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ESI

Pourquoi l'infirmière n'a-t-elle pas mis de gants ?

Publié le 23/06/2017
Prise de sang

Prise de sang

Héloïse, étudiante en soins infirmiers à Saint-Etienne, nous livre une analyse de situation vécue lors de son premier stage ; une situation d'hygiène observée au sein d'un service hospitalier de cardiologie et pneumologie  Son questionnement est le suivant : pourquoi l'infirmière n'a-t-elle pas mis de gants pour réaliser cette prise de sang chez une patiente en isolement protecteur ? Elle nous raconte cette observation qui a mis à l'épreuve ses connaissances théoriques.

L'étonnement ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage

Formatrices dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Yamina Lefevre et Zohra Messaoudi ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement Hygiène et infectiologie (UE 2.10) de réaliser une analyse de situation à partir d'un étonnement vécu lors de leur premier stage. Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015 textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, puis d'une nouvelle série déployée en 2016 .

En 2017, de nouveaux étonnements s'offrent à nous comme celui de Noémie , de Charles , de Simon , d'Audrey   et maintenant d'Héloïse... Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.

Description de la situation

Gants, pas gants, entre la théorie et la pratique, il y a parfois des différences qu'il faut savoir analyser et parfois critiquer...

J'ai réalisé mon premier stage à l’hôpital, en service de cardiologie et pneumologie qui comportait dix chambres individuelles et neuf chambres à deux lits. L'équipe paramédicale étaitconstituée de huit infirmières et de six aides-soignantes de jour. Quant à l'équipe médicale, elle était composée du chef de service, d'un pneumologue et de trois cardiologues. Les admissions se pratiquaient par le service d'urgence, par entrée directe du domicile ou encore par mutation d'autres services ou d'autres établissements.

Au sein de ce service, j'ai pu observer différents comportements et plusieurs méthodes de travail. J'ai découvert diverses pathologies avec les traitements administrés et les soins apportés. Au cours des phases d'observation et d'accompagnement, une situation m'a particulièrement interpellée et interrogée : l'absence de port de gants lors d'une prise de sang, d'autant qu'il s'agissait d'une personne en isolement protecteur.

Quelle observation ?

Madame X, une femme de 87 ans, hospitalisée pour décompensation cardiaque, était en isolement protecteur car immunodéprimée. L’immunodépression est un état dans lequel le système immunitaire est affaibli, voire inexistant. De fait, cette patiente était susceptible de développer des infections de manière plus fréquente et plus grave. Au moment de cette situation d'hygiène, j'étais avec une infirmière auprès de cette patiente, accompagnée par une aide-soignante.

La situation que j'ai choisie d'analyser s'est donc déroulée un matin dans la chambre de la patiente lors de ma troisième semaine de stage. Nous devions faire une prise de sang à Madame X pour un bilan sanguin. Avant de rentrer dans la chambre, l'infirmière m'explique quel matériel requis pour faire une prise de sang : tubes de différentes couleurs, garrot, aiguille épicrânienne, désinfectant, compresse, étiquette d'identification du patient, bon d'analyse du laboratoire avec pochette de transport, conteneur jaune pour mettre les déchets contaminés et piquants. Tout ce matériel est mis sur un plateau propre et désinfecté.

Une fois les explications données concernant la préparation de cet examen biologique et le plateau de soin associé, nous pouvons faire la prise de sang de Madame X. Avant de rentrer dans la chambre, nous nous lavons les mains et nous mettons ensuite du gel hydro-alcoolique. De plus, j'observe sur la porte fermée la fiche de signalement indiquant l'isolement de la patiente et les nombreuses précautions à prendre dans ce cas. Je prends donc un tablier, des gants et un masque. L'infirmière, s'équipe à son tour d'un tablier et d'un masque, sans enfiler de gants. Nous entrons ensuite dans la chambre et nous posons le plateau contenant tout le matériel décontaminé sur une table propre.

L'infirmière explique à la patiente le soin qu'elle va faire et me communique le déroulé de la prise de sang.

Nous commençons par mettre le garrot à Madame X. L'infirmière me dit qu'il est essentiel de favoriser la vascularisation de la veine en demandant notamment au patient de serrer le poing. Une fois le garrot mis, nous tapotons la veine pour bien voir sa localisation et sa direction. La veine localisée, l'infirmière souligne l'importance de la désinfection dans la zone où elle va piquer. En effet, elle prend une compresse avec de la Bétadine orange et désinfecte la zone concernée en faisant « des ronds ». Elle me signale l'importance de ne jamais repasser au même endroit. Elle pique ensuite, sans gants, avec l'aiguille épicrânienne. Le sang vient rapidement, il faut remplir deux tubes. Ceci étant fait, l'infirmière m'explique qu'on peut enlever le garrot. Puis, à l'aide d' une seconde compresse préalablement imbibée de désinfectant, retirer l'aiguille que nous jetons immédiatement dans le conteneur jaune. Pour finir, nous laissons une petite compresse à Madame X au niveau de la zone piquée en cas de petit saignement éventuel.

Nous sommes restées environ cinq minutes dans la chambre. Avant de sortir, nous nous sommes enduits les mains de gel hydro-alcoolique et nous avons refermé la porte. Madame X se plaignait souvent d'être fatiguée, elle mangeait peu et avait parfois de la fièvre. Une prise de sang lui avait donc été prescrite pour un contrôle et pour permettre de détecter éventuellement des anomalies à l'origine de ses symptômes. Il s'agissait d'une dame très anxieuse, qui s'inquiétait facilement.

J'observe sur la porte fermée la fiche de signalement indiquant l'isolement de la patiente et les nombreuses précautions à prendre dans ce cas.

Analyse de la situation 

L'absence de port de gants m'a étonnée et surprise. Pourquoi l'infirmière n'a-t-elle pas mis de gants pour réaliser cette prise de sang ? Quel est le type de gants à utiliser pour la réalisation d’une prise de sang ? Je me suis réellement questionnée sur les risques d'une prise de sang effectuée sans gants.

En effet, les gants constituent une barrière étanche aux micro-organismes. Lorsqu'ils sont absents, cette barrière est absente et donc le risque infectieux augmente s'il y a contact avec du sang. Je pense donc dans un premier temps aux risques de contamination ainsi qu’aux risques de piqûres avec l'aiguille épicrânienne lors de la prise de sang pour l'infirmière. En effet, les gants permettent de réduire le risque de contamination des mains du personnel soignant par du sang ou autres liquides biologiques et ils protègent les mains du soignant. Pour donner un exemple plus précis avec des chiffres, les risques de contamination lors d’une piqûre sont de 0.3% pour le VIH, de 3% pour le VHC et de 30% pour le VHB. Les gants contribuent à la prévention des accidents d'exposition au sang (AES) . De fait, lorsqu'ils sont absents, les risques sont plus importants.

Par ailleurs, il existe plusieurs types de gants. On peut donc s’interroger sur le modèle à utiliser pour réaliser une prise de sang. Chaque gant doit être adapté à l’acte de soin. Je pense plus particulièrement aux gants non stériles utilisés lors de soins à risque de piqûres comme la prise de sang. Ils ont un rôle de barrière microbiologique, chimique  et physique et sont réservés aux soins nécessitant une barrière de protection. Ces gants seraient donc à privilégier dans le cas d’une prise de sang. Toutefois, ne faut-il pas porter des gants spécifiques pour cette situation liée au fait que la patiente est en isolement protecteur ?

Après l’obtention de renseignements auprès de soignants à la suite de mon stage, j’ai pu répondre à cette interrogation. L’usage de gants spécifiques à cette situation du fait que la patiente est en isolement protecteur n’est pas nécessaire. Les gants non stériles peuvent tout aussi bien être utilisés ici. Cependant, je m’interroge sur  les risques augmentés du fait que la vulnérabilité de la patiente et donc des conséquences qui pourraient s’avérer plus graves dans ce cas-là. Je pense notamment aux risques de transmission manuportée de micro-organismes en l’absence de port de gants. Le système immunitaire de la patiente étant affaibli, il faut limiter au maximum le risque d’infection et de contamination.  De fait, l’usage des gants est indispensable dans cette situation, ceux-ci permettant notamment de réduire la transmission des germes du personnel soignant au patient et vice-versa. Les gants jouent un rôle essentiel dans la protection du patient et du personnel soignant.

Enfin, je me questionne aussi sur la raison de cette absence de gants chez l'infirmière : s'agit-il d'un oubli, d'une volonté délibérée de ne pas porter de gants, d’une négligence ? Peut-être n'a-t-elle pas été sensibilisée au port de gants lors de sa formation initiale ?

Le système immunitaire de la patiente étant affaibli, il faut limiter au maximum le risque d’infection et de contamination.

Pour me permettre de comprendre l'environnement dans lequel j'évoluais, lors de ma première semaine, une aide-soignante m'avait fait passer des documents concernant les précautions à prendre pour un patient en isolement protecteur ; des précautions qui nécessitent de mettre en œuvre deux niveaux de prévention :

  • respecter les précautions standard ;
  • appliquer des mesures spécifiques à ce cas adaptées au niveau des risques encourus par le patient.

Je me suis donc interrogée sur plusieurs éléments : quels sont les écarts entre les précautions exigées et les précautions prises par l'infirmière ? Quelle sont les mesures propres à chaque cas ? Quelles sont les mesures à respecter de manière systématique ?

Ainsi,  j’ai pu constater différentes règles d’hygiène respectées par l’infirmière dans cette situation : le lavage des mains antiseptique et la friction avec une solution hydro-alcoolique avant de rentrer dans la chambre. Cette pratique est indispensable car le lavage antiseptique élimine la flore transitoire (flore acquise par le personnel lors des soins effectués aux personnes soignées, le plus souvent à l’origine des infections nosocomiales) et diminue la flore résidente (flore naturelle, couche superficielle de la peau, faible rôle dans les infections nosocomiales). Ce lavage est indiqué en cas de contact avec un patient en isolement protecteur, comme dans la situation présentée. Par ailleurs, la solution hydro-alcoolique, produit désinfectant, peut être utilisé en substitution du lavage antiseptique sur des mains macroscopiquement propres. L’hygiène des mains a donc été respectée avant l’entrée dans la chambre de la patiente. C’est un élément essentiel indissociable du soin, les mains étant considérées comme le principal mode de transmission des germes responsables d’une grande partie des infections nosocomiales. Par ailleurs, la tenue vestimentaire fait également partie des règles d’hygiène utilisée par l’infirmière dans cette situation. En effet, elle portait en plus de sa tenue professionnelle un tablier. Ce tablier est à usage unique et relève des précautions supplémentaires à prendre en cas de contact avec un patient en isolement protecteur, tout comme le masque. Quant aux sur-chaussures, elles sont déconseillées dans une telle situation car sans efficacité dans la prévention du risque infectieux.

Quels sont les écarts entre les précautions exigées et les précautions prises par l'infirmière ? Quelle sont les mesures propres à chaque cas ? Quelles sont les mesures à respecter de manière systématique ?

Pour conclure

En conclusion, le stage réalisé en milieu hospitalier dans un secteur comportant des malades en isolement protecteur nécessitant des règles d'hygiènes incontournables m'a permis de prendre conscience de la nécessité d'appliquer scrupuleusement les directives ou précautions standards en matière d'hygiène. J'ai appris à identifier les risques associés à d'éventuels manquements et à en mesurer les conséquences. En m'interrogeant, en cherchant des réponses adaptées à chacun de mes questionnements, ce cas pratique m'a permis de mettre en application des connaissances théoriques mais également de les enrichir.

Heloïse TILLIERE Etudiante en soins infirmier L1 (2016/2019) Croix-Rouge Formations - Rhône-Alpes  Saint-Etienne (42)


Source : infirmiers.com