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AES : vers une réglementation européenne pour protéger les IDEL ?

Publié le 22/05/2018
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Le réseau européen de biosécurité a organisé une table ronde, fin mars, sur le thème des accidents d’exposition au sang (AES) et, plus précisément, sur la législation européenne et la réglementation en matière de dispositifs médicaux. L’occasion, pour la Fédération nationale des infirmiers (FNI) de rappeler que les IDEL ne sont toujours pas protégés contre ce risque pourtant quotidien. Merci pour ce partage !

Hospitaliers ou libéraux, l’ensemble des soignants exposés aux accidents d’exposition au sang (AES) devraient bénéficier de la même protection. C’est, en substance, le message porté par Maryse Guillaume, vice-présidente de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), le 28 mars dernier au Parlement européen (Bruxelles), lors d’une rencontre au cours de laquelle ont pu échanger des représentants des institutions européennes et des professionnels de santé ainsi que des industriels du dispositif médical.

Quid des libéraux ?

Ainsi le stress mais aussi la routine, une charge de travail importante et parfois même une méconnaissance des risques favorisent également la survenue d’un AES lors de l'exercice libéral infirmier.

La directive européenne 2010/32/UE portant accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets tranchants – transposée dans le droit français en 20131 – concerne uniquement les travailleurs et les employeurs des secteurs de la prévention et des soins. À ce jour, aucun texte ne prévoit la protection des infirmières libérales. Pourtant, étant donné la diversité des patients susceptibles de faire l’objet de soins à domicile, les IDEL figurent parmi les professionnels de santé les plus exposés aux AES, rappelle Maryse Guillaume, elle-même victime d’un AES en 2012. En France, pour 80 % d’actes invasifs effectués en milieu hospitalier, le taux d’accidents d’exposition au sang est inférieur à 10 % tandis que, pour seulement 20 % d’actes invasifs effectués en ville, 62 % d’AES sont déclarés par les infirmières libérales 2.

Favoriser l’accès à un matériel sécurisé

Plusieurs facteurs expliquent cette situation. D’abord le coût des dispositifs médicaux sécurisés. Ce matériel, plus onéreux, diminue d’autant la rémunération d’un acte. Si l’Assurance maladie incluait ce coût dans la valeur des actes, le nombre d’AES chez les libéraux serait sûrement moins élevé, insiste Maryse Guillaume.

Autre explication avancée par la vice-présidente de la FNI : le matériel pas toujours adapté mis à disposition des infirmières libérales notamment les aiguilles à insuline, les kits de prélèvement des laboratoires de biologie médicale, les vaccins... En outre, les collecteurs sont inadaptés au transport dans le véhicule du professionnel. Il n’est pas rare que les containers à DASRI , qui ne possèdent pas une fermeture sécurisée adaptée au transport, se renversent, multipliant ainsi le risque d’AES.

Enfin, parmi les facteurs aggravant le risque d’accident d’exposition au sang, il y a les conditions de travail. Le domicile du patient n’est pas toujours propice à la réalisation d’un acte invasif, estime Maryse Guillaume. Cela peut engendrer un stress qui peut conduire à se piquer, se couper... Ainsi le stress mais aussi la routine, une charge de travail importante et parfois même une méconnaissance des risques favorisent également la survenue d’un AES.

Qu’entend-on par AES ? 

Un accident exposant au sang (AES) est défini par le Groupement d’étude sur le risque d’exposition aux soignants d’agents infectieux (Geres) comme tout contact avec du sang ou un liquide biologique contenant du sang et comportant soit une effraction cutanée (piqûre ou coupure), soit une projection sur une muqueuse (œil, bouche) ou sur une peau lésée. Enfin, le Geres précise que les accidents qui surviennent dans les mêmes circonstances mais avec d’autres liquides biologiques tels que sécrétions génitales, liquide cérébro-spinal (LCS), synovial, pleural, péritonéal, péricardique, amniotique doivent être considérés comme potentiellement contaminants, et ce même s’ils ne sont pas visiblement souillés de sang comme un AES.

Source : Geres

Une même protection pour tous

Durant cette table ronde où siégeaient des représentants des instances européennes, la FNI a appelé le Parlement européen qui joue un rôle majeur dans la définition des normes de sécurité, à se saisir de ce sujet et à engager une réflexion pour imposer aux États d’offrir la même protection à tous les soignants et ce, quel que soit leur statut, précise Maryse Guillaume. La généralisation des dispositifs médicaux sécurisés est un enjeu pour les soignants, pour la qualité et pour la sécurité des soins. Et de conclure : Lorsque nos tutelles, ministères ou Assurance maladie, veulent apporter une aide compensatoire à des professionnels de santé, ils savent débloquer les fonds nécessaires…

« La voix des IDEL françaises doit se faire entendre au niveau européen »

L’European federation of nurses associations (EFN) a été fondée en 1971 pour défendre la profession infirmière auprès des institutions européennes. Elle représente, aujourd’hui, plus de trois millions d’infirmières et trente-six associations nationales d’infirmières réparties sur le territoire européen. Son secrétaire général, Paul De Raeve, estime que la directive européenne sur la prévention des blessures par objets tranchants doit s’appliquer à la profession dans son ensemble.

Gersende Guillemin - Quelles solutions mettre en place pour que les infirmières libérales aient accès à une meilleure protection contre les AES ?

Paul De Raeve - Je ne crois qu’il faille imaginer de nouvelles solutions. Il faut s’appuyer sur la directive de 2010 portant sur un accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets tranchants et la faire évoluer pour que les gouvernements nationaux n’imposent pas uniquement aux seuls établissements de santé la mise en place de mesures de protection pour leurs salariés, comme a choisi de le faire la France au moment où elle a transposé la directive dans sa loi en 2013. Mais elle était dans son droit car la directive n’impose pas cette règlementation européenne aux professionnels de santé libéraux. Lorsque la discussion a été menée autour de cette directive au niveau européen, la profession d’infirmière libérale n’était pas représentée.

G. G. - Quelle serait la marche à suivre ?

P. D. R. - La France est probablement l’État membre de l’Union européenne où les infirmières libérales sont les plus organisées et les plus nombreuses. Elle est, de fait, la plus concernée. Mais, pour cela, il faut que la profession se saisisse de cette problématique. Il faut alerter les pouvoirs publics français sur le sujet et sensibiliser les eurodéputés pour qu’ils portent, eux aussi, le débat sur la place européenne. Car le sujet est extrêmement important et la revendication plus que légitime.

À savoir

Dans la version 2 de la charte Qual’Idel, il a été inséré une fiche très détaillée sur la conduite à tenir en cas d’AES. Le document peut être imprimé et apposé dans les cabinets de soins infirmiers ou glissé dans une mallette de soins. Tous les infirmiers qui ont adhéré à la démarche qualité y ont accès.

Notes

  1. Décret n°2013-607 du 9 juillet 2013 relatif à la protection contre les risques biologiques auxquels sont soumis certains travailleurs susceptibles d'être en contact avec des objets perforants.
  2. Enquête Baromètre santé réalisée pour les JNIL 2017 et présenté lors d’une table ronde sur les AES .

Gersende GUILLEMIN

Cet article est paru dans la revue de la FNI Avenir & Santé du mois de mai 2018 (p. 34/35).


Source : infirmiers.com