Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

GRANDS DOSSIERS

24h avec les infirmiers spéléos du Spéléo Secours Français

Publié le 25/03/2011

Opération de secours spéléo au parc minier de Tellure. Il s’agissait d’un exercice, chapeauté par Eric Zipper, Conseiller Technique en Spéléologie. Infirmier du SSR, Jérémie y a participé et nous le raconte heure par heure.

Samedi 12 mars, Sainte-Marie-aux-Mines, dans le Haut-Rhin, il est 8h30. Une violente explosion est entendue dans le parc Minier de Tellure. Plusieurs victimes sont probablement à dégager. Même s’il s’agit de l’exercice annuel des équipes du Spéléo Secours Français de la région Alsace, la complexité et la technicité d’une telle opération restent de mise. 24h avec ces bénévoles, spécialistes du milieu souterrain.

9h : Arrivée des premières équipes

Les premières équipes du SSF se mettent en place sur le site de Tellure. L’explosion d’un groupe électrogène a entrainé l’effondrement de plusieurs galeries de la mine Saint -Jean, dans laquelle se trouvent plusieurs employés de Tellure et des touristes en visite.

Les premières équipes de reconnaissance du Spéléo Secours Français, partent à la recherche des victimes. La cavité comporte une centaine de mètres de puits, et plus de 3 kilomètres de développement, plusieurs galeries sont donc à explorer.

Pendant ce temps en surface, le PC s’installe, le matériel se prépare, et les équipes se mettent en place.

 

9h30 : Arrivée du SMUR

Une équipe du SMUR de Colmar, constituée du Dr Yannick Gottwales, d’une infirmière et d’un ambulancier, a été défretté sur le lieu par le SAMU68. Ils viennent livrer le lot médical qui sera utilisé par les infirmiers spéléos et attendent au PC les premières nouvelles concernant les victimes. Selon la gravité de leur état de santé, ils seront amenés à rejoindre l’équipe d’Assistance Victimes du SSF.

12h05 : Évacuation de la première victime

Une première victime est localisée, dans le réseau inférieur, en état de choc léger. Elle est très rapidement évacuée à l’extérieur par les équipiers du SSF.

Elle est prise en charge par l’équipe du SMUR68. La suite des recherches se poursuit dans les galeries supérieures par les équipes de reconnaissance. En parallèle, le matériel médical est conditionné dans des bidons étanches : de quoi réchauffer les victimes, construire des points chauds, matériel d’immobilisation, de perfusion et intra veineux… .

Ces bidons sont à leur tour conditionnés dans des kits adaptés à la pratique de la spéléologie.

 

12h25 : Départ de l’équipe ASV et des infirmiers spéléos

Plusieurs victimes ont été localisées dans le réseau inférieur, à -100 mètres sous terre. L’équipe ASV (ASsitance Victimes) est constituée de Michel, le chef d’équipe, de trois équipiers, Lyse-May, Florian, Adeline, et de trois infirmiers spéléos, Caroline, Jean-Claude et Jérémie. Une série de 3 trois puits d’une trentaine de mètres chacun sont à franchir pour atteindre les victimes.

Casque sur la tête, baudrier et descendeur pour enchainer les rappels dans les étroites galeries verticales, l’équipement des spéléologues est complet, la descente du groupe va durer plus d’une heure. La température de la cavité ne dépasse pas la dizaine de degrés.

13h45 : Arrivée de l’équipe ASV au contact de victimes

Les victimes sont au nombre de 3. La première présente une fracture ouverte du poignet, la deuxième un trauma crânien, et la troisième, coincée sous un bloc de pierre, un crush syndrome de la jambe gauche. Toutes les 3 sont en hypothermie et nécessitent donc d’être installées rapidement dans un point chaud. Le point chaud est une bulle construite autour de la victime à l’aide de piquets de tentes et de couvertures de survie, système simple mais des plus efficaces, qui permet d’isoler la victime du froid et d’obtenir très rapidement une atmosphère chaude pouvant atteindre les 28°C. A l’intérieur, les victimes sont placées confortablement dans une « doudoune », sorte de grosse combinaison en duvet que l’on peut aisément ouvrir par les 4 membres, pour réaliser des soins localisés.

Avec l’aide des équipiers ASV, les trois infirmiers spéléos débutent la médicalisation des victimes en attendant les médecins spéléos du SSF Alsace, Charles et David, arrivés plus tardivement sur le site. Prise en charge de l’antalgie, antibiothérapie, hyperhydratation, immobilisation, réchauffement … ces infirmiers spécialistes du milieu souterrain, suivent des protocoles spécifiques à ces pathologies courantes dans l’accidentologie des milieux souterrains. Ces protocoles sont validés par le SAMU68, dans le seul but d’améliorer la prise en charge des victimes.

14h50 Arrivée des médecins spéléos du SSF

Très vite, les bilans médicaux des trois victimes sont transmis au PC par le biais d’un téléphone filaire (les radios ne passent pas sous terre) installé par l’équipe transmission du SSF, qui relie le PC au fond de la mine, où se trouvent les victimes, par plusieurs centaines de mètres de câbles.

Un renfort du SMUR ainsi que des moyens médicaux plus lourds sont demandés. Pendant ce temps, dans le reste de la cavité, les équipiers du SSF installent les nombreux ateliers qui permettront d’évacuer les victimes.

Il y a 100 m de puits verticaux à équiper, par des systèmes de balanciers et de tractions. Les deux victimes graves seront évacuées en civière jusqu’à la sortie, l’objectif étant d’enchainer les ateliers pour réaliser une sortie directe.

15h15 : Départ de l’équipe du SMUR

L’état de conscience de la victime au trauma crânien, se dégradant de plus en plus, l’équipe du SMUR vient en renfort des infirmiers et des médecins spéléos. Ils ont avec eux le matériel nécessaire pour une intubation, ainsi que des solutions de remplissage, et un scope de surveillance.

L’équipe est accompagnée tout au long de la descente par des sauveteurs du SSF, qui les assistent dans les passages difficiles. Les galeries sont en effet étroites et le portage du matériel médical fragile et lourd complique la progression.

17h : Arrivée de l’équipe du SMUR

Le SMUR68 arrive auprès des équipes du SSF pour leur porter renfort. L’état de conscience de la victime au trama crânien s’est passablement dégradé, l’équipe s’active alors pour préparer une intubation.

19h : Victimes prêtes pour l’évacuation

Les victimes sont médicalement stables pour être évacuées. Plus haut dans les puits, les derniers équipements de la paroi se finalisent : perforation, amarrages, cordages, nœuds, mousquetons, poulies… les techniques utilisées pour l’évacuation d’une civière dans ce milieu si hostile ont été élaborées par le SSF.

Pendant ce temps, l’équipe médicale commence à installer chaque victime dans les civières du SSF. L’installation est délicate et ne laisse pas droit à l’erreur.

20h40 : Début de l’évacuation

L’équipement complet de la cavité étant terminé par les sauveteurs du SSF, le PC donne le feu vert pour l’évacuation des victimes, qui se fera une par une. La première victime est évacuée dans la civière du SSF, une civière spécialement conçue pour le franchissement des puits et des galeries étroites. La traction commence, très doucement, pour éviter les secousses et le risque de chute de pierre des parois particulièrement friables.

Elle est rythmée par l’infirmier spéléo qui accompagne parallèlement la victime. Il remonte progressivement la cavité, suspendu lui aussi dans le vide, en se tractant sur sa corde, et en gardant un contact permanent avec la victime. Il s’assure alors que la civière ne se coince pas, qu’elle ne se retourne pas, et que la victime soit le plus confortable possible.

Il possède avec lui le nécessaire en médicaments antalgiques, dans l’éventualité de douleurs à nouveau plus fortes. Les médecins sont quant à eux placés au niveau des têtes de puits dans l’éventualité d’un changement de l’état de santé des victimes pendant la remontée. L’évacuation complète durera plus d’une heure et demie.

23h25 : Sortie de la dernière victime

La dernière victime rejoint la surface et est prise en charge par une ambulance du SAMU. Après les transmissions effectuées par le médecin et l’infirmier spéléo, la victime sera évacuée vers l’Hôpital Civil de Strasbourg. Mais l’opération n’est pas terminée. Le déséquipement de la cavité doit encore se terminer par les équipiers du SSF, restés à l’arrière des civières.

00h55 : Sortie des dernières équipes

Les derniers spéléologues sortent de la cavité, portant avec eux les centaines de mètres de cordes qui ont été utilisées pour l’évacuation de la civière, la cavité est entièrement déséquipée. Un dernier passage au PC pour se signaler, tout le monde est sorti de la cavité : la fin des opérations souterraines est annoncée.

1h45 : Repas

Après presque 12h passées sous terre, les sauveteurs se retrouvent autour d’un vrai repas chaud, dans les locaux de Tellure. Chacun y échange ses impressions, le moment y est particulièrement chaleureux. Mais déjà, les premiers matelas et sacs de couchage sont déroulés au fond de la salle, c’est ici que se passera le reste de la nuit. La journée était longue et la nuit sera courte.

8h : Rangement du matériel

Le réveil est matinal, l’exercice n’étant pas encore terminé. L’essentiel de la matinée est consacrée au nettoyage, au rangement et à la vérification du matériel. Même si l’on compte un accident en moyenne tous les 5 ans en Alsace, le matériel doit être à nouveau opérationnel et prêt à l’utilisation.

10h : Débriefing

Un dernier débriefing à chaud a lieu avec tous les sauveteurs du SSF. Chaque équipe fait part de son ressenti sur l’exercice, les points forts, les points améliorables. Un exercice de grande ampleur comme il est organisé une fois par an dans le département, mais les objectifs fixés ont été atteints.

Chacun peut alors rejoindre sa famille, un dimanche comme il s’en passe souvent chez ces bénévoles passionnés du Spéléo Secours Français.

 


Jérémie THIRION
jeremie.thirion@gmail.com
Web: http://jeremie.thirion.free.fr
Projet Mada Mitsabo: http://mada.mitsabo.overblog.fr


Source : infirmiers.com