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Aide-soignante, elle photographie le Soin

Publié le 01/09/2014
main bandages

main bandages

mains patient

mains patient

pied patient

pied patient

patient lit

patient lit

bloc

bloc

soignant patiente jambes

soignant patiente jambes

matériel

matériel

Marjorie Toncio, aide-soignante, photographe, nous raconte son parcours qui l’a menée des études en BTS d’Administration et Production Gastronomique au Chili jusqu’à sublimer le métier soignant dans une exposition photographique dans le sud de la France.

Marjorie Toncio, aide-soignante et photographe.

Rien a priori ne me prédestinait à ce métier d’aide-soignant puisque mon objectif premier était de réaliser une carrière autour de la gastronomie dans mon pays d’origine, le Chili. Il était de bon ton dans cette discipline de passer par des études en France, cela donne une expérience sérieuse et permet de la valoriser au retour sur notre territoire sud-américain. Je suis donc arrivée en France en 2005 pour un stage de cinq mois à Ambialet dans le Tarn (un site magnifique) et les rencontres humaines ont fait que le désir de rester et de progresser fut plus fort que celui de rentrer. Une de mes plus belles réussites c’est qu’en France, je suis officiellement et je me sens désormais chez moi.

De nouvelles racines

La volonté d’enracinement s’est enclenchée avec la volonté de maîtriser cette langue « étrangère » et que je voulais apprivoiser pour la rendre familière. Cela passe par l’oral et surtout l’écrit et la lecture d’auteurs dans le texte. La motivation était grande et l’apprentissage ne fut pas du tout douloureux même s’il était parfois compliqué. Je garde un accent et un caractère qui dévoilent les contrastes que l’on trouve entre les volcans de la ceinture de feu et les  glaciers de Patagonie… Mais ce qui me touche le plus en fait, ce sont les gens : j’ai découvert que dans la restauration, il était important de prendre soin des gens que nous accueillons et comment mieux approfondir cette notion qu'en se tournant une bonne fois pour toutes vers le soin en soi ?

Sublimer le Soin

J’ai passé le concours d’entrée à l’école d’aides-soignants en 2010 à Albi où j’ai été reçue. J’ai travaillé de suite après l’obtention de mon diplôme avec quelques aller-retours entre le Centre Hospitalier et le Centre de Rééducation Fonctionnelle. Je me sens de mieux en mieux dans ma peau de soignante et mon regard devient de plus en plus précis sur cette notion de soin. A tel point que j’ai souhaité sublimer ce regard par la photographie en reprenant des gestes du quotidien que l’habitude a tendance à banaliser. Mes photos ne sont pas forcément mon regard sur le soin mais mon intention était de remettre en première ligne ce que nous, soignants, avons intégré comme normalité de notre décor, de nos gestes, et que nous ne conscientisons plus forcément. J'estime que ces photos sont réussies uniquement si les soignants s’arrêtent devant avec un petit sourire qui me fait dire qu’ils s’y reconnaissent ou qu’ils retrouvent là une forme d’essentiel de ce qu’ils sont.

Le Soin de l’Art

La démarche artistique ne consiste pas ici à chercher le Beau en soi. Je ne fais une photo que si je ressens quelque chose et que je pense pouvoir transmettre un message, une histoire.  Ainsi, le regard se transforme peu à peu en appareil photo mais cette « mécanique » ne tend pas à morceler ou réifier l’être humain que je photographie. Bien au contraire, le focus que je choisis doit permettre de réinjecter toute l’humanité et la démarche éthique du soignant afin de prendre soin de la personne dans sa globalité. Du symbole vers la reconstruction du tout nécessaire. Des mains qui s’accrochent à une potence, un kiné qui pose sa main sur le dos d’une patiente pour juste l’accompagner, une main bandée, vulnérable où l’on voit des doigts usés par une vie de travail manuel, des ongles imprégnés de cambouis et qui rend impuissante ou insuffisante toute tentative de nettoyage ou de désinfection. La réalité du soin ne s’inscrit pas toujours en lettre d’or et le soignant connaît ce combat.

Le projet

J’étais ravie qu’on me propose ce projet d’exposition permanente au sein du service d’Orthopédie du centre Hospitalier d’Albi. Mes collègues savaient que je faisais de la photo et le cadre de santé du service a fait le lien avec les responsables du Pôle qui ont validé ce projet. J’ai donc pris mon Canon 60 D armé d’un 50 mm (1.4) et d’un 24/70 mm (2.8). Le vernissage a eu lieu le 2 juillet 2014 en présence de M. Guinamant, directeur du Centre Hospitalier d’Albi, et de Mme Garnier, directeur adjoint, de Mme H. Sgro, déléguée territoriale à l’ARS de Midi-Pyrénées, des autorités du pôle et de mes collègues du service de Chirurgie.

Le Noir & Blanc et la lumière

Le Noir et Blanc s’est imposé en amont très rapidement car je voulais contraster la charge d’humanité (le chaud des volcans) et la rudesse de l’hospitalisation en noir et blanc en forçant les contrastes sur les nuances de gris (le froid des glaciers). Il y a peu de travail en postproduction, simplement ce rééquilibrage sur les nuances de gris pour forcer légèrement la lumière et le contraste. Rien d’autre que ce travail à minima sur le logiciel Lightroom. Pour garder aussi l’effet graphique de la composition comme la répétition des poids de traction, les drapés du bloc opératoire…

La lumière du Bloc Opératoire est centrale et en cela elle est passionnante à travailler derrière un objectif. On a l’impression de retrouver les modèles de peinture de Georges de La Tour avec cette lumière magique qui vient du tableau et qui éclaire les personnages de l’intérieur. Au bloc, il ne reste des acteurs que ce regard qui est épargné des précautions d’hygiène. On se reconnaît d’une autre façon et les yeux ont un langage différent dans cet espace. C’est un travail difficile de sortir une photo intéressante d’un bloc car ils sont tous habillés de la même façon et il faut aller chercher les différences, c’est un peu le contraire de la vraie vie… 

A la suite à cette exposition, j’ai de nouveaux projets. Je vais me lancer sur un travail qui touche encore au soin mais avec un focus sur la spécialité de la Rééducation fonctionnelle. Et d’autres projets comme le travail de nuit dans différents métiers et notamment celui de la boulangerie qui conserve des gestes magiques que l’on ne rencontrent que la nuit… tout un programme !

Propos recueillis par Christophe PACIFIC Cadre supérieur de santé Docteur en philosophie christophe.pacific@orange.fr


Source : infirmiers.com