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GRANDS DOSSIERS

"Regarde ce que je fais, mais ne le fais pas !"

Publié le 07/03/2018
collecteur DASRI

collecteur DASRI

Clémence, étudiante en soins infirmiers (L1) à Saint-Etienne, a effectué un stage au sein d'une maternité avec une aile de chirurgie et un centre du sommeil en septembre 2017. Lors de sa troisième semaine de stage, une situation d’hygiène concernant la non utilisation de gants et de collecteur DASRI lors d'un soin à risque par une infirmière l’a conduite à se questionner. Clémence évoque donc cette observation qui a mis à l’épreuve ses connaissances théoriques et nous fait part de ses réflexions tout à fait pertinentes.

L'étonnement ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage

Formatrices et formateur dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Yamina Lefevre, Zohra Messaoudi et Christian Teyssier ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement Hygiène et infectiologie (UE 2.10) de réaliser une analyse de situation à partir d'un étonnement vécu lors de leur premier stage. Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015 , textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, puis d'une nouvelle série déployée en 2016 , suivis de nouvelles publications en 2017 , de nouveaux étonnements s'offrent à nous en 2018. Voici celui de Clémence. Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.

Quelle est l'importance des collecteurs DASRI et pourquoi doit-on toujours les avoir à proximité lors de soins avec matériel tranchant ou piquant ?

Je me trouve dans un hôpital de la région stéphanoise, au début de ma troisième semaine de stage. Je travaille en service de maternité composé également d'une aile de chirurgie et d'un centre du sommeil. Après la relève, vers 7h45, je me rends avec mon infirmière référente de stage en salle de soins. A ce moment-là, elle m'explique que  nous allons réaliser un nouveau soin, une gazométrie sur trois des patients venus pour un examen du sommeil cette nuit-là. Il s'agit d'une polysomnographie, un enregistrement des paramètres respiratoires, cardiaques ainsi que du déroulement du sommeil et de ses différents phases (sommeil lent, paradoxal... ). Elle me dit qu'en complément certains médecins demandent cette prise de sang spécifique afin de vérifier les gaz présents dans le sang et ainsi aider à comprendre certains problèmes liés au sommeil comme l'apnée par exemple.

Description de la situation

L'infirmière commence à préparer le matériel nécessaire à la réalisation de ce soin, après s'être lavé les mains avec du savon doux et de la solution hydroalcoolique. Elle prend alors deux compresses, l'une avec du désinfectant et l'autre sèche afin de faire le pansement après la prise de sang. De plus, elle se munie de deux aiguilles (dont une de secours), d'un tube collecteur, d'un garot (?) et du sparadrap. Elle sort de la salle de soins et se dirige vers la chambre du patient. Un détail m'interpelle, je demande alors Pourquoi ne prends-tu pas de chariot afin de poser ton matériel ?, elle me répond qu'elle a peu de matériel et qu'il n'est donc pas nécessaire d'en prendre un.

Sur le trajet, elle croise une de ses collègues et lui redemande le déroulement du soin, le stress se sent dans sa voix. Je l'interroge à ce sujet. Ce soin, je ne le pratique pas souvent et je sais que la plupart des patients ont mal lors de sa réalisation. Je n'aime donc pas le réaliser. En plus, j'ai peur de ne pas réussir ma première prise et de devoir le repiquer... me répond-elle. Après cette petite mise au point, nous arrivons devant la chambre du patient. Elle souffle un grand coup, je lui souris et nous entrons. Après avoir salué le patient, lui expliqué le soin ainsi que son utilité, l'infirmière s'installe et commence. Elle débute en posant le garrot et trouve le pouls. Elle désinfecte la zone identifiée au rythme cardiaque sur le poignet et prend son aiguille. Elle s'apprête à piquer mais n'a toujours pas pris de gants, ce qui m'interpelle, mais j'attends que l'on sorte de la chambre pour la questionner car je ne veux pas le faire en présence du patient. Elle pique et réussit du premier coup à avoir un retour sanguin. Elle remplit son tube et retire l'aiguille. A ce moment là, beaucoup de sang coule et l'infirmière se retrouve en difficulté avec son aiguille car elle n'a pas de boîte jaune afin de la déposer... Elle recapuchonne alors son aiguille et la dépose sur le lit. Elle me demande ensuite de lui découper du sparadrap pendant qu'elle nettoie le point de ponction et pose sa compresse sèche. En même temps, elle me lance un regard pour me faire comprendre que ce geste n'est pas à faire car beaucoup trop risqué !Une fois le sparadrap posé et le saignement stoppé, nous saluons le patient et sortons de la chambre, tout le matériel à la main, au milieu du couloir.

Immédiatement elle me dit : ne recapuchonne jamais une aiguille, le risque de se piquer est bien trop grand et les accidents d'exposition au sang (AES) arrivent si vite ! De plus, prends bien l'habitude de te servir des chariots même si c'est la course et que tu manques de temps, sinon c'est à ce moment là que les accidents arrivent ; tu peux manquer de compresses, de désinfectant, où comme moi aujourd'hui, tu n'as pas la boîte à déchets DASRI ce qui est très dangereux !. A ces remarques, j'ajoute alors le fait qu'elle n'ai pas porté de gants. Elle sourit et me répond tu verras, avec l'habitude, tu oublies et, de plus, tu as plus de dextérité sans gants car tu ressens mieux tes gestes, la sensibilité est plus développée ! Mais toi, dès le début, prend l'habitude de les porter, c'est le meilleur réflexe que tu puisses prendre !. Nous arrivons alors en salle de soins, et préparons notre chariot cette fois-ci, pour aller voir les deux autres patients et réaliser les gazométries, mais toujours sans gants…

"Pourquoi ne prends-tu pas de chariot afin de poser ton matériel ?", elle me répond qu'elle a peu de matériel et "qu'il n'est donc pas nécessaire d'en prendre un".

Le questionnement face à cette situation

Suite à cette situation, j'ai pu réfléchir et me questionner sur trois axes majeurs :

  • en quoi le port de gants est-il si important et comment nous protègent-ils des AES ?
  • quels ont été les risques encourus par l'infirmière au cours de ce soin ?
  • quelle est l'importance des collecteurs DASRI et pourquoi doit-on toujours les avoir à proximité lors de soins avec matériel tranchant ou piquant ?

Le port de gants et son importance face à la contamination

Je n'ai pas le temps, Je n'en ai pas besoin, Cela diminue ma dextérité, je préfère ne pas les mettre... telles sont les phrases récurrentes entendues dans les services. Rappelons tout d'abord que le port de gants sert à réduire le risque de contamination des soignants par des liquides biologiques ou le sang. De plus, ils servent à éviter la dissémination des germes dans l'environnement et le risque de transmission manuporté du personnel au patient et inversement. Les gants jouent donc le rôle de double barrière bactériologique et physique. Ils doivent être portés sur des mains propres et sèches dès que le soignant peut être confronté à une exposition au sang (risque de contamination, lésion sur les mains du soignant...). La règle fondamentale devant être respectée est 1 soin = 1 gant et 1 gant = 1 patient. Ensuite, selon les soins à réaliser, l'adaptation des gants est importante. Sachant que les gants en vinyle sont moins souples et moins résistants, ils sont réservés au soin avec risque d'exposition faible. En revanche, les gants en latex sont très résistants et élastiques avec en plus une résistance aux produits chimiques. Ils représentent donc une excellente barrière protectrice. Ils sont à favoriser pour les soins à haute exposition à un risque infectieux. Dans les deux cas, les bijoux sont à retirer afin d'éviter les lésions et le respect de l'ordre des soins est prioritaire : toujours aller du plus propre au plus sale. Pour finir, le port de gants doit impérativement être accompagné d'un lavage des mains avant et après le port, avec un savon doux accompagné d''une friction avec une solution hydro-alcoolique. Dernière recommandation : rester très attentif et minutieux même avec des gants car ils ne permettent pas d'éviter les accidents ! Ce n'est pas parce que l'on en porte que l'on est protégé et immunisé car le risque 0 n'existe pas !

Les risques encourus par l'infirmière

Au cours de la réalisation de ce soin, l'infirmière a pris de nombreux risques. En effet, elle a été exposée à la possibilité d’interaction avec de nombreux agents infectieux :

  • les virus : hépatite B et hépatite C, plus le HIV avec une évolution vers le stade SIDA. On peut rajouter parmi eux, le VHB ( 30% ), le VHC ( 3% ), l'herpès… ;
  • les bactéries : staphylocoques (par exemple : escherichia coli) ;
  • les parasites, les champignons...

Si jamais l'accident avait eu lieu, il aurait fallu évaluer la sévérité de l'exposition. Pour cela, différents facteurs sont pris en compte :la profondeur de la piqûre, si l'aiguille est creuse ou non (les IV sont les plus dangereuses), si l'aiguille est souillée ou pas. Si ce dernier point est avéré, il faut constater quel est le liquide concerné afin d'évaluer son risque de transmission infectieuse. Pour le sang ou autres liquides biologiques, le risque est très élevé et prouvé scientifiquement. Des précautions sont donc mises en place avec un traitement prophylactique pour limiter au maximum la transmission et l'implantation de l'infection. Enfin, en complément de ces vérifications, le dossier du patient est immédiatement examiné afin de voir s'il est sujet à des maladies infectieuses et ainsi évaluer le risque de contamination du soignant.

Pour toutes ces raisons, des règles préalables sont fixées afin de limiter les risques en cas de piqûre. Il est obligatoire pour tous les soignants d'être vacciné contre l'hépatite B, tout comme le fait d'avoir un taux d'AcAnti HBS supérieur à 10UI. En plus, des formations sur l'hygiène sont dispensées par une infirmière hygiéniste ainsi que d'autres sur le port des protections telles que les gants, les masques… Pour conclure, 3 mois après l'AES, une piqûre de rappel est réalisée afin de vérifier qu'il n'y a pas eu de séroconversion.

L' importance des collecteurs DASRI

Un collecteur DASRI est un dispositif médical ayant pour objectif d'assurer la sécurité du personnel soignant en rassemblant l'ensemble du matériel piquant, coupant et tranchant (seringues, ampoules d'injection, aiguilles…) qu'il soit sécurisé ou non, souillé ou pas par du liquide biologique ou par du sang, afin de limiter les risques d'accidents d'exposition au sang. Cela implique donc que ces boîtes soient toujours à proximité des soignants afin d'être continuellement utilisables, c'est-à-dire placées dans les salles de soin et sur les chariots afin d'être mobilisées dans les chambres lors d'actes infirmiers impliquant un risque de piqûre ou de blessure avec l'une de ces catégories d'objet. Ces boîtes doivent rester au plus près du soin et du soignant, évitant tout déplacement avec un risque infectieux. Mais, leur utilisation implique tout de même quelques règles à respecter. En parallèle, l'utilisation des gants à usage unique est obligatoire ! De même, ne pas recapuchonner une aiguille est une règle fondamentale car c'est dans ces moments là que les risques de piqûre sont les plus fréquents ! De plus, le collecteur DASRI ne doit jamais être rempli à plus des 2/3 du volume total sinon le risque de piqûre et blessure redevient important. De même, lors du remplissage, le côté piquant de l'objet est à positionner en premier, une fois encore pour éviter tout risque de piqûre malencontreuse du fait que l'on ne puisse voir l'intérieur de la boîte. Enfin, une règle somme toute assez logique vient clôturer l'ensemble, celle de ne jamais forcer afin de rentrer un objet dans un collecteur et encore moins de mettre ses doigts à l'intérieur. Il est également  important de noter la date d'ouverture du collecteur afin de le renouveler régulièrement. Pour finir, l'importance du « clic » lors de la fermeture est grande car elle permet de valider la sécurité. Il est ensuite strictement interdit de rouvrir la boîte.

Au cours de la réalisation de ce soin dont j'ai été le témoin, l'infirmière a pris de nombreux risques.

Pour conclure

Grâce à mon questionnement sur cette situation vécue en stage, j'ai réussi à mieux cerner les enjeux sur le tri des déchets et notamment ceux concernant les DASRI afin d'éviter tout risque d'AES. J'ai pu évaluer l'importance du port des gants durant les soins avec risque d'exposition au sang avec du matériel coupant, tranchant ou piquant. Enfin, j'ai pris conscience des risques encourus en cas de mauvaise conduite et oubli des règles fondamentales d'hygiène. Ainsi, l'ensemble de mes raisonnements m'ont permis de comprendre que dès le début de la formation, il est fondamental de prendre les bonnes habitudes et des réflexes de bonne conduite concernant l'hygiène, le port de gants, l'utilisation du chariot et des boîtes jaunes... Malgré le manque de temps parfois ressenti dans les services et décrit par le personnel soignant, aucun détail ne doit être laissé au hasard car c'est dans la précipitation que les erreurs sont les plus fréquentes et que les retentissements peuvent avoir des conséquences parfois dramatiques.

Bibliographie

  • UE 2.10 Précautions complémentaires
  • UE 2.10 Hygiène AES

Liens utiles

Clémence MARION Etudiante en soins infirmiers (L1 2017/2020)Croix-Rouge Formation Rhônes-Alpes, Saint-Etienne


Source : infirmiers.com