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GRANDS DOSSIERS

Amélioration de la couverture vaccinale : et si les infirmiers pouvaient plus ?

Publié le 14/11/2018

La deuxième Matinale de l'Ordre national des infirmiers sur le thème de l'amélioration de la couverture vaccinale, le 7 novembre dernier, a été l'occasion de rappeler que le sujet est un enjeu de santé publique au-delà des seuls enjeux corporatistes qui s'expriment souvent entre médecins, pharmaciens et infirmiers lorsque l'on parle de vaccinations. Dans les mois à venir, de nouvelles prérogatives - outre celles acquises depuis peu pour la vaccination antigrippale - pourraient être données aux infirmiers concernant la vaccination en général.

Pour améliorer la couverture vaccinale, il serait absurde de se priver des infirmiers dont il faut rappeler qu’ils constituent la plus nombreuse profession de santé en France au plus près des patients.

La France, rappelons-le est, en matière de couverture vaccinale, plutôt à la traîne. Pour Daniel Lévy-Bruhl, responsable d'unité de la Direction des maladies infectieuses de Santé publique France, le taux d'adhésion des Français laisse encore à désirer et leurs réticences à certains vaccins en raison de doutes sur leur efficacité et la crainte des effets secondaires sont à noter. Et de citer la vaccination contre l'hépatite B ou la rubéole et plus encore la rougeole où les nombreux cas recensés ces derniers mois (pneumonies graves, encéphalites, décès), et qui auraient pu être évités, soulignent à eux seuls la dimension collective et altruiste de l'acte vaccinal. L'expert a également expliqué que la vaccination des jeunes filles contre le virus du papillomavirus (HPV) ne dépasse pas les 20 % et que, pour la grippe, en 2017, seule une personne âgée sur deux s'était fait vacciner.

Le poids des controverses… Un quart des Français considère que les vaccins ne sont pas efficaces, 40 % d'entre eux ont des craintes sur des effets secondaires délétères.

Le Dr Pierre Verger, Directeur de l'Observatoire régional de la santé PACA a argumenté sur la notion d'hésitation vaccinale, formulation remise au goût du jour depuis une dizaine d'année alors que l'on mesure la crise de confiance dans les vaccins, une crise internationale, et à divers degrés, et dans laquelle les facteurs culturels prennent une part importante. L'hésitation vaccinale correspond en effet à des comportements ou à des attitudes de gens qui peuvent avoir refusé une fois dans leur vie ou plusieurs fois certains vaccins ou même décalé l'échéance de vaccination par rapport au calendrier ou même accepter de se vacciner tout en ayant des doutes sur la sécurité du vaccin ou ses bénéfices. Des attitudes qui sont souvent liées à des controverses tenaces comme aujourd'hui encore face à la vaccination contre l'hépatite B. Plus de 40 % de Français selon une étude anglaise (Larson 2016)* internationale (66 pays) présenteraient cette hésitation vaccinale, ce qui place la France en tête de liste… Les raisons de la défiance sont complexes et notamment un mouvement assez profond de désenchantement face à la science

Le Dr Jean-Marcel Mourgues, Président de la section Santé publique du Conseil national de l'Ordre des médecins, s'est interrogé sur la question de la traçabilité des vaccins, sur leur inscription au sein d'un outil partageable. Il a rappelé que le dossier vaccinal électronique devrait être adossé dans quelques temps au Dossier médical partagé (DMP) avec des enjeux techniques assez complexes à résoudre. De plus, il a souligné la question de la responsabilité, arguant que la vaccination ne peut plus être un geste de fin de consultation ou un acte de quelques minutes avec un professionnel de santé par ce que ce dernier aura l'exigence de donner toute l'information possible, la plus exhaustive possible sur le vaccin injecté. Des pré-requis indispensables pour que le parcours vaccinal de tout Français, et ce à tout âge de sa vie, soit le plus cohérent et le plus efficace possible en lien avec les grandes orientations de santé publique.

De son côté, le Pr Odile Kremp, Cheffe du Bureau de la santé des populations et de la politique vaccinale de la Direction Générale de la Santé, a rappelé la volonté forte d'oeuvrer pour une amélioration de la couverture vaccinale. De fait, renforcer la politique d'information sur le sujet est une priorité et la création du site Vaccination Info Service porté par Santé Publique France en est la preuve avec un double niveau d'information : à destination du grand public et des professionnels de santé. Le ministère a également organisé des concertations avec l'ensemble des professionnels de santé impliqués dans la vaccination afin de réfléchir sur les freins existants  et sur l'hésitation vaccinale. Plus récemment, des textes législatifs ont également porté sur la vaccination avec l’élargissement des compétences des sages-femmes dans le domaine, l’expérimentation de la vaccination dans les pharmacies, l’étendue des obligations vaccinales chez les enfants et l’élargissement du rôle infirmiers en matière de vaccination antigrippale.

 Pour améliorer la couverture vaccinale, il était absurde de se priver des infirmiers dont il faut rappeler qu’ils constituent la plus nombreuse profession de santé en France avec 680 000 professionnels dont 120 000 exerçant à titre libéral donc se rendant quotidiennement au domicile des patients.

Vaccination antigrippale… les crispations associées

Il faut bien le dire, le mot agite en ce moment le monde de la santé, responsable de crispations chez les professionnels de santé libéraux. En pleine campagne 2018 pour la vaccination antigrippale, le sujet fait réagir, notamment les infirmiers, qui se sentent quelque peu dépossédés de leurs compétences en la matière par les pharmaciens habilités à vacciner par expérimentation menée en région -  Auvergne Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France et Occitanie. Pourtant, rappelons-le, les infirmiers bénéficient depuis peu – septembre 2018 - sur cette question d'une extension d'indications et d'un rôle reconnu par décret .

Patrick Chamboredon, président de l'Ordre national des infirmiers (ONI) avait exprimé toute sa satisfaction suite à la publication de ce décret, soulignant que pour améliorer la couverture vaccinale, il était absurde de se priver des infirmiers dont il faut rappeler qu’ils constituent la plus nombreuse profession de santé en France avec 680 000 professionnels dont 120 000 exerçant à titre libéral donc se rendant quotidiennement au domicile des patients. Mais dans les faits, il semblerait que cela ne soit pas aussi simple et que les usagers soient orientés prioritairement vers leur pharmacien. Les syndicats d'infirmiers libéraux l'avaient rappelé de vive façon et récemment, l'URPS Paca a lancé une campagne , s'insurgeant sur le fait que l’expérimentation de la vaccination en officine n’augmente pas la couverture vaccinale de la population, mais déplace ces actes de l’IDEL au pharmacien. La rédistribution des rôles en la matière est donc loin de faire l'unanimité…

Pour accroître l'adhésion à la vaccination antigrippale des professionnels de santé, trop faible, les 7 ordres de santé ont signé une charte … Suffira-t-elle ?

Un rôle infirmier encore accru ?

Le Dr Kremps a précisé attendre de la part de la Haute Autorité de Santé un avis sur l'extension des compétences vaccinales de l'ensemble des professionnels de santé sur tous les autres vaccins. Patrick Chamboredon ne peut que s'en réjouir. Les infirmiers ont la compétence sur cette question, ils sont formés pour cela. Nous sommes donc partie prenante sur cette possibilité d'extension. En Europe, il y a des pays où les infirmiers sont maîtres de la vaccination, comme en Espagne par exemple. Au Québec, il en va de même. Donc le poids du nombre pour les infirmiers, la montée en compétences devraient permettre d'accéder à ces nouvelles responsabilités et de restituer par la même occasion du temps médical. Cependant, la question de la formation initiale en la matière, assez hétérogène entre professionnels de santé selon le Pr Kremp est à travailler, parallèlement. De plus, pour elle, le fait que les professionnels de santé eux-mêmes ne soient pas les meilleurs exemples en matière de vaccination - leur faible adhésion à la vaccination antigrippale l'explicite particulièrement - est aussi à prendre en compte. Comment convaincre ses patients lorsque l'on n'est pas convaincu soi-même ? Tordre le cou aux Fake Medicines est un axe de travail… et pas des moindres.

L'Ordre national des infirmiers continue d’agir par ailleurs pour que l’extension du rôle infirmier soit une réalité aussi pour d’autres vaccinations. L’intérêt des personnes et de la protection contre les maladies le nécessite pleinement.


Le Dr Pierre Verger est revenu sur la notion d'hésitation vaccinale en commentant les résultats d'une étude menée en région PACA par l'Observatoire régional de la santé, à la demande de l'Ordre régional des infirmiers PACA et Corse, sur les attitudes et les pratiques des infirmiers de la région vis-à-vis des vaccins. Ce que révèle cette étude ne fait que renforcer ce que l'on sait déjà : les infirmiers ne sont pas un exemple à suivre ! En effet, concernant la vaccination contre l'hépatite B, ils ne sont que 49 % en exercice libéral et 65 % en exercice salarié à avoir reçu les 3 doses du vaccin. Les infirmiers se disent pourtant globalement favorables (plus de 80%) à la vaccination en général mais quand on aborde la vaccination antigrippale les pourcentages s'abaissent considérablement : seuls 23 % des salariés et 38 % des libéraux sont vaccinés. Le rapport à la vaccination se nourrit chez les infirmiers d'hésitations, de doutes, d'un manque de confiance qu'il faudra sans doute restaurer si on veut leur donner de nouvelles prérogatives en la matière. D'ailleurs sur ce registre, et contrairement à la volonté de l'ONI et des syndicats infirmiers, deux infirmiers sur trois ne souhaitent pas bénéficier d'un transfert de compétences. Les raisons : ne pas être en mesure d'intervenir en cas d'effets secondaires graves, des connaissances insuffisantes du dossier médical patient, une multiplicité d'intervenants qui ne favorise pas un suivi optimal et comme cela a été souligné précédemment, une formation insuffisante pour cet acte médical.

Le constat est assez raide selon Patrick Chamboredonil faut remonter le niveau. En impliquant davantage les professions de santé dans une mission valorisante de santé publique, leur donner plus d'autonomie et donc plus de responsabilités devrait, à termes, notamment sur la nouvelle génération de professionnels porter ses fruits.

Comment convaincre ses patients lorsque l'on n'est pas convaincu soi-même ? Tordre le cou aux Fake Medicines est un axe de travail… et pas des moindres.

*Larson H, Figueiredo A, Xiahong Z et al. State of Vaccine Confidence 2016: Global Insights Through a 67-Country Survey. E Bio Med 2016 ;12 :295-301

Visionner l'ensemble de cette conférence sur la page facebook de l'Ordre national des infirmiers

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com