les raccords de cathéter. Pour rappel, les recommandations de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) ont longtemps privilégiées une antisepsie cutanée réalisée de manière stérile en 5 temps (détersion, rinçage, séchage, désinfection, séchage) avec les povidones iodées type Bétadine® alcoolique. Face aux résultats très probants de cette étude, les recommandations devraient évoluer, et d’ailleurs, vous avez peut être déjà remarqués l’apparition ou l’omniprésence de la Chlorhexidine dans vos unités (voire, déjà,  dans vos protocoles de soins !).

Mais, alors, quels sont les résultats concrets de cette étude ? Voici les trois points clés :

  • supériorité d’efficacité de la Chlorhexidine alcoolique face aux povidones iodées alcooliques ;
  • absence d’efficacité/utilité de la détersion (et ce, quelque soit le produit utilisé) limitant ainsi les manipulations à deux temps : désinfection et séchage ;
  • conséquence de ces deux résultats : moins d’infections, moins de décès, moins de travail quotidien pour les personnels soignants et moindre coût pour la société.

Ces résultats s’expliquent par la combinaison de deux facteurs : la haute efficacité antimicrobienne de l’alcool et l’action persistante de la Chlorhexidine sur la peau (à contrario des povidones iodées inactivées par le sang et les protéines cutanées) cependant un peu plus d’effets secondaires cutanés ont été observés avec la Chlorhexidine lors de l’étude. A noter que les picc lines  ne sont pas directement concernées par cette étude malgré leur développement, mais ces dispositifs ne sont pas ou peu utilisés en soins intensifs.

Rendez vous donc en 2016 pour les nouvelles recommandations de la SF2H dans la prévention des infections liées aux cathéters, voire pour d’autres dispositifs telles les sondes urinaires ou procédures comme la préparation cutanée préopératoire à l’instar des pays anglo-saxons (notamment USA et Royaume Uni) qui utilisent déjà la Chlorhexidine lors de ces soins.

La bonne dose au bon patient : quid de la précision des PSE

Une communication a été faite par les équipes du SAMU 91 (sous la houlette de Bruno Garrigue) sur la fiabilité des pousse-seringues électriques (PSE) en partant d’une question simple : comment être sûr de la dose administrée par unité de temps (notamment pour les produits sensibles type catécholamines, insuline, morphiniques, cardiotropes) ? A noter que cette même équipe avait déjà préalablement conduit une recherche sur la concentration des seringues en cherchant à déterminer la méthode de préparation permettant une meilleure homogénéité des solutions finales. Résultats : peu importe que vous mettiez le produit puis le diluant ou l’inverse, l’important étant d’agiter (retourner) doucement 5 fois de bas en haut votre seringue après préparation (en laissant donc une bulle d’air que vous purgerez ensuite) pour permettre une concentration plus précise et donc une meilleure homogénéité de la solution finale.

Une fois cette première recherche menée, les urgentistes se sont intéressés aux pousse-seringues en eux-mêmes : sont-ils vraiment précis et donc fiables ? En comparant les courbes en trompette, c’est-à-dire les modélisations de précision en fonction des vitesses, proposées par les constructeurs, ils en sont arrivés aux conclusions suivantes : l’imprécision des débits des PSE est d’autant plus grande que la vitesse est faible et l’intervalle de temps considéré est court. Plus concrètement, voici ce qu’on peut en retirer :

  • pour un débit inférieur à 1 ml/h, les pourcentages d’erreurs sont maximaux donc éviter les dilutions imposant une vitesse inférieure à 1ml/h ;
  • la fiabilité semble la plus importante à une vitesse située autour de 5 ml/h donc privilégier des dilutions permettant ces débits (d’autant plus que cela impose, de fait, de réduire les concentrations et donc les risques de bolus, évidemment délétères, avec les produits sensibles précédemment cités mais aussi de préserver le capital veineux des patients).

A rappeler que cette recherche a fait l’objet d’un PHRI (programme hospitalier de recherche infirmière), d’une bourse de la SFMU (Société française de médecine d’urgence) et de présentations lors de différents congrès des sociétés savantes (SFAR, SFMU, SRLF)... et peut-être bientôt de recommandations ? En attendant d’autres études/recherches complémentaires sont en cours.

Arrêt cardiaque : de l’importance d’une formation continue

Un audit local (mais dont les résultats peuvent très probablement être généralisés) sur les connaissances théoriques et pratiques de base dans la gestion d’un arrêt cardiaque intra- hospitalier a été réalisé par l’équipe de l’hôpital Beaujon (92) auprès d’environ 400 soignants (médicaux et paramédicaux) de l’établissement. Les résultats confirment la nécessité d’une formation continue (idéalement annuelle) des personnels en dehors de l’AFGSU à renouveler tous les 4 ans, obligatoire pour l’obtention des DE soignant depuis 2010 et recommandée pour les personnels déjà en place :

  • près de 60% des répondants ne connaissent pas le numéro d’appel dédié en cas d’ACR ;
  • plus de 50% ne connaissent pas l’alternance correcte entre compressions thoraciques et insufflations manuelles ;
  • près de 40% déclarent ne pas savoir monter ni se servir d’un insufflateur manuel ou encore ne connaissent pas LE médicament de l’arrêt cardiaque ;
  • 30% des répondants ne savent pas où se situent le chariot d’urgence et le défibrillateur semi automatique, déclarent ne pas savoir s’en servir ou, plus grave, ne connaissent pas les signes prévalent de l’arrêt cardiaque.

Ceci pose à nouveau la question sensible de la qualité/efficacité de la prise en charge des arrêts cardiaques en établissement de santé (disposant immédiatement de personnels, logiquement, formés et compétents ainsi que de matériel) par rapport à l’extra-hospitalier et donc, par extension, de la formation des personnels à l’hôpital (fréquence, contenu, méthode pédagogique utilisée…).

Pour rappel :

  • le numéro d’appel dédié est propre à chaque établissement, Cf. la procédure de votre établissement qui doit être connue et affichée à la vue de tous ;
  • l’alternance compressions thoraciques/insufflations manuelles est de 30/2 pour l’adulte et 15/2 pour l’enfant et le nourrisson selon les recommandations européennes de 2015 ;
  • les insufflateurs manuels sont généralement conditionnés à usage unique, il suffit de déplier le ballon et brancher le dispositif sous 15L d’oxygène pour remplir la chambre à l’arrière du ballon (et enrichir l’oxygène) ;
  • le médicament de première intention dans l’arrêt cardiaque demeure l’adrénaline, 1 mg toutes les 4 minutes, ou après le 3ème choc électrique externe en association avec de la cordarone (Amiodarone) 300 mg. Pour rappel, dans l’ACR, l’adrénaline et la cordarone ne se diluent pas pour l’adulte, pour l’enfant et le nourrisson, c’est 10 microgrammes (gamma)/kg à diluer selon le poids en ce qui concerne l’adrénaline ;
  • le chariot d’urgence et le DSA doivent se trouver dans un endroit connu de tous, idéalement au même endroit, pour leur utilisation ;
  • enfin pour finir, les signes de l’arrêt cardiaque sont au nombre de deux : patient inconscient qui ne respire pas (la prise de pouls est optionnelle et ne doit pas retarder l’alerte ni la mise en œuvre des manœuvres de réanimation).

Pour aller plus loin :

Avec l’écho-guidage, vos patients ont de la veine !

Qui n’a jamais eu un patient au capital veineux très limité ? Obésité, pathologies chroniques, toxicomanie, oedèmes généralisés en sortie de réanimation, telles sont quelques-unes des situations où la mise en place d’une voie veineuse périphérique peut s’avérer très compliquée, voire impossible, même si vous êtes un champion de la perfusion .

C’est ainsi que l’échographie commence à se faire une place dans l’arsenal des infirmiers, par le biais de protocoles de coopération à l’image de la Pitié Salpêtrière à Paris ou encore via des projets locaux comme dans le service de réanimation du CHU de Poitiers qui nous a présenté son protocole lors du congrès. Après une brève formation théorique et une formation pratique sur modèle fantôme, les infirmiers pratiquent dorénavant l’écho-guidage (ou uniquement l’écho-repérage pour les moins convaincus) pour la mise en place de VVP chez les patients au capital veineux limité en sortie de réanimation (après ablation des cathéters centraux, sources d’infection, voire de mauvaises manipulations dans les services). En dehors d’une revalorisation du travail infirmier et d’éviter d’appeler (déranger ?) l’anesthésiste ou l’IADE de garde lors d’échecs répétés, les effets positifs de cette technique sont nombreux notamment sur la tolérance et la douleur du patient, la préservation du capital veineux ou encore la réduction du risque infectieux. Initiative à suivre !

Intubation oro-trachéale (IOT) : anticipez pour ne pas être dépassés !

L’intubation en urgence d’un patient est souvent un moment critique et redouté par les IDE, parfois même dans les services fortement exposés comme les urgences, la réanimation ou le SMUR. Cependant, le rôle IDE est alors crucial dans le conditionnement du patient, la préparation du matériel pour le médecin et dans l’anticipation des complications inhérentes à ce geste/cette situation d’urgence. Ainsi, Kamel Touabi, IADE au SMUR Beaujon (92) a proposé une communication sur le rôle IDE dans la gestion de l’environnement patient pour tenter de pratiquer le plus sereinement ce geste avec des automatismes simples et efficaces :

  • conditionnement du patient : Scope, 2 VVP de bon calibre (avec au moins une rampe), soluté de base = sérum physiologique (pour remplissage si collapsus de reventilation par exemple), installation adaptée ;
  • préparation du matériel : aspiration prête, vérifiée et à proximité immédiate, BAVU branché sous 15L 02, DSA à proximité, capnographie (et bien sur un laryngoscope en état de marche, une lame de macintosh en fer et une sonde d’intubation de taille adaptée au patient avec une seringue de 10 ml) ;
  • médicaments : l’intubation en séquence rapide (la plus répandue dans le contexte de l’urgence) se fera avec de l’Etomidate 0.5 mg/kg pur (hypnotique) et de la Célocurine 1 mg/kg (curare) à diluer selon le poids du patient. Ensuite un entretien par une benzodiazépine (Hypnovel) et un morphinique (Fenta ou Sufentanyl) est le plus souvent pratiqué. Enfin avoir à disposition de l’Ephédrine si collapsus à l’induction anesthésique mais aussi de l’adrénaline si ACR. Des alternatives existent cependant pour les patients asthmatiques ou en état de choc septique (Kétamine) et les patients en état de mal épileptique (Penthotal) par exemple (en lieu et place de l’Etomidate).

Rappel des étapes de l’intubation :

  • pré oxygénation pendant au moins 3 minutes avec le BAVU en inhalation à 15L 02 ou via la ventilation non invasive (VNI) avec une Fi02 à 100% ;
  • induction anesthésique (avec, généralement, le fameux « Eto/Célo » donc) ;
  • manœuvre de Sellick pour éviter le syndrome de Mendelson (inhalation bronchique par reflux gastrique) ;
  • introduction de la sonde après les fasciculations (signe d’efficacité du curare) ;
  • ventilation au BAVU une fois la sonde en place (ou initier insufflations au BAVU si échec) ;
  • vérification de la bonne position de la sonde (grâce à la capno, valeur et courbe, présence de buée dans la sonde, auscultation des champs pulmonaire, saturation et fréquence respiratoire du patient, observation clinique…) ;
  • fixation de la sonde (noter le repère) ;
  • réglage respirateur (notamment Fr, volume courant : Vt, et PEP) pour relais ;
  • entretien de la sédation avec « Hypno-Fenta » (ou « Sufenta ») ;
  • sonde gastrique pour vidange si estomac plein (toujours pour éviter l’inhalation bronchique !) ;
  • Si IOT difficile prévisible (patient obèse, âgé, barbu, édenté...), avoir à disposition les méthodes alternatives : position amendée de Jackson et manœuvre de BURP, Mandrin souple, masque laryngé ou Fastrach, kit de crycothyroidotomie.

Au terme de ce congrès - et une fois n’est pas coutume ces dernières années - la recherche paramédicale est encouragée et des initiations sont proposés à différents congrès.

A vos projets donc pour évaluer, faire évoluer vos pratiques et votre profession !

Mickael PERCHOC  Infirmier aux urgencesComité de rédaction infirmiers.commickael.perchoc@infirmiers.com


Source : infirmiers.com