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LEGISLATION

Accès partiel aux professions de santé : le HCPP dit non !

Publié le 28/10/2016

Le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) a donné le 27 octobre 2016 un avis défavorable au projet d'ordonnance qui transpose une directive européenne permettant l'exercice d'une partie seulement des activités d'une profession de santé dans un autre pays de l'union.

Accès partiel aux professions de santé : lever de bouclier des organisations de paramédicaux

L'article 216 de la loi de santé du 26 janvier 2016 a autorisé le gouvernement à prendre, dans un délai d'un an, une ordonnance transposant la directive européenne 2013/55/UE, qui vise notamment à faciliter la mobilité des professionnels. Cette directive est entrée en vigueur le 17 janvier 2014 et la France avait en principe jusqu'au 18 janvier 2016 pour la transposer. Son article 4 septies dispose que chaque Etat membre accorde un accès partiel au cas par cas à une activité professionnelle réglementée sur son territoire sous certaines conditions. Cela peut être le cas lorsque les contours de l'activité exercée dans l'Etat d'origine et l'Etat d'accueil sont si différents que les mesures de compensation (enseignements complémentaires, stages...) reviendraient à imposer au demandeur un programme complet d'enseignement et de formation. L'article ne s'applique pas aux professionnels qui bénéficient de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles. L'activité demandée en "accès partiel" doit pouvoir objectivement être séparée d'autres activités relevant de la profession réglementée dans l'Etat membre d'accueil. Celui-ci peut refuser la demande du professionnel en invoquant des raisons impérieuses d'intérêt général.

Le ministère des affaires sociales et de la santé a présenté un premier projet d'ordonnance de transposition en mai. Il prévoit la délivrance d'autorisation d'exercice partiel pour l'ensemble des professions de santé, dans des conditions à fixer par décret. Les conditions devant être remplies pour bénéficier de l'accès partiel de même que la faculté de refuser une demande pour des raisons impérieuses d'intérêt général ont été transposées intégralement, note le gouvernement dans une fiche de présentation. Depuis mai, le texte a soulevé l'opposition de nombreuses organisationsmais a été peu modifié sur le fond, constate-t-on. La version présentée au HCPP prévoit cependant que les ordres donnent un avis sur chaque demande d'exercice partiel adressé à l'"autorité compétente" (un service de l'Etat qui varie suivant les professions). De plus, dans les deux ans suivant la publication des décrets d'application, le gouvernement devra présenter un rapport permettant d'évaluer la mise en oeuvre du mécanisme de l'accès partiel aux professions de santé. Il devra être présenté aux ordres des professions de santé ainsi qu'au HCPP.

Le HCPP a donné un avis défavorable à ce projet d'ordonnance à une très large majorité (23 voix contre - dont tous les syndicats -, aucune voix pour, trois abstentions)

Le Haut conseil (qui réunit des syndicats, ordres, associations professionnelles...) avait d'abord abordé le projet d'ordonnance le 22 septembre, suscitant déjà de longs débats, puis il y a consacré une heure et demie jeudi, a rapporté Annick Picard, qui siège pour la CGT. Le HCPP a donné un avis défavorable à une très large majorité (23 voix contre - dont tous les syndicats -, aucune voix pour, trois abstentions), a-t-elle précisé. Dans une déclaration faite au Haut conseil, la CGT, FO et SUD citent le projet d'"accès partiel" parmi les motifs pour lesquels ils appellent les fonctionnaires hospitaliers à la grève mardi 8 novembre. Pour eux, la volonté du gouvernement de déstabiliser les professions reconnues légalement est inacceptable et cela d'autant plus que les conditions prévues dans le texte sont dangereuses pour les patients.

La CGT a aussi fait une déclaration spécifique, décrivant un texte hallucinant. La transposition de cette directive est une 'occasion en or' pour accompagner toutes les restructurations, toutes les mesures de restrictions budgétaires imposées aujourd'hui à notre système de santé. Cet exercice partiel vient compléter la notion de compétences déjà adoptée qui saucissonne nos métiers, individualise le poste de travail et par la même occasion la rémunération, pointe le syndicat.

L'ordre national des infirmiers considère que l'accès partiel reviendrait à introduire une inégalité majeure entre les professionnels titulaires d'un diplôme délivré en Europe et les titulaires du diplôme d'Etat français.

Une "déréglementation scandaleuse" pour l'ordre national des infirmiers

Dans un communiqué du mercredi 26 novembre dernier, l'Ordre national des infirmiers (ONI) prévient "qu'à défaut de modification du projet d'ordonnance, il usera de toutes les voies y compris contentieuses pour s'y opposer." Il dénonce une déréglementation scandaleuse et irresponsable de l'accès aux professions de santé dans une logique de nivellement par le bas et de dépréciation de la qualité des soins. Il voit dans ce texte un risque majeur. Une professionnelle qui serait dénommée 'infirmière' dans son pays pourrait venir exercer en France comme 'infirmière' alors même qu'elle n'aurait pas été formée et n'aurait donc aucune compétence pour réaliser certains des actes infirmiers reconnus en France dans le cadre réglementaire de compétences, analyse l'ONI. Pour les patients, cela rendrait l'offre de soins totalement opaque et incompréhensible car ils n'auraient aucun moyen de distinguer les professionnels [en accès partiel] et de connaître leurs champs de compétences. L'ordre infirmier considère que l'accès partiel reviendrait à introduire une inégalité majeure entre les professionnels titulaires d'un diplôme délivré en Europe et les titulaires du diplôme d'Etat français. Ces derniers sont obligés de détenir toutes les compétences requises au titre du référentiel du diplôme d'Etat, à défaut ils peuvent faire l'objet d'une procédure de contrôle de l'insuffisance professionnelle entraînant une suspension voire une interdiction d'exercer comme infirmier. Pourquoi les titulaires de diplômes étrangers échapperaient quant à eux à ce contrôle ?, demande l'ONI. Il juge aussi que le projet d'ordonnance outrepasse largement ce que la directive prévoit.

La Fédération nationale des infirmiers (FNI) estime, dans un message publié le 25 octobre sur son site internet, que l'accès partiel créerait "un boulevard pour une profession intermédiaire entre aide-soignant et infirmier". Bienvenue aux hygiénistes roumains, aux auxiliaires de plaies et cicatrisations polonais et aux assistants de soin en diabétologie de tout poil, raille-t-elle. Faut-il avoir du cirage dans le ciboulot pour ne pas voir se profiler la multiplication des pratiques pour le moins inquiétantes pour la qualité et la sécurité des soins... et désastreuses pour nos entreprises libérales ?, tance la FNI.

Le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI-CFE-CGC) s'est aussi élevé contre le texte sur son site internet le 18 octobre. Pour lui, le ministère de la santé va toujours plus loin dans sa recherche d'économies [en proposant] des soins à la découpe. Il critique une uberisation qui ne peut qu'attirer tous ceux qui favorisent déjà les glissements de tâches dans leurs établissements, afin de réaliser des économies par des soins low cost.

Le ministère des affaires sociales et de la santé n'a pas voulu faire de commentaires avant que le Conseil d'Etat, qui est saisi sur le projet d'ordonnance, rende son avis.


Source : infirmiers.com