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ESI

Lettre ouverte d'une presqu'infirmière au bout du rouleau

Publié le 30/09/2016
burn out fatigue

burn out fatigue

Nombreux sont les étudiants en soins infirmiers qui, à la veille d'être diplômés, s'interrogent sur le devenir de la profession infirmière. Sur le forum d'Infirmiers.com, Axoul57 fait part de ses doutes… Beezy, également ESI qui a connu des périodes difficiles, l'encourage à persévérer.

Aujourd'hui, les infirmiers passent plus de temps à tracer les transmissions et soins qu’auprès du malade.

Alors qu'elle sera prochainement diplômée, Axoul57, étudiante en soins infirmiers, se sent découragée. Elle témoigne, dans une lettre ouverte, de la maltraitance que subit la profession infirmière au quotidien.

« Je suis étudiante infirmière en troisième année et je suis au bout... Au bout de ma formation. Et au bout du rouleau. Dernière ligne droite avant de devenir professionnelle. Infirmière. Ce métier que j’avais auparavant tant idéalisé. Ce si beau métier de plus en plus usé et maltraité.

J’ai découvert un énorme fossé entre théorie et réalité. Une réalité où les infirmiers, pleins de bonne volonté, se voient contraints d’exercer dans des conditions plus que dégradées. Moins de moyens et charge de travail augmentée. Tel est notre quotidien. La prise en soin de nos chers patients s’en trouve alors erronée. Les valeurs que l’on nous a inculquées tendent à s’envoler. Comment peut-on prendre le temps de rassurer un patient inquiet ou angoissé si nous manquons justement de temps ?

Parfois/souvent insatisfaits, ils peuvent même nous violenter. J’ai cette désagréable sensation d’à-moitié-fait, cette sensation d’insatisfaction et de culpabilité.

J’ai également cette peur, cette angoisse omniprésente de faire une erreur. L’erreur est humaine me direz-vous. Eh bien dans cette profession, c’est plus que jamais le cas. Elle est humaine car nous prenons soin d’autres humains. Et si nous faisons la moindre erreur… L’issue peut être fatale. Toujours plus vite, toujours plus. Productivité. Un mot que je ne pensais pas en lien avec les soins. Et l’humanité, est-elle oubliée ?

Que faut-il faire pour que notre situation soit modifiée ? Faire une grève ? Qui s’occuperait alors des patients ?

Heureusement, il y a les infirmiers pour nous encadrer et rectifier. Quand ils ont le temps évidemment. Je vois bien qu’ils font de leur mieux pour nous apprendre leur métier. Métier qui dans quelques mois sera le nôtre. Mais toutes ces responsabilités, serais-je capable de les assumer ? Je ne me sens pas prête. J’ai peur de ne pas assurer, de faire des erreurs dans de telles conditions.

Que faut-il faire pour qu’enfin nous soyons écoutés ? Que faut-il faire pour que notre situation soit modifiée ? Faire une grève ? Qui s’occuperait alors des patients ? Nous ne pouvons nous contenter que du brassard pour montrer notre mécontentement. Le gouvernement et la ministre de la Santé doivent bien en profiter afin de passer nos demandes sous clefs et les cacher.

Nous crions en silence. Encore combien de suicides de professionnels de Santé faudra-t-il ? Nous ne sommes pas morts mais on est en train de nous tuer… Pas seulement les infirmiers. Nos collègues aides-soignants, brancardiers, sages-femmes, médecins… Et les patients.

Je suis presqu’infirmière et je suis au bout. Au bout de cette lettre, au bout de ma formation mais surtout au bout du rouleau ».

« Se battre chaque jour pour garder espoir »

Beezy, étudiante en fin de deuxième année, témoigne à son tour pour encourager Axoul57 et dresse un portrait plus nuancé de la profession infirmière.

« Je comprends très bien ton ressenti, et je voulais témoigner pour peut être t'encourager à ne pas lâcher ! C'est vraiment une formation où il faut se battre chaque jour pour garder espoir et se prouver à soi même qu'on aura été capable d'aller jusqu'au bout!!

J'étais comme toi avant de rentrer dans l'école. J'idéalisais le métier d’infirmière, je ne pensais pas que ce serait si dur psychologiquement, si stressant. J'ai eu de mauvais stages en première année. Je suis tombée sur des personnes qui m'ont déstabilisée, qui me disaient que je n'étais pas faite pour ce métier, que j'étais trop "gentille" et j'ai eu affaire à des infirmières méchantes qui prenaient un malin plaisir à casser les élèves… Des infirmières sans respect qui oublient malheureusement qu'elles ont été étudiantes un jour… Pendant cette période, j'étais comme toi, vraiment au bout du rouleau. Je pleurais tous les jours en allant en stage et en rentrant, j'étais dégoûtée du mot " infirmière". Je me disais: "tu veux vraiment devenir ce genre de personne?" J'étais en dépression. Mais je suis tout de même allée au bout de ce stage.

L'école parle beaucoup de valeurs et d'humanités, mais finalement cette humanité, celle que l'on a en nous, qui nous a fait choisir ce métier et pas un autre, où est elle dans les services ?

Par la suite, en deuxième année, j'ai passé un stage qui m'a vraiment redonné le goût du métier et une motivation certaine. J'ai pu rencontrer des infirmières exceptionnelles à qui je serais fière de ressembler. Il est vrai que j'ai besoin de me sentir dans un environnement non stressant en stage pour m'épanouir et progresser davantage.

C'est par ce petit témoignage que je voulais faire passer comme message que oui, il y a fossé réel entre théorie et pratique, qu'à chaque stage, on doit faire ses preuves et qu'on est "lâché dans la fosse aux lions"" dans le monde du travail". Ce n'est pas facile, tu prends en maturité et surtout on s'affirme petit à petit.

Je suis également d'accord pour dire que c'est un métier dur au niveau des conditions de travail qui se détériorent de plus en plus, que les infirmières sont constamment sous pression car on n'a pas le droit à erreur quand on a des vies entre les mains.

L'école parle beaucoup de valeurs et d'humanités, mais finalement cette humanité, celle que l'on a en nous, qui nous a fait choisir ce métier et pas un autre, où est elle dans les services ? On passe plus de temps à tracer les transmissions et soins sur l'ordinateur qu’auprès du malade.

C'est un si beau métier par son côté humain et aidant, il faut continuer à se battre pour essayer de faire bouger les choses, ne pas abandonner car c'est le malade qui subira tout au final. S'il n'y a plus d’infirmières, il n'y a plus d'hôpital. C'est un tout, un travail d'équipe et ce n'est qu'en se soutenant, en étant humain au final, qu'il deviendra un métier très enrichissant.

S'il n'y a plus d’infirmières, il n'y a plus d'hôpital

Je suis d'accord avec toutes ses grèves qui montrent la force et le courage des soignants. Ce sont vous, professionnels au grand cœur, humains et courageux, qui nous donnez la force à nous petits étudiants de continuer à nous battre pour devenir un bon professionnel de santé.

Je suis également fatiguée de cette formation car c'est épuisant psychologiquement. Il faut tenir le coup et j'ai également peur de commettre une erreur plus tard, mais il faut se dire qu'il ne faut pas baisser les bras que si on est arrivés jusque là, ce n'est pas pour rien. On a eu du courage et on en aura encore ! Je ne te souhaite que du bonheur et de t'épanouir dans ce métier formidable. C'est ta dernière ligne droite et même si c'est un métier difficile, tu pourras être fière de toi, de ton parcours et tu sera une bonne infirmière! »

Rédaction Infirmiers.com


Source : infirmiers.com