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Accès et équité aux soins : de la théorie à la pratique

Publié le 31/05/2011

Les infirmiers ont un rôle à jouer pour réduire les inégalités d'accès et d'équités aux soins. A l'initiative de l'Anfiide (Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et étudiants), ils en ont témoigné, le 12 mai dernier, lors de la Journée internationale des infirmières dédiée à ce sujet.

Chaque année, à l'occasion de la Journée internationale des infirmières1 initiée par le CII (Conseil International des Infirmières)2, l'Anfiide (Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et étudiants)3 apporte sa contribution à la thématique choisie qui, pour 2011 était : « Combler l'écart : améliorer l'accès et l'équité ». L'association a donc réuni le témoignage de trois soignants qui œuvrent au quotidien dans cet esprit.

Brigitte Lecointre, présidente de l’ANFIIDE, l'a affirmé à cette occasion : « La précarité touche en France près de 7,9 millions de personnes : sans papiers, migrants, personnes âgées, sans domicile fixe, travailleurs en rupture de contrat, chômeurs...

Aux facteurs socio-économiques viennent s’ajouter la désertification médicale ainsi qu’une inégale répartition des infirmiers sur le territoire. Ces derniers, véritables témoins privilégiés de la précarité de par leurs exercices professionnels multiples ont donc un rôle important à jouer. Professionnels de santé engagés, ils favorisent et maintiennent les liens entre les individus, les familles, les communautés, l’environnement social et médical en travaillant de façon autonome et collégiale pour préserver et restaurer la santé.

Mais au-delà, comment peuvent-ils aujourd'hui œuvrer pour un meilleur accès aux soins ? Il faut insister sur la nécessité d’une formation efficace et pertinente prenant en compte les particularités culturelles, d’un renforcement des compétences et de l’intérêt de partager des compétences avec des acteurs de santé de culture différentes et des professionnels des secteurs médico-sociaux au profit des personnes en grande précarité avec des parcours de soins complexes, de développer et d’encourager la prescription infirmière.

L’apparition de nouveaux rôles infirmiers constitue donc une stratégie importante d’amélioration de l’accès à de nombreux services de santé : l’émergence d’infirmières spécialisées (diabétologie, oncologie, santé mentale…), le renforcement des rôles d’infirmières cliniciennes, le développement de la consultation infirmière, de la consultation en éducation thérapeutique et de la consultation en éducation pour la santé. »

Mistral : un réseau Ville-Hôpital

Marie-Laure Daher Massia, infirmière de consultation d’aide à l’observance au sein du réseau Ville-Hôpital marseillais « Mistral »4 a apporté son expérience de terrain en matière de précarité. « Cette structure de soins prend en charge des personnes séropositives à l’infection VIH, souvent isolées socialement, et dont l'état de santé somatique et psychologique est précaire.

Peu d’entre elles exercent une activité professionnelle, moins de la moitié a des contacts réguliers avec un entourage familial et les difficultés de logement (expulsion, hébergement d’urgence...) sont fréquentes. Presque la moitié de ces personnes sont co-infectées par les virus des hépatites B ou C, à cause notamment de conduites addictives (drogues) ».

Le réseau « Mistral » met à disposition de ces patients en difficulté différents dispositifs : éducation thérapeutique, nutrition, entretiens avec un psychologue, ostéopathie... « Si ces personnes apprécient de venir au réseau, c’est probablement parce que l’offre de soins y est singulière, adaptée à leur état de vulnérabilité...poursuit l'infirmière.

Ici, nous travaillons sans blouse blanche et le lieu se veut convivial. L’accent est mis volontairement sur la façon dont on va rencontrer l’autre, dans l’absence de jugement. En tout cas l’accueil, l’écoute, la chaleur font partie des valeurs reconnues par les patients comme un soutien à supporter "tout le reste" ».

Derrière cette expression, on peut imaginer la difficulté à porter le statut de « séropositif » et à le cacher le plus souvent pour éviter une trop lourde stigmatisation. « De fait, poursuit Marie-Laure Daher Massia, nous sommes souvent les seuls à connaître leur état, ce qui resserre encore nos liens.

Il y a aussi la lourdeur des traitements qui impactent la qualité de vie, mais aussi l’absence de proches perdus le long du chemin douloureux de la maladie. En tant qu’infirmière d'éducation, l'un des enjeux est d'aider le patient à restaurer son estime de soin, à mobiliser ses ressources les plus profondes, réapprendre à désirer, à dire, à faire, à construire de nouveaux projets.

Considérer ces patients comme "capables" et porter sur eux un regard bienveillant rééquilibre la relation soignant/soigné. Malheureusement, notre structure est aujourd'hui en danger, menacée de fermeture par nos autorités de tutelle, notamment l’agence régionale de santé PACA qui argue que « la maladie VIH ne fait plus partie des priorités en matière de santé publique et qu'il s'agit en réalité d'une "pathologie à la marge"...
Comment peut-on alors encore parler d’équité en matière d’accès aux soins ? »

Un savoir faire au service des plus faibles

Philippe Giorda, président de l'association niçoise « Infirmiers des rues »5, a apporté un autre éclairage sur la question de l'accès aux soins des plus démunis. Bénévole dans un premier temps aux « Restos du cœur » - et plus spécialement lors des maraudes qui apportent à manger aux sans abris, il constate que ces derniers présentent souvent des pathologies somatiques non suivies, des plaies sales et mal soignées, sans parler des pathologies psychiatriques...

Devant ce besoin de soins évident, il crée son association. « Nous ne donnons pas de médicaments et nous ne posons pas de diagnostics médicaux, explique-t-il. Par contre, nous orientons les personnes qui semblent avoir besoin de l’intervention d’un médecin ou d’un transfert vers le service des urgences, nous apportons notre savoir faire dans la réfection de tel ou tel pansement et dans l’évaluation de l’état de la plaie et nous sommes à l’écoute de celui ou celle que l’on n’écoute pas ou plus. Durant nos sorties, nous travaillons en équipe, notamment avec le samu social ».

Cette toute jeune association est ouverte aux infirmiers diplômés mais aussi aux étudiants infirmiers et médecins, aux aides-soignants et à toute personne qui désire aider et servir. « Ce qui raisonne en moi en permanence, poursuit Philippe Giorda, c’est plus de solidarité dans notre société afin de ne pas laisser sur le bord de la route l’un des siens sous prétexte qu’il n’a plus de travail, plus de couverture sociale, plus de papiers... En tant que professionnel de santé, notre savoir faire est précieux... et partageable... N’attendons donc pas que de grandes choses se mettent en place. Travaillons chacun à notre niveau, y compris dans le bénévolat, afin de permettre un accès aux soins plus simple, plus juste et plus équitable pour chacun. »

Autre témoignage, celui de Pascale Dorel, qui travaille comme infirmière dans une structure d’Appartements de Coordination Thérapeutique au sein de l'association « SOS Habitats et Soins »6 coordonnées à rajouter. « Cette structure accueille des personnes atteintes de pathologies graves, invalidantes, en précarité sociale. L’objectif est de les aider à retrouver l’accès aux soins, leur droit sociaux et enfin un logement adapté à leur capacité d’autonomie (logement individuel, maison relais, foyer logement, famille d’accueil, communauté thérapeutique...).

Mon rôle est donc d'accompagner les résidents : premières consultations (dentiste, ophtalmologue, généraliste, spécialiste, kinésithérapeute…), prise de rendez-vous et suivi, supervision des traitements médicamenteux - gestion des piluliers quotidien dans un premier temps avec passage de l’infirmière libérale le soir et les week-ends, puis sans infirmière libérale dans un deuxième temps et enfin hebdomadaire - le but étant qu'ils sachent gérer seul leur traitement.

Je reçois régulièrement chaque résident pour faire le point et aborder toutes les difficultés (observance au traitement, hygiène, alimentation...) et angoisses liées à la maladie.

Je pratique également des injections, des pansements et des soins de nursing en fonction des besoins. Ce travail s'inscrit dans une démarche pluridisciplinaire (assistante sociale, psychologue, médecin coordinateur, auxiliaires de vie...) et c'est bien ce qui en fait sa richesse. »

En conclusion

Brigitte Lecointre l'a rappelé avec force : « De nombreux infirmiers s’investissent au quotidien pour prendre soin des plus démunis. Leur engagement, leur savoir, savoir-faire et savoir être contribuent, dans une prise en charge collective, à améliorer leur santé, leur bien être et l’espérance de vie. C’est avec les efforts et la participation de chacun et chacune d’entre nous et en se tournant vers les autres que les choses pourront avancer. C’est en mettant notre savoir-faire à la disposition de ceux qui en ont besoin que l’histoire pourra changer. »

Notes


1. La Journée internationale de l'infirmière (JII) est célébrée dans le monde entier le 12 ai, jour anniversaire de la naissance de Florence Nightingale, pionnière des soins infirmiers modernes.
2. www.icn.ch
3. www.anfiide.com
4. www.rsms.asso.fr
5. www.net1901.org
6. www.groupe-sos.org


Bernadette FABREGAS
Rédactrice en Chef IZEOS
bernadette.fabregas@izeos.com


Source : infirmiers.com