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LEGISLATION

Accès partiel à la profession infirmière : vers des soins « low cost » ?

Publié le 25/01/2017
affiche ONI

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L'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé a été publié le 20 janvier 2017 dans le Journal Officiel. Elle autorise notamment l'accès partiel aux professions de santé, une mesure largement décriée par les infirmiers. Explications.

Une ordonnance qui transpose une directive européenne autorise l'accès partiel aux professions de santé.

« Soins low cost », « ubérisation aussi dramatique qu'inconsciente », « grave menace sur la qualité des soins »… Les qualificatifs employés par les organisations infirmières pour évoquer l'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé ne sont guère élogieux. Publié dans le Journal Officiel le 20 janvier 2017, ce texte transpose la directive européenne 2013/55/UE du 20 novembre 2013 qui vise, entre autres, à faciliter la mobilité des professionnels au sein de l'Union Européenne . Ainsi, un accès partiel à une activité professionnelle peut être accordé au cas par cas lorsque trois conditions sont remplies :

  • le professionnel est pleinement qualifié pour exercer, dans l'État d'origine membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'activité professionnelle pour laquelle il sollicite un accès en France ;
  • les différences entre l'activité professionnelle légalement exercée dans l'État d'origine et la profession correspondante en France sont si importantes que l'application de mesures de compensation reviendrait à imposer au demandeur de suivre le programme complet d'enseignement et de formation requis pour avoir pleinement accès à la profession en France ;
  • l'activité professionnelle pour laquelle l'intéressé sollicite un accès peut objectivement être séparée d'autres activités relevant de la profession en France ; l'autorité compétente française (un service de l'État) tient compte du fait que l'activité professionnelle peut ou ne peut pas être exercée de manière autonome dans l'État membre d'origine.

Nous nous opposons à ce qui constitue une déréglementation scandaleuse et irresponsable de l'accès aux professions de santé dans une logique de nivellement par le bas et de dépréciation de la qualité des soins - Didier Borniche, président de l'ONI

Le professionnel pourra ainsi exercer sous le titre professionnel de l'État d'origine et sera habilité à effectuer certains actes mentionnés dans le tableau de l'Ordre. Il dispose par ailleurs des mêmes droits, est soumis aux mêmes obligations et encourt les mêmes responsabilités civiles, disciplinaires et pénales que les professionnels habituellement autorisés à exercer. Mais cette ordonnance est loin de faire l'unanimité auprès des professionnels de santé.

Même si l'accès partiel peut être refusé, pour Thierry Amouroux , secrétaire général du Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI), le ministère de la Santé va toujours plus loin dans sa recherche d’économies […] Après les glissements de tâches, ils inventent le "séquençage des activités" pour permettre un "exercice partiel" des professions de santé. Le syndicat Convergence infirmière estime quant à lui qu'il s'agit d'une ubérisation aussi dramatique qu'inconsciente, puisqu'elle intéressera et réjouira tous ceux qui favorisent déjà les glissements des tâches dans les structures afin de réaliser de substantielles économies -donc des profits- en prodiguant des soins à bas coût !. Le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) juge que cette décision crée une insécurité sanitaire totale pour les patients, qui auront sans doute bien du mal à faire la différence entre des professionnels à exercice complet ou à exercice partiel et craint une baisse dans la qualité des soins, notamment infirmiers, puisque seuls les infirmiers diplômés d'État sont formés à la prise en charge globale du patient et ont compétence à voir l'intégralité du patient.

De son côté, l'Ordre National des Infirmiers, qui s'était insurgé et avait lancé une campagne de communication très visuelle contre le projet d'ordonnance en octobre 2016 , indique qu'il fera tout pour empêcher l'application de ce texte qui constitue une menace grave pour la qualité des soins. Il juge que cela porterait atteinte à la qualité et la sécurité des soinsNous nous opposons à ce qui constitue une déréglementation scandaleuse et irresponsable de l'accès aux professions de santé dans une logique de nivellement par le bas et de dépréciation de la qualité des soins, martèle Didier Borniche, président de l'Ordre. Quel est le sens dans ce contexte de l'intégration de la profession infirmière dans le processus Licence-Master-Doctorat ? Veut-on pour de basses raisons d'économies introduire des soins low-cost réalisés par des professionnels sous-qualifiés et sous-payés ?. L'ONI rappelle également que les commissions des affaires européennes de l'Assemblée Nationale et du Sénat ont rendu des avis défavorables à l'accès partiel. Un recours au Conseil d'État va notamment être prochainement déposé par l'ONI.

Nous refusons de voir arriver des métiers intermédiaires entre aide-soignant et infirmière, type « auxiliaire en plaie et cicatrisations » ou « assistant de soins en diabétologie », qui ne reposeraient sur aucune formation française. - Thierry Amouroux, secrétaire général du SNPI

Par ailleurs, les infirmiers ne sont pas les seuls à monter au créneau. Dans un communiqué de presse commun, neuf organisations professionnelles font part de leur désaprobation. C'est un risque majeur pour la qualité des soins aux patients qui sont en droit d'attendre d'un professionnel de santé qu'il soit pleinement qualifié et en mesure d'assurer une prise en charge globale, estiment-elles. Et d'ajouter que protéger les patients contre les dangers de l’accès partiel est indispensable pour cela, la transposition doit exclure toutes les professions de santé sans exception et nos organisations syndicales mettront en oeuvre tous les moyens juridiques à leurs dispositions pour assurer la sécurité des patients.

En octobre dernier, le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) avait lui aussi émis un avis défavorable au projet d'ordonnance transposant la directive européenne, ce qui n'a pas empêché la publication du texte. Le ministère de la santé a d'ailleurs précisé que cette décision est imposée par l'Europe. Toutefois, pour être appliquée, cette ordonnance devra faire l'objet d'un décret en Conseil d'État. Les textes d'application des ordonnances devant être pris dans un délai maximal de six mois, il est encore temps pour les professionnels de santé de se mobiliser pour garantir la qualité et la sécurité des soins et préserver leur exercice.

Ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé

Aurélie TRENTESSE Journaliste Infirmiers.com aurelie.trentesse@infirmiers.com @ATrentesse


Source : infirmiers.com