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GRANDS DOSSIERS

Afin que le drame d'une plaie ne devienne pas une tragédie

Publié le 30/11/2017
JISP

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cicatrisation pansement plaie à la jambe

cicatrisation pansement plaie à la jambe

Trilogie Santé

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L'aventure de la plaie est loin d'être anodine. Il faut en effet  donner toutes les chances à l'effraction cutanée, quelle que soit son étiologie, afin que la cicatrisation se fasse au mieux et au plus vite tout en préservant jusqu'au bout le retour à l'intégrité de la peau lésée… Rappel de quelques ecommandations d'usage.

Au-delà de 6 semaines les plaies non cicatrisées sont dites chroniques. Elles sont parfois
désespérantes. Il faut donc tout faire en amont pour éviter de tomber dans la chronicité...

Pour paraphraser Raymond Vilain : « La plaie n’est rien ! » C’est une effraction du revêtement cutané qui fait communiquer le dehors avec le dedans. Elle peut être franche et linéaire (telle la plaie chirurgicale), contuse aux berges plus ou moins mâchées, avec ou sans décollement ou perte de substance. Ce peut être aussi une brûlure , la destruction cutanée induite répondant à la définition d’une plaie. L’inoculation est presque tout ! C’est la contamination par les germes que l’agent vulnérant introduit dans celle-ci que la gravité va se constituer. C’est notamment le cas des plaies telluriques (tétanos), des piqures végétales (phytotoxines), des morsures animales… On retiendra que les morsures humaines, du fait de la flore buccale poly-microbienne, sont les plus ‘‘contaminantes’’. Le terrain fait le reste ! L’inoculation permettra le développement d’une infection d’autant plus grave que le terrain sera fragilisé par un état général déficient, des comorbidités lourdes, une immunodéficience acquise ou induite, des conditions de survenue délétères comme les injections à haute pression, les extravasations de produits toxiques licites (antimitotiques, sérum hyper-osmolaire) ou non (drogues) mais aussi l’absence de vaccinations.

L'étape déterminante de la détersion…

Afin que le drame, qu’est une plaie, ne devienne une tragédie, trois règles simples sont à respecter :

  • n°1 : on ne trouve que ce que l’on cherche. On ne cherche que ce que l’on connaît ;
  • n°2 : il n’y a pas de petite chirurgie. Il n’y a que de petits chirurgiens ;
  • n°3 : toute plaie en regard d’un trajet vasculaire, nerveux, articulaire ou tendineux doit être explorée jusqu’à preuve de l’absence de lésions sous-jacentes.

Le parage de la plaie est un moment capital car il réalise la détersion première. Sa qualité conditionne en grande partie la suite et il doit être généreux, excisant tous les tissus contus, morts ou voués à la nécrose. Il réalise un trou plus ou moins vaste, et un trou propre vaut toujours mieux qu’un couvercle sale ! Cette plaie sera d’autant plus propre qu’elle sera lavée et relavée. Pour ce faire l’eau et le savon sont les alliés les plus simples et les plus sûrs.

La suite de l’aventure d’une plaie est la cicatrisation . Elle ne doit pas être entravée par des pratiques coupables. Certaines idées reçues ont la vie dure et sont difficiles à combattre. On redoutera particulièrement le recours à ‘‘la bande des quatre’’: eau de dakin, chlorhexidine, antiseptique iodé et antibiotiques.

  • l'eau de dakin est de l’hypochlorite de soude (eau de Javel), c’est une base forte (pH 11,4). Il ajoute à la plaie une brûlure caustique. Il ne doit pas être utilisé pour nettoyer les plaies conventionnelles mais uniquement les piqures anatomiques ou les accidents liés au sang ;
  • la chlorhexidine est un antiseptique des piscines ! Son usage est condamné par une circulaire européenne du 2 octobre 2013 (EU N°944/2013) concernant les produits à propriétés carcinogènes potentielles liées à la présence de phénols (2 anneaux de benzène). Et pourtant dans toutes les maternités de France et de Navarre les cordons sont nettoyés avec de la chlorhexidine ! ;
  • antiseptique iodé jaune est l’antiseptique de référence de la peau saine. Il est inactivée par les protéines plasmatiques, c’est-à-dire par le contenu de toute plaie ! La plaie doit être nettoyée à l’eau et au savon. Ce dernier peut être de Marseille ou être effectivement antiseptique iodé, mais alors de la rouge qui est un savon ! ;
  • les antibiotiques locaux n’ont plus leur place sur la plaie, ce ne sont ni des détergents ni des cicatrisants. Par voie générale, il faut différencier l’antibioprophylaxie par un flash per opératoire lors du parage d’une plaie très souillée et qui ne sera pas renouvelé, d’une antibiothérapie, traitement curatif prolongé d’une infection généralisée. Pour la plaie conventionnelle, les antibiotiques sont les anxiolytiques du médecin ignorant. Employés sans discernement par des générations de médecins, ils ont favorisé l’apparition des résistances multiples qui posent un véritable problème de santé publique pour les années à venir. Leur emploi systématique est coupable comme le souligne en 2010 la conférence de consensus de la société française d’Anesthésie Réanimation (SFAR).

Favoriser la cicatrisation...

La cicatrisation est un phénomène complexe dont la plaque tournante est le fibroblaste mais dont les trois phases, exsudative, proliférative et de remodelage, requièrent vascularisation et apport de matériaux cellulaire. On conçoit dès lors que l’intoxication tabagique, par la vasoconstriction qu’elle induit, perturbe la globalité du phénomène allant jusqu’à doubler le temps de cicatrisation cutanée, sans même évoquer les 80 000 morts annuels par cancer du poumon en France.

La cicatrisation peut se faire ‘‘per primam’’, c’est le cas de la plaie suturée dont la rançon cosmétique se veut minimale. Elle peut être secondaire par le biais d’une cicatrisation dite ‘‘dirigée’’ qui recourt à des pansements gras pro-inflammatoires réalisés toutes les 24 à 48 heures. Sa rançon cosmétique sera fonction de la surface à couvrir et de la nature de la perte de substance initiale. Enfin elle peut nécessiter le recours à du matériel exogène, greffe cutané ou mise en place de lambeaux de couverture.

Au-delà de 6 semaines les plaies non cicatrisées sont dites chroniques. Elles sont parfois désespérantes. Certaines sont bien connues et leur traitement, bien que souvent longs et délicats, bien codifiés. Ce sont les ulcères veineux ou artériels , les maux perforant diabétiques et une dernière pathologie d’origine vasculaire (microcirculation) : les escarres de décubitus . Certaines plaies chroniques plus rares doivent aussi être connues. Ce sont :

  • les extravasations, déjà évoquées plus haut et qui requiert une grande réactivité (10 minutes) si l’on veut en amoindrir les effets ;
  • les radiodermites , voire les ostéo-radio-nécroses, consécutives aux irradiations importantes (cancers du sein). Elles sont de plus en plus rares grâce aux avancées de la radiothérapie. La cicatrisation dirigée peut parfois à elle seule en venir à bout. Dans le cas contraire une couverture par lambeau s’avère nécessaire ;
  • les gelures, trop souvent identifiées de façon simpliste aux brûlures, lorsqu’elles sont profondes, sont des lésions graves pouvant conduire à des amputations. Leur cicatrisation est parfois lente et difficile du fait de la pauvreté vasculaire des tissus en cause ;
  • les plaies dans le contexte d’une immunosuppression iatrogène (chimiothérapie) ou acquise, sont désespérantes de lenteur cicatricielle mais si les éléments concourant à cette cicatrisation sont diminués de façon parfois considérable, ils sont présents et peuvent donc conduire à la cicatrisation mais dans des délais très allongés ;
  • les GVH, réactions du greffon contre l’hôte (greffes de moelle osseuse) sont cliniquement assez comparables aux lésions observées dans l’épidermolyse bulleuse dystrophique congénitale. Les phlyctènes observées sont équivalentes aux conséquences d’une brulure du second degré et nécessite une cicatrisation dirigée prolongée dans un contexte toujours difficile.

Préserver jusqu'au bout le retour à l'intégrité de la peau lésée...

Quel qu’en soit le mode, la cicatrisation présente une rançon : la cicatrice. Elle est indélébile et son évolution dans le temps est imprévisible. Elle doit être discrète, fine, élastique, et non dischromique. Après une phase inflammatoire maximale vers le 45ème jour, l’aspect définitif de la cicatrice est lié à sa maturation. Celle-ci est de l’ordre de 12 mois chez l’adulte, plutôt 18 mois chez l’enfant. Une phase inflammatoire plus active et prolongée conduit à des cicatrices dites hypertrophiques dont la maturation s’étend souvent sur 18 à 24 mois (enfants, brulures). Une phase inflammatoire qui ne rétrocède pas, voire s’accentue peut conduire à une cicatrice chéloïde qui n’est pas que l’apanage de la peau noire. Véritable tumeur cutanée son traitement est alors particulièrement difficile.

Pr François MoutetDr Denis CorcellaDr Alexandra ForliDr Mickaël BouyerDr M. AribertUnité de Chirurgie de la Main et des BrûlésCHU de Grenoble

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts d'aucune sorte.

Journée iséroise des soins des plaies

Pour écouter le Pr François Moutet sur cette question du « Drame des plaies », vous pouvez participer, le mardi 12 décembre 2017, World Trade Center de Grenoble, de 9h à 17h, à la 1ère édition de la Journée iséroise des soins de plaies.  Cette journée s'adresse à tous les professionnels de santé médecins, pharmaciens, paramédicaux… concernés par les soins des plaies. Au programme : ulcères veineux et artériels, plaies de la personne âgée, pied diabétqiue…. Journée de formation co-organisée par Suite de Soins, spécialiste de la cicatrisation et Trilogie Santé.


Source : infirmiers.com