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FORMATION

L'apprentissage par la simulation fait ses preuves en Ifsi

Publié le 20/01/2016

Cet article a pour objectif le partage d’une expérience dans la mise en place de la simulation à l’Ifsi de Chalon-sur-Saône au regard des contraintes et dans l’utilisation des ressources de l'établissement de formation. Explications.

Si rien ne vaut un « vrai » patient dans un lit pour apprendre son métier d'infirmier, l'usage de la simulation permet néanmoins l'acquisition de compétences non négligeables...

Le référentiel infirmier de 2009, renforcé par les circulaires de 2014, inscrit la simulation en santé comme un outil pédagogique à développer dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Rappelons que la simulation en santé est une technique pédagogique qui fait appel à des moyens audio-vidéos, à des simulateurs mannequins et/ou des patients standardisés afin de reproduire des situations de soins réalistes. L’objectif est de permettre aux participants d’après le Pr Gaba1d’acquérir et démontrer : des procédures, des habiletés pratiques, une pensée critique ainsi que des processus de prise de décision. Ces objectifs sont atteints grâce à la pratique du débriefing, en effet il n’y a pas de simulation sans débriefing. Néanmoins la pédagogie par simulation en Ifsi exige une réflexion et des investissements au niveau des moyens matériels, humains et des compétences formateurs pour répondre aux recommandations des bonnes pratiques en simulation  préconisées dans le rapport de JC Granry et de MC Moll2. Aujourd’hui les moyens alloués aux Ifsi ne peuvent être exclusivement affectés à la simulation, cela nous oblige donc à trouver des solutions qui associent bonnes pratiques en simulation et gestion efficiente. 

La génèse

Le centre de simulation de l’Ifsi du Chalonnais nommé aujourd’hui « Cesifi » est né au cours de l’année 2013 grâce à un partenariat avec le service de santé du SDIS 71 qui dispose d’un véhicule de secours médical équipé de moyens audio-vidéo, d’un mannequin haute-fidélité et d’instructeurs diplômés. Nous avons tenté une expérience avec les étudiants en soins infirmiers dans le cadre de l’unité d’enseignement des soins d’urgence. Les étudiants étaient placés sous la responsabilité d’un infirmier pompier et devaient  répondre aux différentes situations d’urgence dans la mise en œuvre des protocoles de soins infirmiers du service de santé de secours médical. Les étudiants étaient immergés dans un environnement réaliste, avec une équipe composé de trois sapeurs-pompiers et d’un infirmier sapeur-pompier pour apprécier le travail d'équipe en situation d’urgence. L’expérience de ces deux jours se soldera par un succès sans précédent au niveau de la dynamique pédagogique. L’analyse des questionnaires de satisfaction, remis aux étudiants en fin de séance, nous confortera dans la nécessité de développer cette méthode pédagogique en lien avec le référentiel de compétences.

La construction de notre projet s’est alors déployée selon quatre axes chronologiques :

  • la pédagogie ;
  • la formation des formateurs, ;
  • la logistique ;  
  • le financement.

La mise en place de la simulation haute-fidélité nécessite des moyens importants, néanmoins il nous a semblé important de construire un projet par étapes. En effet, nous voulions éviter l’écueil de circoncire la simulation à l’achat d’un mannequin haute fidélité onéreux sans réfléchir au préalable à la pédagogie avec la rédaction d’un programme complet de formation animé par des formateurs compétents en débriefing.

Des étudiants attentifs lors du debriefing... On s'interroge, on remet en question sa façon de faire et d'être...

La pédagogie

Nous avons commencé par sélectionner dans les référentiels de compétences et d’activités les situations d’apprentissage pertinentes requérant une pédagogie active par simulation. La simulation s’est  imposée comme une technique à développer dans les unités d’intégration, d’une part car le volume horaire disponible est important, d’autre part car les unités d’intégration sont des unités d’approfondissement des compétences en soins infirmiers. A partir de ce postulatn nous avons élaboré au sein de chaque unité d’intégration des scénarios qui visent une synthèse des différentes unités d’enseignement du semestre en lien avec le niveau de formation auquel l’étudiant est parvenu.

La formation des formateurs

Le deuxième axe du projet a été de développer les compétences des formateurs en pédagogie par simulation avec l’obtention d’un diplôme universitaire pour un formateur de l’Ifsi. Il a ensuite bénéficié de l’aide d’un infirmier-anesthésiste titulaire également d’un diplôme universitaire pour déployer la simulation dans toutes les unités d’intégration du programme infirmier. La pérennisation et le succès du projet repose sur la complémentarité clinique et pédagogique des deux instructeurs en simulation lors de l’animation des séances. Le binôme formateur en simulation a ensuite proposée une formation action à l’ensemble de l’équipe pédagogique autour des principes de construction d’une séance de simulation en IFSI à partir des recommandations HAS des bonnes pratiques en simulation du Pr Granry.

Simulation relationnelle : faire face à la souffrance, à la douleur... développer l'empathie...

La logistique en deux étapes

Lors de l’année universitaire 2013/2014, nous avons procédé à la mise en place de plusieurs séances de simulation avec des moyens techniques simples (caméscopes sur pieds avec micros) tout en bénéficiant du soutien logistique de nombreux partenaires (prêt du mannequin, aide technique du bio médical et des professionnels de soins). Les professionnels de la psychiatrie ont montré de réels talents dans le jeu d’acteurs patients et prouvé l’intérêt de l’outil dans le soin relationnel. Ces expériences ont démontré la faisabilité pédagogique et matériel du projet en identifiant trois espaces distincts, une salle de pilotage, une salle de visionnage/débriefing et une chambre patient. Nous avons, par la suite, grâce à l’aide d’un technicien biomédical, mis en place une installation audio-vidéo à partir du matériel de vidéo surveillance (caméras et enregistreur) qui, couplé au réseau informatique et à une table de mixage, nous permet d’avoir l’image et le son simultanément en salle de visionnage et de pilotage.

Le financement

La réflexion sur les aspects techniques nous a permis d’équiper un centre de simulation avec des moyens supportables pour un institut de formation tout en prenant en compte le potentiel matériel et spatial de l’Ifsi. Nous disposons d’un institut vétuste et d’une superficie limitée qui nous a contraints à envisager la polyvalence des locaux et utiliser le matériel disponible (vidéoprojecteurs, amplis sons, enceintes, salles de pratiques…). Grâce à notre taxe d’apprentissage, nous avons pu financer l’achat de chariot de soins et de divers matériels qui servent à la fois à la simulation et aux travaux pratiques. En juin 2014, notre projet pédagogique a été soutenu par le conseil régional de Bourgogne qui a financé intégralement l’achat d’un mannequin haute-fidélité. Dès la rentrée universitaire de 2014 nous avons pu mettre en place notre programme de formation par simulation dans toutes les unités d’intégration.

La salle de pilotage... et la formation du formateur qui va avec...

Les avantages de la méthode

Pour les étudiants, la simulation est un formidable outil pédagogique d’apprentissage pour les connaissances cliniques, techniques  mais surtout par rapport aux compétences non techniques que sont la communication, le travail d’équipe, la décision partagée, l’alerte, l’anticipation, l’organisation, le relationnel avec le patient et ses proches. Le débriefing permet aux étudiants de prendre conscience de leur posture de futurs professionnels dans un collectif de travail. Mais surtout, la simulation invite l’étudiant à être acteur de l’ensemble du processus décisionnel quel que soit la criticité de la situation, à la différence du stage où le tuteur prend le relais. L’effet miroir du débriefing, les principes de bienveillance, de l’erreur admise comme étant apprenante pour le groupe ont permis un apprentissage supérieur à d’autres méthodes objectivées dans nos évaluations. D’ailleurs, une étudiante diplômée en juillet dernier me disait j’ai rencontré la même situation en chirurgie que nous avions eu en simulation et je vous revoyais en train me dire qu’il faut surélever les jambes et c’est ce que j’ai fait... Témoignage fort  de l’impact cognitif de la simulation en situation réelle.

Aujourd’hui notre programme pédagogique en simulation est structuré entre des scénarios relationnels qui font appel à des professionnels acteurs (éducation thérapeutique, psychiatrie, gestion familiale) et des scénarios dits techniques qui font appel aux potentialités du mannequin. Enfin, pour compléter notre offre de formation de pédagogie par simulation, nous avons mis en place la simulation électronique en introduisant pour la deuxième année consécutive le serious game Florence, sur les trois années de formation (le risque infectieux, la transfusion sanguine et le circuit du médicament) qui nécessite un accompagnement du formateur pour décontextualiser le scénario du jeu.

Pour conclure

Si la simulation est une méthode incontournable dans notre projet pédagogique, sa mise en œuvre a nécessité :

  • un engagement total de la Direction et de l’ensemble de l’équipe pédagogique de l’IFSI ;
  • un travail en collaboration avec les diverses compétences de notre établissement hospitalier support (soignants, médecins, bio médicaux...) mais également avec tous les acteurs de la simulation au sein du territoire bourguignon. D’ailleurs cette collaboration nous permet aujourd’hui de proposer des actions de formation continue en simulation. 

Le deuxième enseignement de ce projet est de promouvoir la compétence des formateurs en simulation. En effet, si la simulation  peut se réaliser avec des moyens simples, sa mise en œuvre - et en particulier le débriefing- ne s’improvise pas. Enfin par rapport à l’impact pédagogique sur nos étudiants, nos évaluations ont mis en évidence un taux de satisfaction élevé et une intégration plus aisée des connaissances et des invariants de qualité en situation qui nous incitent à poursuivre. D’ailleurs nous souhaitons dépasser la mesure de la satisfaction chez nos apprenants  pour  tenter d’objectiver ou non des changements de comportements en situation réelle grâce à l’apport de la simulation dans le dispositif de formation.

Notes

  1. GABA, D (2004) The future vision of simulation in healthcare. Quality and safety in healthcare,13(suppl1), i2-i10N
  2. Granry,JC., Moll,M.C.(2012) Haute Autorité de Santé : Rapport de mission, Etat de l’art (national et international) en matière de pratiques de simulation dans le domaine de la santé.

Arnaud BARRAS   Cadre supérieur de santé IFSI- IFAS du Chalonnaisarnaud.barras@ch-chalon71.fr


Source : infirmiers.com