Ce nombre alarmant présenté mardi par la Fondation Eisaï est issu d'un calcul prévisionnel minimaliste (c'est-à-dire optimiste), a souligné mardi le Dr Paul Cadre, président de cette fondation, élaboré à partir des résultats révisés en 2003 de l'étude Paquid (qui définit la prévalence de la démence et de la maladie d'Alzheimer chez les personnes de 75 ans et plus), des chiffres de l'Insee sur le vieillissement de la population et de l'offre d'hébergement en Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et en Unités de soins longue durée (USLD).
L'état des lieux en 2002 montre que 734.373 personnes de plus de 75 ans sont atteintes de la maladie d'Alzheimer, les régions à plus forte prévalence étant l'Ile-de-France (106.926 malades), Provence Alpes Côte d'Azur (67.694) et Rhône-Alpes (66.290). Huit régions comptent entre 13.000 et 24.000 malades et seule la Corse compte moins de 13.000 malades (3.801).
Les projections pour 2010 font état de 912.410 patients Alzheimer de plus de 75 ans. Parmi les 8 régions précédentes, la moitié passent dans la tranche de prévalence supérieure, c'est-à-dire qu'elles compteront entre 24.000 et 35.000 malades, la Corse restant à moins de 13.000 (4.760).
Le croisement avec l'offre d'hébergement se base sur le ratio de 60% de malades vivant à domicile et 40% en institution. Or, il existe déjà une pénurie de places. "Il manque déjà 40.000 lits pour 2005". Et aux besoins actuels vont se surajouter la fermeture des lits jugés trop vétustes décidée par le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, Hubert Falco.
Ce décalage entre l'offre et la demande concerne l'ensemble des places d'hébergement en institutions, non spécifiques aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer, ces derniers représentant 70% des personnes résidant dans les institutions générales pour personnes âgées.
En 2010, les projections font état d'un déficit global de 120.500 places. Les régions Ile-de-France et Rhône-Alpes devraient être les plus sévèrement touchées, avec un déficit estimé à 15.081 places pour la première et 12.065 pour la seconde. La Corse (1.205), le Limousin (1.536), la Franche-Comté (1.965) et la Champagne-Ardenne (2.653) devraient être les moins déficitaires.
La situation s'annonce particulièrement aiguë dans les grandes villes où le parc immobilier est inextensible et où la création de nouvelles structures s'avère très problématique, a souligné Paul Cadre.
SEULS 16% DES MALADES DIAGNOSTIQUÉS
Pourtant, selon le Pr Françoise Forette, gériatre (hôpital Broca, Paris) et présidente du comité scientifique de la fondation France Alzheimer, le besoin d'institutionnalisation peut diminuer avec l'établissement d'un diagnostic plus précoce, un meilleur taux de traitement, et une amélioration des structures d'accueil des malades.
Or, seulement 16% des malades sont diagnostiqués (avec une grande hétérogénéité territoriale) et reçoivent un traitement médicamenteux susceptible de freiner l'évolution de la maladie. Pourtant, ce traitement symptomatique ralentit la dégradation clinique au niveau cognitif et comportemental et retarde d'au moins 2 ans l'institutionnalisation, a insisté la spécialiste.
D'ailleurs, parmi les victimes de la canicule prises en charge aux urgences, "on dénombre beaucoup de patients Alzheimer qui n'avaient pas été diagnostiqués et qui présentaient une détérioration cognitive telle qu'ils n'étaient pas en mesure de se plaindre ni de comprendre les messages adressés à la population".
La société se trouve donc confrontée à un "problème de santé publique, de diagnostic et de mise à disposition des traitements". Et le vieillissement inéluctable de la population ne va faire qu'aggraver cette situation déjà très problématique.
LE CORPS MÉDICAL EST INSUFFISAMMENT FORMÉ À CETTE MALADIE
La fondation Eisaï appelle donc à une formation du corps médical et de l'ensemble des acteurs de soins à cette maladie pour laquelle ils sont actuellement insuffisamment préparés. Les médecins généralistes ont un rôle particulièrement important à jouer dans le dépistage précoce de la maladie.
"Il est essentiel qu'ils respectent la plainte du patient au sujet de ses pertes de mémoire. Ils ne doivent pas lui répondre : 'c'est rien, c'est l'âge'", a insisté le Pr Jacques Touchon, neurologue à Montpellier où il dirige également un centre mémoire, car "il n'existe pas de troubles cognitifs physiologiques suffisants pour altérer la vie quotidienne".
Il est désormais possible d'évaluer le risque qu'une personne a de développer la maladie d'Alzheimer grâce à l'analyse des divers facteurs de risque : antécédents familiaux, sexe féminin, bas niveau de stimulation cognitive, bas niveau d'occupation sociale. Cette évaluation sera rendue plus facile par la mise au point de scores de troubles cognitifs et troubles du comportement sur lesquels l'Inserm travaille actuellement.
Mais dès à présent, les médecins doivent envoyer leurs patients vers les consultations mémoire. Celles-ci, encore très récentes et peu nombreuses, sont toutefois insuffisantes et ne permettent pas de prise en charge médicale des patients, seulement une orientation de ceux-ci vers les structures de soins adaptées. Les centres experts prennent parfois le relais, mais là encore leur nombre insuffisant conduit à des délais de prise en charge excessivement longs./ar
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Alzheimer : le manque de places dans les structures d'accueil devrait atteindre 120 500 en 2010
Publié le 09/10/2003
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Source : infirmiers.com
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