Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

LIVRE

Alexandre Feraga, l'auteur au grand cœur

Publié le 30/09/2015
Alexandre Feraga

Alexandre Feraga

En écrivant le roman « Je n'ai pas toujours été un vieux con  », Alexandre Feraga, 36 ans, a réussi l'exploit de se mettre dans la peau d'une personne âgée pour en révéler toute la sensibilité. Aujourd'hui, ce jeune écrivain, personnellement investi dans le milieu médico-social, nous livre les secrets de son roman à travers un regard profond et saisissant sur la vieillesse.

Alexandre Feraga, 36 ans, s'est mis dans la peau d'un septuagénaire pour sensibiliser notre société sur l'avenir des personnes âgées.

La comptabilité n'était certainement pas le secteur où il se voyait évoluer. Après y avoir fait ses études « par défaut », comme il le dit si bien, pour Alexandre Feraga c'était évident : venir en aide aux autres est bien plus gratifiant d'un point de vue humain. Je voulais me rapprocher des gens, me rendre plus utile à la société et aux plus fragiles. Ainsi débute sa réorientation professionnelle. Entre une vie associative chargée et des années de bénévolat au Secours populaire, il décroche un poste d'aide éducateur dans une école d'enfants en situation de handicap mental. Finalement, il reprend ses études et obtient un diplôme de moniteur éducateur. Ses nouvelles compétences lui permettent par la suite d'intervenir en foyer de vie auprès d'adultes handicapés vieillissants. Et bien qu'il ait mis sa carrière entre parenthèses pour écrire son roman, le jeune auteur souhaite revenir dans ce milieu, et utiliser l'écriture comme un outil pédagogique. Les établissements d'hébergement pour âgées dépendantes (EHPAD) ont donc encore beaucoup à lui offrir. Et bien qu'il soit sorti de ce secteur quelques temps, il ne l'a jamais vraiment quitté puisqu'il y a puisé l'âme de son personnage principal : Léon Pannec.

Il y a des personnes qui ont traversé ma vie et qui y ont joué un rôle important. Il s'agissait entre autres de personnes âgées...

Qui est vraiment Léon, ce « vieux con » ?

Tout le contraire de l'auteur. Et c'est vraiment le cas de le dire. Voyageur, écorché, acariâtre... Léon est un homme âgé plein d'histoires et de vécu. Mais pour Alexandre Feraga, son personnage représente bien plus. Je n'ai pas eu la chance de connaître véritablement mes grands-parents. Je les ai connus physiquement, mais je ne sais pas ce qu'ils ont vécu. Et probablement que Léon est né parce que j'avais besoin de me créer un grand-père qui me raconte sa vie et son histoire. Un « pseudo » grand-père, il en a eu un... pendant un temps. Il s'agit en effet de Victor, l'aïeul d'un de ses amis, à qui il dédicace son livre. Cette rencontre le marquera au point de vouloir rendre hommage à tous seniors pour tout ce qu'ils ont à offrir. Il y a des personnes qui ont traversé ma vie et qui y ont joué un rôle important. Il s'agissait entre autres de personnes âgées et notamment de Victor qui fut un grand-père pour moi. Il m'a fait grandir en m'apprenant beaucoup de choses : le respect de la vie, le désir de vivre jusqu'au bout et la joie inaltérable en dépit de la maladie.

Léon est donc né d'un désir de reconnaissance de toutes ces personnes qui ont bien vécu, d'une voix qui résonne en faveur de leur mémoire et d'un besoin de donner une autre image de la personne vieillissante. Une intention originale et jamais vue jusqu'alors. On me dit souvent que c'est vraiment atypique de se mettre dans la peau d'une personne qui a deux fois son âge. Mais cela m'a empêché de m'identifier au personnage. Et paradoxalement, il me fallait ce détachement pour capter la voix de Léon...

Finalement, Léon, vieil homme haut en couleur, va venir au secours des autres en leur faisant prendre conscience qu'il y a encore beaucoup de choses à vivre, et ce, malgré la perte, le deuil ou la maladie. En outre, il sera lui-même bousculé par les rencontres qu'il fera en maison de retraite, « un lieu où la vie est encore possible ».

Depuis que j'ai écrit ce livre, de nombreuses personnes me racontent que leurs parents vivent une deuxième vie en maison de retraite. Ils voient du monde et des amours sont possibles.

« Tout est une question de perception... »

Alors que les EHPAD véhiculent une image souvent négative, Alexandre Feraga bouscule les idées reçues au travers d'attachants personnages aux parcours très variés, mais qui finalement ont tant en commun. Selon lui, les maisons de retraite peuvent aussi représenter « un lieu d'espoir »... « Elles ne sont pas des mouroirs. D'ailleurs, depuis que j'ai écrit ce livre, de nombreuses personnes me racontent que leurs parents vivent une deuxième vie en maison de retraite. Ils voient du monde et des amours sont possibles. C'est ce que j'ai voulu mettre en avant car mes personnages utilisent cet endroit pour vivre de belles rencontres et créer « un autre possible ». Mais ce n'est pas le seul message qu'Alexandre Feraga a voulu faire passer dans son livre. Fervent optimiste, l'auteur est convaincu que la vie a toujours quelque chose de bon à offrir, tout comme les personnes d'ailleurs. Tout est une question de perception. Je pense qu'on peut « raviver » quelqu'un juste en partageant avec lui un regard différent sur la vie. De plus, je suis persuadé que tout être humain a forcément quelque chose de bon en lui. Il faut parfois regarder au delà de l'apparence, du handicap et de la maladie pour distinguer ce qu'il y a de meilleur chez autrui. Et il est évident qu'on peut vivre de belles expériences dans les EHPAD. Toutefois, malgré son grand optimisme, une problématique le préoccupe...

Tout est une question de perception. Je pense qu'on peut « raviver » quelqu'un juste en partageant avec lui un regard différent sur la vie.

Quel avenir pour les seniors ?

Alexandre Feraga a découvert les maisons de retraite (presque) par hasard… Alors qu'il animait une activité avec des adolescents en situation de handicap mental, ces derniers ont clos leur séance en se rendant dans un EHPAD pour offrir des fleurs aux résidents. De façon spontanée, nous nous sommes dirigés vers un couple. Tous deux ont été si touchés par notre geste qu'ils ont commencé à partager avec nous des morceaux de leur vie. Et ces jeunes, qui avaient habituellement une attention limitée, ont été complètement absorbés par ce qu'ils entendaient. Le vieil homme avait les larmes aux yeux, son épouse était aussi très émue, et je pense que ces adolescents ont capté que quelque chose d'important se passait. Il prend alors conscience de l'immense patrimoine qui se cache dans les maisons de retraite, mais également d'une situation très inquiétante. Que fait-on de la mémoire ? Que fait-on de tout ce vécu, de tout ce savoir que nos anciens ont emmagasiné, et qu'on pourrait transmettre, mais qu'on laisse s'effilocher ? Ce sont de grands livres ouverts et je suis toujours surpris qu'on n'aille pas piocher dans ces histoires  à portée de main. Nous préférons consulter Google au lieu de nous plonger dans leur mémoire. Et moi je me questionne sur l'avenir des seniors avec l'arrivée imminente du « papy boom ». Comment allons-nous gérer le vieillissement de la population et la dépendance...? En outre, Alexandre Feraga déplore la place qu'ont les personnes âgées dans notre société. J'ai le sentiment qu'elles inspirent de la peur, comme si on ne parvenait pas à assumer ce qui nous attend tôt au tard.  Quelque part, le regard qu'on pose sur les personnes âgées c'est celui qu'on pose sur nous… et la manière dont une société s'occupe de ses anciens en dit long sur elle.

Pour le dévouement qu'ont les soignants dans la prise en charge des seniors, l'auteur ressent une sincère admiration. Je souhaite les remercier car ils ont un rôle fondamental. C'est un engagement lourd à porter et malheureusement ils sont mal payés et considérés. Toutefois, malgré la fragilité du monde hospitalier, des gens continuent de s'y investir et cela redonne de l'espoir. Des propos prononcés avec humilité et qui trouveront sûrement écho chez ceux qui ont fait le choix de prendre soin de nos anciens.

J'ai le sentiment que les personnes âgées inspirent de la peur comme si on ne parvenait pas à assumer ce qui nous attend tôt au tard.

Gwen HIGHT  Journaliste Infirmiers.comgwenaelle.hight@infirmiers.com@gwenhight


Source : infirmiers.com