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ESI

"Lors d'un stage, j'étais tellement mal que je pleurais presque tous les jours"

Publié le 30/04/2018
tristesse dépression

tristesse dépression

Virginie, l'infirmière insoumise ou plutôt l'infirmière caméléon qui change de cadre ou de spécialité au fil du temps, de l'actualité et surtout de ses envies. Elle se met cette fois-ci dans la peau d'une étudiante en soins infirmiers qui se retrouve face au doute, car confrontée en stage à des soignants en manque d’humanité.

« J’avais peur. Tellement déstabilisée par ses propos, je tremblais en manipulant, je faisais tout tomber, j’hésitais. Je ne me sentais plus au niveau, je me sentais nulle. »

Je m’appelle Virginie et je suis étudiante en soins infirmiers . Je suis étudiante en soins infirmiers en deuxième année. Et j’ai déjà trop de récits dans la tête. Et aussi des questionnements et des vécus pas toujours agréables en service.

Pour exemple, lors d’un stage en médecine, j’étais tellement mal que je pleurais presque tous les jours. J’avais la boule au ventre avant de venir. Je dormais aussi très peu. Je suis une bonne étudiante, parmi les cinq meilleurs de mon école. Et une bonne stagiaire aussi, si j’en crois mes quatre premiers stages dans lesquels j’ai pu montrer la pertinence de mon positionnement, mes liens et mon sérieux notamment de par mon attitude.

Elle m’a dit : "Donc tu ne sais rien faire en fait, génial…"

A la base ça devait être un super stage. J’étais très heureuse de me retrouver dans un stage « technique », pour me mettre au top en milieu de deuxième année . Je sortais de dix semaines en psychiatrie, intenses et passionnantes, mais j’étais rouillée sur la technique pure. J’ai vite déchanté. Ma tutrice de stage m’a demandé mes stages précédents, et j’ai été très transparente sur mon désir de mettre le paquet sur les soins techniques après mon passage en psy. Elle m’a dit : Donc tu ne sais rien faire en fait, génial….

Ça semblait mal parti. J’avais peur. Tellement déstabilisée par ses propos, je tremblais en manipulant, je faisais tout tomber, j’hésitais. Je ne me reconnaissais plus, je me sentais constamment surveillée et jugée.  Les deux premières semaines furent tellement stressantes. J’avais l’impression de faire tout mal (je le faisais en fait lentement ) mais on ne me donnait pas d’éléments pour m’améliorer. Moi qui voulais découvrir, m’épanouir, je doutais de moi. Je ne me sentais plus au niveau , je me sentais nulle. Dans le vestiaire, je me tapais la tête avec les poings. Sous mon masque, je hurlais en silence. J’ai craqué deux fois en salle de soins. Alors, pour me calmer, je mangeais des sucreries.

Je changeais souvent d’infirmière. Du coup, à chaque fois, il me fallait repartir de zéro. Et essayer de se faire minuscule et discrète, mais aussi essayer de pratiquer. J’avais le sentiment si fort d’être une gêne, d’être inutile… Aujourd’hui on verra si on a le temps de te former ou on n’a pas le temps d’encadrer ici étaient les phrases qu’on me ressassaient tous les jours.

Je n’avais aucun soutien à l’hôpital . Pas d’autre étudiant. Et on m’a fait comprendre que c’était mieux si je ne parlais pas aux pauses, ni de moi, ni de rien en fait. D’ailleurs presque personne n’a voulu savoir qui j’étais. J’ai passé cinq semaines la bouche cousue, sauf pour poser des questions purement sur les soins. J’étais un robot. J’étais très triste car je ne pouvais tisser aucun lien avec les soignants. Je me laissais « bouffer », je ne répondais pas à ce mépris, et ça ne me ressemblait pas. Je voulais tellement plaire et être reconnue que j’en venais à changer ma personnalité. Quelle étrange idée de vouloir plaire à ceux qui vous rabaissent ! Jusqu’au dernier jour je n’ai pas su me défendre et faire reconnaître mes compétences. Je suis d’ailleurs partie avec ce regret.

“Le véritable enseignement n’est point de te parler mais de te conduire” Antoine de Saint Exupéry

Mais heureusement, un jour, je suis tombée avec R, un infirmier génial. Lui, il était sans chichis. Tu sais faire ? Allez vas-y montre-moi! Avec lui, j’ai appris en un jour autant que les deux semaines précédentes. Et pourtant, j’ai fait des erreurs. Mais il était là. Toujours bienveillant.

Avec une pédagogie du feu de Dieu : regarde le soin, puis explique le soin, puis fais le soin, et enfin auto-évalue toi. Je reprenais confiance, il me laissait de la place. Je n’avais plus la sensation d’être gênante. J’étais juste en apprentissage. Et je me sentais à ma place. Tout simplement.

On faisait le point à chaque fin de service. Sur ce qui devait être amélioré, toujours avec du positif, qui donne l’envie d’avancer.

Il m’a dit qu’il savait ce que je vivais avec la tutrice. Cela se passait avec chaque stagiaire de la même manière. Il m’a conseillé d’être prudente avec l’équipe, pour mon rapport de stage et m’a dit qu’il serait là pour me défendre. Il savait que parfois, c’était à la tête du client.

J’ai changé mon planning pour tourner avec R. Pour apprendre. Je restais cependant très prudente. Sans parler. Juste avec les patients, qui eux aussi m’ont beaucoup appris et m’ont soutenu. Ils m’ont valorisé devant la tutrice, m’ont encouragé et remercié. Au final, j’en suis sortie avec des acquis et un bilan élogieux.

A chaque stage on rencontre un infirmier qui nous inspire. Là c’était R. Et ce qui est sûr, c’est que je leur dédicacerai mon diplôme, à tous ceux qui transmettent avec humanité ce merveilleux métier.

Note : Lecture en rapport avec cet article: Omerta à l’hôpital : le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé du Dr Valérie Auslender

Cet article a été publiée sur le blog de l'Infirmière Insoumise le 25 avril 2018. Nous la remercions de ce partage.


Source : infirmiers.com