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ESI

"Une blouse blanche sur un manteau neigeux" : un court-métrage sur l'apprentissage

Publié le 24/07/2019
montagne alpiniste infirmier

montagne alpiniste infirmier

Nous l'avions rencontré en 2017, alors qu'il était encore étudiant en soins infirmiers. Yann Rolland nous livrait son court-métrage "Une blouse blanche sur un manteau neigeux", une très belle parabole, virtuose, qui parle d'ascension et d'efforts, de petites victoires et de grandes tragédies, de courage, de chutes, de montagnes à gravir et de pentes à dégringoler. Il y a bien des parallèles entre le métier d'alpiniste et celui d'infirmier et Yann Rolland l'avait déjà parfaitement compris. Il nous livrait alors quelques éléments de décryptage. Aujourd'hui diplômé, il poursuit son chemin en tant que professionnel de santé mais garde une passion pour la vidéo ! Son site internet "Yannou panse vos vidéos" en atteste ! Nous vous engageons à relire cet article et surtout à visionner ce très joli travail cinématographique.

Suivez Yann Rolland sur sa page facebook

Infirmiers.com - Alors que vous êtes en formation en soins infirmiers à l'Ifsi de Saint-Egrève, qu'est-ce qui vous a donné envie de vous diriger vers cette voie des soins et comment envisagez-vous ce métier à l'approche de l'issue de votre formation ?

Ne jamais oublier que les aventuriers de la montagne tout comme les soignants sont d'abord humains avant que d'être des machines infaillibles… 

Yann Rolland – Cette envie de me diriger vers le métier infirmier est complexe. Je pense qu'elle s'est nourrie de réussites, d'échecs et de rencontres. Je ne doute pas que tout au long de ma future carrière je continuerai à découvrir pourquoi j'aime autant cet univers du soin. J'avoue que je n'ai pas toujours voulu faire ce métier et que je ne le ferai sans doute pas toute ma vie, mais c'est une source d'enrichissement personnel infinie. Comment j'envisage ce métier ? Outre le fait que le domaine de la psychiatrie m'attire, je voudrais me battre pour mon métier et pour mes collègues... J'ai été délégué durant ma formation, président du BDE de mon Ifsi. Dans ce cadre, j'ai rencontré de nombreuses personnes, écouté moults temoignages et je me suis rendu compte d'une chose : ce métier est dur, aussi dur que beau et le plus magnifique c'est qu'il a un potentiel d'évolution énorme ! Meilleure considération, conditions de travail optimisées, nouvelles fonctions autorisées, ratio hommes/femmes amélioré dans les services… Ce métier peut faire un grand pas en avant dans les prochaines années, mais nous sommes tellement nombreux qu'il est extrêmement difficile de communiquer, de trouver un accord commun... et c'est là où cela devient intéressant !

Infirmiers.com - Votre court-métrage « Une blouse blanche sur un manteau neigeux » s'inscrit-il dans un travail demandé à l'Ifsi ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de traiter la question de l'apprentissage sous cette forme ?

Yann Rolland  - Non, il s'agit d'une envie personnelle. J'aime réaliser des films tout en traitant des émotions. En effet, enfant, je croyais que « les blouses blanches » étaient des personnes sans émotion. Elles me semblaient effrayantes avec leurs stylos dans la poche, leurs pinces et ciseaux et leurs tenues aussi froides que la neige elle-même. Tout l'inverse de la réalité ! Tous les soignants que j'ai connu, derrière la façade de leur tenue de travail, présentent une multitude d'emotions et de ressentis.... Montrer cela en vidéo, c'est montrer l'humanité de chaque soignant, dénoncer une société toujours plus axée vers l'efficience mais qui oublie le facteur humain alors qu'il constitue le coeur de notre travail d'infirmier. Ce paradoxe me met parfois en colère... et la colère est parfois un bon moteur pour tenter de changer les choses !

Infirmiers.com - Comment vous est venue l'idée de ce parallèle entre l'ascension d'un sommet et l'apprentissage d'une profession ? Etes-vous féru de sport de montagne ?

Yann Rolland  -  Oui ! La montagne et les voyages ont été mes deux grandes écoles de la vie. La montagne m'a appris à me connaître et à m'écouter.  Les voyages à aller vers l'autre et m'ouvrir à la différence. Deux choses très aidantes lorsqu'on est en face d'un patient. Je pratique la montagne pour m'enfuir du quotidien, m'evader, rêver. Alors même que je pratiquais la haute montagne, j'ai constaté de nombreuses similitudes avec ma formation. J'ai alors commencé à écrire. Au début c'était un jeu et j'ai finalement trouvé une montagne de points communs ! Mon intention était alors artistique et esthétique. Il y avait bien sûr un message que je souhaitais fort mais, avant tout, je voulais un film beau et qui transporte le spectateur d'une émotion à l'autre, d'un sommet à l'autre.

L'ascension est à l'image de l'activité soignante : il faut simplement lutter et se connaître parfaitement pour s'adapter à chaque situation...

Voir le court-métrage de Yann Rolland"Une blouse blanche sur un manteau neigeux"

Infirmiers.com - Avez-vous écrit seul ? En avez-vous parlé à l'équipe pédagogique de votre Ifsi ?

Yann Rolland  - J'ai écris seul. Quand mon projet a été suffisament au point, j'ai contacté un formateur et la directrice de l'Ifsi pour pouvoir trouver une aide technique (matériel médical) et un lieu pour filmer (salle de TP). J'ai exposé mon projet devant l'ensemble de l'équipe pédagogique - une dizaine de formateurs - qui m'ont encouragé dans la démarche. Laurent Vivenza (il joue le patient dans le film) est le formateur qui m'a le plus épaulé, notamment pour me remettre en question, pour prendre du recul sur mon projet. Ensemble, nous étions d'accord pour le conduire comme un travail de recherche, similaire au  travail de fin d'étude (TFE). Je le remercie énormément pour son soutien et pour le double rôle qu'il a eu : acteur et guidant.

Infirmiers.com – Votre court-métrage présente de très belles qualités cinématographiques, suivez-vous en parallèle des cours de cinéma ou êtes-vous un autodidacte ? 

Yann Rolland  - Non, je n'ai jamais suivi de formation ou de cours relatifs au monde du cinéma. J'ai appris tout jeune avec le vieux caméscope de mon père, en filmant nos bêtises d'enfants. Le montage vidéo était pour moi un jeu de création incroyable. La réalisation de films, beaucoup plus tard, est devenue un moyen d'expression. J'ai appris sur le tas, regardant des tutos et de nombreuses critiques de films sur Internet.

Infirmiers.com – Passons aux questions techniques. Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser ce court-métrage ? C'est vous aussi qui avez tourné les images de montagne ?

Yan Rolland - Le projet a débuté en janvier 2017 et s'est terminé fin avril. Il m'est impossible de vous dire combien de temps j'ai passé à le réaliser... Le seul mot qui me vient est « beaucoup » ! J'ai tout filmé. C'est mon premier projet en solitaire. Mes précédents court- métrages, je les avais réalisé avec un ami photographe. Pour ce film, j'ai utilisé un trépied photo, un appareil photo compact et aussi un drone. Avec le trépied et le drone je pouvais être l'acteur, le cameraman et le réalisateur. Il suffisait de laisser l'appareil photo sur le trépied, ou de programmer le drone à l'avance pour qu'il enregistre ce que je voulais !

Dans un parcours initiatique, quel qu'il soit, il faut progresser, chuter, se relever, apprendre de ses erreurs...

Infirmiers.com – Interrogeons-nous sur le choix du titre "le manteau neigeux". Avez-vous souhaité souligner son caractère instable et l'idée que dans un parcours initiatique, quel qu'il soit, il faut braver le danger, progresser, chuter, se relever, apprendre de ses erreurs ?  
 
Yann Rolland  - Je suis content de répondre à cette question. Peu de monde a compris le titre. Il y a un jeu de mot avec l'habit (blouse/manteau) et la couleur monochrome de nos hôpitaux. Mais le manteau neigeux c'est surtout en effet l'instabilité, un danger pour quiconque s'y aventure. Si l'on est conscient du fait, le cotoyer est aussi un plaisir. L'équilibre est fragile : des conditions climatiques qui changent peuvent transformer très vite ce manteau neigeux et surprendre les alpinistes. L'avalanche n'est jamais loin. Y-a-t'il une différence avec les conditions de travail à l'hôpital qui épuisent les soignants, qui les blessent, ou même qui les conduisent à se suicider dans le pire des cas ?  La montagne n'est ni justice, ni injustice, elle est dangereuse. Ne pensez-vous pas que cela est aussi transposable aux soins ?

Infirmiers.com - Comment vos collègues étudiants ont-ils accueilli ce sujet, quelles discussions a-t-il suscité ? Et du côté de vos enseignants ?

Yann Rolland - Nous avons organisé une projection à l'Ifsi, avant sa mise en ligne. Une centaine d'étudiants était là. Le film a eu un très beau succès auquel je ne m'attendais pas. L'émotion était palpable. Nous avons discuté par la suite de ce que le film pouvait nous évoquer. En réalité, une chose est sûre, nous sommes nombreux à avoir déjà « chuté » pendant ces moments les plus difficiles du soin, notamment quand les mots ne suffisent pas… Les formateurs ont été agréablement surpris du rendu final. Ils m'ont dit que je m'étais permis de parler « en douceur » d'un sujet parfois trop fragile, tabou même. En effet, si nous évoquons régulièrement les ressentis des patients, ce qu'ils doivent endurer tout au long de l'épreuve que constitue la maladie, ceux des soignants ne le sont pas suffisament. Mes collègues ont été nombreux à m'encourager à partager ce film car il parle à tous : soignants, patients, familles... et même à toute autre personne, car il parle de la vie elle-même. Si le film se dirige néanmoins plutôt vers le soignant, en réalité nous sommes tous dans le même bateau... Nous sommes tous un peu des patients, nous sommes tous un peu des alpinistes !

Ce film est dédié à ma mère qui, après 38 ans en tant qu'infirmière, continue à gravir les sommets. Elle m'inspire à chaque soin et à chaque ascension !

Infirmiers.com - Envisagez-vous de présenter votre court-métrage dans des festivals ?

Yann Rolland  -  Je n'ai pas encore pensé à cela. Je suis en contact avec plusieurs Ifsi pour diffuser le film et discuter autour de ces thématiques. Etre présent dans les festivals de courts-métrages me permettrait de toucher un public différent, ce qui serait intéressant. Je profite de cet article pour faire appel à tout type de personne intéressée par ce film pour une projection. Je reste disponible pour venir le présenter et en discuter dans différentes structures.

Infirmiers.com - Avez-vous d'autres projets en la matière ?

Yann Rolland  - Oh oui ! Après ce succès incroyable et totalement inattendu : plus de 150 000 visionnages sur Internet, j'ai envie plus que jamais de poursuivre cette passion. J'ai d'autres idées, encore peu abouties dans mon esprit. Je laisse donc la surprise !

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com