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GRANDS DOSSIERS

Administration médicamenteuse : quel enseignement ?

Publié le 20/05/2014
Revue SOINS n° 784 - avril 2014

Revue SOINS n° 784 - avril 2014

Les axes pédagogiques du projet d

Les axes pédagogiques du projet d

distribution de médicaments infirmière

distribution de médicaments infirmière

L’administration du médicament est une activité quotidienne de l’infirmière. Elle nécessite des savoirs, une pratique gestuelle adaptée et surtout des capacités d’analyse critique. Les missions des instituts de formation sont la transmission de valeurs professionnelles, l’accompagnement dans l’acquisition des savoirs ainsi que l’analyse des pratiques soignantes. Cette dernière est un levier dans la prévention des erreurs et doit être poursuivie tout au long de la vie professionnelle.

L'administration du médicament nécessite des savoirs, une pratique gestuelle adaptée et surtout des capacités d’analyse critique

En milieu intrahospitalier ou extrahospitalier, les activités de soins évoluent et les instances de contrôle s’adaptent à cette mouvance. La Haute Autorité de santé (HAS) élabore les recommandations de bonnes pratiques à l’usage des professionnels de santé1. La Direction générale de l’organisation des soins (DGOS) donne les directives relatives au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse dans les établissements de santé2. L’infirmière diplômée d’État (IDE) en exercice professionnel développe ses compétences grâce à la rencontre et à l’analyse de situations de soins complexes et variées telles que la gestion des médicaments.

Enseigner l’administration des thérapeutiques en formation initiale

La formation initiale en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) est un dispositif d’alternance intégrative, comme décrit dans l’annexe III du référentiel de formation : elle met en place une alternance entre l’acquisition de connaissances et de savoir-faire reliés à des situations professionnelles, la mobilisation de ces connaissances et savoir-faire dans des situations de soins, et, s’appuyant sur la maîtrise des concepts, la pratique régulière de l’analyse de situations professionnelles 3. La théorie est au service de la pratique et inversement : c’est ce que Gérard Malglaive, spécialiste des sciences de l’éducation, décrit comme l’alternance réelle ou intégrative : ce sont des interactions entre savoirs théoriques et pratiques, l’apprenant se les approprie, les construit et les transforme en compétences professionnelles 4.

Acquérir les notions de base

La première étape consiste à comprendre les notions de base en pharmacologie et les familles thérapeutiques.

L’unité d’enseignement “Pharmacologie et thérapeutiques” (UE 2.11)5 est enseignée sur 3 semestres de la formation en coresponsabilité avec l’université. La pharmacodynamie, la pharmacocinétique, les formes galéniques, le circuit du médicament sont des savoirs du semestre 1. En deuxième année, les étudiants intègrent toutes les classes pharmaceutiques nécessaires à la prise en soins du patient. Le dernier semestre est ciblé sur la réglementation des médicaments, les cliniques, les thérapeutiques parallèles… À l’Ifsi, les travaux dirigés (TD) permettent aux étudiants d’intégrer les savoirs universitaires à partir de situations cliniques. Lors de ces TD, les étudiants appliquent leurs savoirs grâce au formateur qui les accompagne. Celui-ci illustre, à partir de la pratique infi rmière, l’intérêt des thérapeutiques, les éléments de surveillance concernant l’efficacité et la iatrogénie des thérapeutiques. Les situations cliniques utilisées permettent aux étudiants de faire les liens entre les processus et les thérapeutiques. Par exemple, les anticoagulants tels que l’héparine sont exploités par des situations cliniques traitant des thromboses veineuses profondes et des thromboses artérielles comme le syndrome coronarien aigu, l’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique…

Tous ces éléments permettent aux étudiants de repérer les familles thérapeutiques, leurs moyens d’action et leurs interactions. L’administration médicamenteuse auprès du bénéficiaire de soins comprend aussi le raisonnement numérique à partir de la prescription médicale.

Intégrer le raisonnement

La deuxième étape vise à agir en intégrant le raisonnement pour mettre en oeuvre une prescription médicale.

Source : projet d'enseignement de mathématiques IFSI René-Auffray (AP-HP,92)

L’Ifsi forme l’étudiant à la pratique gestuelle de la mise en oeuvre d’une prescription médicale : lecture de la prescription pour choisir et utiliser le matériel adapté selon les recommandations de bonnes pratiques, et réaliser le calcul de doses. Cette pratique est l’objet d’apprentissage de l’UE “Thérapeutiques et contribution au médicamenteuse auprès du bénéficiaire de soins comprend aussi le raisonnement numérique à partir de la prescription médicale diagnostic médical”, dans laquelle est intégrée l’activité numérique. Il s’agit d’enseigner les calculs en lien avec les prescriptions médicales sur les cinq premiers semestres de la formation. Le projet de mathématiques (voir tableau ci-dessus) permet un apprentissage progressif avec une évaluation à chaque semestre. L’étudiant mesure ainsi ses acquisitions sur le calcul tout au long de la formation.

Une fois les savoirs acquis, il est nécessaire que l’étudiant développe un esprit critique sur la lecture de prescription médicale.

Affiner le raisonnement clinique 

La troisième étape a pour objectif de comprendre et d’agir en développant de la rigueur dans le raisonnement critique d’une prescription médicale.

Lors des séances pédagogiques, les étudiants sont accompagnés dans l’exercice de compréhension et d’analyse de prescription médicale, comme cela est dit dans les règles professionnelles (article R4312-29 du Code de la santé publique)6 : L’IDE applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée… Il vérifie la date de péremption et le mode d’emploi des produits ou des matériels qu’il utilise. Il doit demander au médecin prescripteur un complément d’information à chaque fois qu’il le juge utile. L’infirmière est responsable des actes qu’elle administre au patient et si elle a un doute, elle en réfère au médecin afin d’obtenir des précisions sur la prescription médicale. Elle comprend la prescription et est en capacité de repérer des anomalies. Cette capacité d’analyse est, pour une infirmière, une activité permanente.

L’analyse dans la formation infirmière

Lors des activités pédagogiques, les étudiants sont accompagnés pour analyser les prescriptions qui leur sont proposées afin d’effectuer des calculs. Lors des stages, ils sont encadrés par les professionnels qui valident la compréhension des prescriptions et des calculs avant de mettre en oeuvre les thérapeutiques auprès du patient. Ils sont guidés dans l’appropriation de l’analyse, indispensable dans le métier d’infirmier. L’analyse, selon Margot Phaneuf, spécialiste en sciences infirmières, est une démarche de pensée, une manière de regarder ce que nous faisons, de l’approfondir, d’en disséquer les parties, d’en considérer les détails pour aboutir à son amélioration 7.

Après avoir été formé en équipe pédagogique à la méthode d’analyse de pratiques professionnelles, cette méthodologie est appliquée avec les étudiants une fois par an à l’Ifsi, lors de leur retour de stage. Il faut ajouter également l’analyse de pratique sur le portfolio qui permet à l’étudiant de s’approprier l’analyse de situation qui est individuelle. Il peut ainsi développer la “posture réflexive” attendue pour tout professionnel3.

Lors de groupes d’analyse de pratique professionnelle, un étudiant expose son expérience avec un questionnement. Ses pairs, guidés par le formateur, l’interrogent sur la compréhension de la situation puis proposent des hypothèses de réponses. Au regard de son vécu, l’étudiant choisit des réponses lui correspondant afin, lors d’une prochaine situation similaire, d’agir différemment. Au final, il est en mesure d’enrichir sa pratique et de développer un savoir-agir durable.

Le rôle de formateur ne comprend pas seulement la transmission de savoir. Il s’agit aussi de guider les étudiants pour développer leur propre savoir et être réflexif dans les situations professionnelles afin de construire leur identité professionnelle. Cependant, le risque zéro n’existe pas et les étudiants font part de leurs expériences d’erreur.

L’erreur médicamenteuse en apprentissage

De retour de stage, les étudiants relatent, parfois, leurs erreurs en lien avec l’administration médicamenteuse. Les événements indésirables graves (EIG) ont pour troisième cause, les médicaments8. L’erreur doit être utilisée comme un outil de formation pour les professionnels de santé, comme le propose le film Que reste-t-il de nos erreurs de Nils Tavernier9. Ce film nous enseigne que l’erreur est liée à un contexte et qu’elle est rarement du fait d’une seule personne. La nécessité de signaler l’erreur, même minime, est indispensable afi n de la comprendre, de l’analyser et d’éviter qu’elle ne se reproduise. L’erreur renvoie à la responsabilité individuelle mais aussi collective : elle doit être dite par les soignants mais aussi transmise au soigné afin de maintenir la confiance dans la relation soignant/soigné.

Conclusion

Le cadre formateur doit amener l’étudiant à acquérir des savoirs solides pour son exercice professionnel futur et développer la compétence transverse d’analyse. Il collabore avec les cadres de proximité afin de développer un partenariat bénéfique pour les étudiants et pour les patients, qui attendent des soins de qualité dans des conditions de sécurité optimale. L’analyse des pratiques professionnelles sur le terrain est à promouvoir pour le développement des compétences individuelles et collectives. 

Les points à retenir

  • L’administration thérapeutique demande des savoirs théoriques, des gestuelles, un raisonnement numérique ainsi que l’analyse critique des prescriptions.
  • La formation initiale est co-responsable avec les acteurs du terrain de la qualité et de la sécurité des soins exercée par les étudiants auprès des patients.
  • L’analyse des pratiques professionnelles permet de comprendre les erreurs et de démontrer qu’elles dépendent de phénomènes individuels et collectifs. L’erreur doit être dite pour être analysée afin d’éviter qu’elle ne se reproduise.

Références

  1. sante.gouv.fr
  2. Circulaire n°DGOS/PF2/2012/72 du 14 février 2012
  3. Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’Etat d’infirmier, annexe III, paru au bulletin officiel n°2009/7 du 15 août 2009, 
  4. Malglaive G. Alternance et compétences. Les cahiers pédagogiques 1993;320.
  5. Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’Etat d’infi rmier, annexe V, paru au bulletin offi ciel n°2009/7 du 15 août 2009,
  6. Art R4312-1 à R 4312-32 du Code de la santé publique,
  7. Phaneuf M. L’analyse des pratiques professionnelles : un outil d’évolution,
  8. Michel P. et al. Enquête nationale sur les événements indésirables grave associés aux soins observés dans les établissements de santé. Dossier solidarité et santé, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) 2010 ;17,
  9. Tavernier N, Rabier G. Que reste-t-il de nos erreurs ?, DVD, octobre 2012.

Sandrine LESCURE-VERDON  Cadre de santé formateur  Ifsi René-Auffray, Clichy (92)  sandrine.verdon@dfc.aphp.fr

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.


Source : infirmiers.com