Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

ESI

"Je me pique l’index gauche en voulant prendre l’autopiqueur..."

Publié le 16/03/2017

Noémie, étudiante en soins infirmiers (1ere année) à Saint-Etienne, nous livre une analyse de situation vécue lors de son premier stage ; une situation d'hygiène observée dans un Ehpad accueillant 70 résidents. Après une semaine passée avec les aides-soignantes, quatre semaines s'annoncent maintenant avec les infirmières. Lors de son deuxième jour de stage, Noémie va être victime d'un accident avec exposition au sang (AES). Elle nous raconte cette expérience qui a suscité chez elle bien des questions… et quelques angoisses.

L'étonnement ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage

Formatrices dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Yamina Lefevre et Zohra Messaoudi ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement Hygiène et infectiologie (UE 2.10), de réaliser une analyse de situation à partir d'un étonnement vécu lors de leur premier stage . Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015, textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, puis d'une nouvelle série déployée en 2016 De nouveaux étonnements s'offrent à nous. Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.

Description de la situation

Au terme de cette fine analyse, cette jeune étudiante en soins infirmiers comprend l’importance des précautions standards en cas d'AES.

L'infirmière présente lors de cette journée qu’on nommera IDE B prépare son chariot pour faire le tour du matin. Je l'accompagne et, avant de commencer, nous nous lavons les mains au savon doux en prenant le temps de respecter les différentes étapes (paume contre paume, poignets…). Les tâches du matin, de 7h à 8h30 concernent les soins suivant : glycémies capillaires, injections d'insuline et prélèvements sanguins. Nous commençons toutes les deux notre tour. La veille, l’IDE B m’a expliqué les différents soins techniques des glycémies capillaires et  d'injections d'insuline. Elle me laisse donc les pratiquer ce jour-là. Nous arrivons bientôt à la fin de notre tour quand l’IDE B me laisse préparer mon plateau pour le patient qu’on appellera Mr R. Lors des soins, en effet, nous rentrons dans la chambre avec un plateau en inox, sans le chariot. Dans le couloir, je prépare donc mon matériel c’est-à-dire l’autopiqueur à usage unique, un coton, le lecteur de glycémie et sa bandelette, le stylo à insuline de Mr R avec un coton imbibé d’antiseptique - Chlorhexidine alcoolique 0.5% qui est un antisepsie de la peau saine avant et après acte de petite chirurgie - puis une paire de gants vinyle que je dispose sur mon plateau. Avant de rentrer dans la chambre de Mr R, je me frictionne les mains avec une solution hydro-alcoolique afin d’éviter une transmission directe et éliminer tout agent infectieux. Cette hygiène des mains fait partie des précautions standards à appliquer. Elle se réalise en sept temps (paume contre paume, paume sur dos, ongles sur la paume..), sur une durée de 30 secondes, pour que la solution soit totalement absorbée.

Nous voilà donc devant la chambre de Mr R avec l’IDE B. Je frappe, puis rentre. Je mets mes gants et pratique les soins : je réalise le dextro de Mr R puis je lui injecte de l’insuline en fonction de son protocole. Nous devons réaliser ce soin car Mr R est atteint de diabète de type 2. Nous revenons dans le couloir. Je commence à ranger mon plateau, l’IDE B discute avec l’aide-soignante (AS) du jour. Je jette mon coton dans un sac noir, oubliant que mon aiguille d’insuline est sur le plateau. C’est ainsi que je me pique l’index gauche en voulant prendre l’autopiqueur. Mon doigt commence alors à saigner. Paniquée, je ne dis rien à l’IDE B car elle est occupée. Je finis de ranger mon plateau et quitte mes gants. Nous partons ensuite toutes les deux, dans la salle de soins, ranger le chariot de soins.

Tout de même inquiète par ma maladresse, je me lance et explique à l'IDE B l’incident. Très rassurante, elle me dit ce n’est pas grave, cela arrive à tout le monde, nous allons consulter le protocole d’accident d’exposition au sang (AES). Un AES est un contact percutané ou muqueux ou sur la peau lésée avec du sang ou un liquide biologique. Dans la salle de soins, le personnel dispose d’un casier concernant les AES où le protocole est disponible. Je me lave les mains avec du savon doux, je ne fais pas saigner le point de piquûre, puis j’imbibe mon doigt d'un antiseptique : la Bétadine dermique qui est recommandé pour l'antisepsie des plaies ou brûlures superficielles et peu étendues, pendant environ 20 minutes. Puis, nous consultons le dossier médical de Mr R et constatons que ses résultats sanguins sont normaux. Nous allons voir le médecin coordinateur et le cadre de santé du service qui me demande si je portais bien des gants. Je lui affirme que j’ai bien respecté les règles de sécurité ; je portais en effet des gants lors de mon AES. Trois heures plus tard, l’IDE B fait une prise de sang à Mr R (pour contrôle des sérologies) avec son accord. Nous recevons ensuite les résultats de sérologies qui s’avèrent négatifs. C’est ainsi que lors de cette situation je me suis demandée :

  • En quoi les gants sont-ils importants ?  Comment nous protègent-t-ils des AES ?
  • Comment aurais-je pu éviter cet AES ?
  • Est ce que le protocole concernant les AES a-t-il été bien été respecté ? ;
  • Quels risques ai-je encouru ?

Je jette mon coton dans un sac noir, oubliant que mon aiguille d’insuline est sur le plateau. C’est ainsi que je me pique l’index gauche en voulant prendre l’autopiqueur.

Analyse de la situation

Tout d’abord, l’usage des gants est recommandé pour réduire le risque de contamination des mains du personnel soignant par du sang ou d’autres liquides biologiques et éviter la dissémination des germes dans l’environnement et le risque de leur transmission manuportée du personnel soignant au patient et vice versa, et d’un patient à un autre. Les gants doivent donc être utilisés lors de tout soin impliquant une exposition à du sang ou à tout autre liquide biologique, lors de l’application de précautions de contact et en situation épidémique. Toutefois, les gants n’offrent pas une protection absolue contre la contamination des mains et représente un risque de transmission s’ils sont mal utilisés. Celle-ci peut se produire lorsque les gants présentent des défectuosités ou lors de leur retrait. L’hygiène des mains par friction hydro-alcoolique ou lavage au savon et à l’eau reste la mesure essentielle garantissant la décontamination des mains après le retrait des gants1.

Lors de cet incident, alors que je portais des gants vinyles, l’aiguille est quand même entrée en contact avec ma peau. Le gant diminue l’inoculum viral de 30 à 60% par essuyage de l’aiguille. C’est pourquoi il est important de prendre l’habitude de les porter dès le début de la formation initiale. De plus, les gants vinyles se perforent plus facilement que les gants latex2. En effet, ces derniers « sont les gants les plus utilisés pour leur excellente propriété d’élasticité et leur résistance aux produits chimiques. Ce type de produit est une barrière de protection pour les utilisateurs. » Alors que les gants vinyles sont moins élastique que le latex ou le nitrile, le gant vinyle doit se limiter à des situations à faible risque, n’impliquant aucune exposition aux produits chimiques. Le  taux de défaillance du vinyle est plus élevé que celui du latex.3. Cependant les gants latex provoquent chez certains usagers des allergies.

Ensuite, pour éviter les AES, certaines précautions standards sont préconisées. Il est conseillé de porter des gants, d’utiliser un collecteur jaune à OPCT (objets piquants, coupants, tranchants)4. Je n’ai pas amené le collecteur dans la chambre car j’ai suivi les instructions de l’infirmière. Dans ce cas-là, j’aurai dû prendre soin de débarrasser en premier l’aiguille usagée. Ou bien, pour optimiser encore plus la sécurité, il serait préférable d'entrer avec un chariot dans la chambre du patient pour pouvoir y disposer un collecteur. Ainsi après la réalisation de mon soin (l’injection d’insuline) j’aurai pu directement y déposer l’aiguille et ainsi, éviter l’AES. Il est aussi conseillé d’utiliser le matériel de sécurité4. Après l’utilisation de l’autopiqueur à usage unique, le risque de se piquer est impossible car une mise en sécurité est intégrée. Mais concernant l’aiguille à insuline, celle-ci ne disposait pas de sécurité, c’est pourquoi il faut enlever l’aiguille automatiquement après l’injection, pour éviter de se piquer.

Pour optimiser encore plus la sécurité, il serait préférable d'entrer dans la chambre du patient avec un chariot afin de pouvoir y disposer un collecteur à OPCT

De plus, lors d’un AES, un protocole est préconisé (PDF). Nous devons immédiatement interrompre le geste de soin. Ce n’est pas ce que j’ai fait car j’ai ressenti un sentiment de peur et de honte. Mais je l’ai vite signalé tout de même au bout 2-3 minutes. Je me suis lavée au savon doux, en suivant les différentes étapes du lavage simple des mains puis j’ai imbibée mon doigt dans la Bétadine dermique pendant 20 minutes. Ensuite, nous sommes allées consulter le dossier médical de Mr R, pour vérifier les sérologies, celles-ci ne présentaient pas d’anomalies. Nous avons donc réalisé le contrôle des sérologies de Mr R trois heures après ma piqûre alors que le protocole indique qu’il doit être fait la 1ère heure qui suit l’accident. Un traitement prophylactique ne m'a pas été prescrit car le patient ne présentait aucun risque. C’est pourquoi les sérologies ont été réalisées plus tard car mon cas ne présentait pas d’urgence. De plus, la cadre de santé de l’EHPAD a prévenu l’Ifsi afin de déclarer un accident de travail en cas de séquelles.

Enfin, lors de cet AES, j’ai été exposé à divers risques5. En effet, plusieurs virus sont transmissibles par le sang tel que les VHB, VHC, VIH…, mais aussi les bactéries (staphylocoques…), les parasites, les champignons… Parmi eux se trouve les principaux risques auquel j’ai été confronté :

  • le virus de l’hépatite B (30%) : hépatite fulminante (0.1%), hépatite chronique (10%), cirrhose (4%), carcinome hépatocellulaire (0.4%) ;
  • le virus de l’hépatite C (3%) : hépatite chronique (80%), cirrhose (20%), carcinome hépatocellulaire (3à5%) ;
  • le virus HIV, qui conduit à une évolution vers le stade SIDA. Mais lors de cet accident, la sévérité de l’exposition n’était pas à haut risque car la piqûre n’était pas profonde, l’aiguille n’était ni creuse, ni souillée de sang et il ne s’agissait pas d’une aiguille intraveineuse. Le commencement d'un traitement prophylactique n’a pas été nécessaire car l’exposition était minime. De plus, le patient ne présentait pas de source VIH d’après son dossier médical.

Néanmoins, trois mois plus tard, un autre prélèvement sanguin est prévu pour moi afin de m’assurer de leurs résultats négatifs et que je ne présente pas de séroconversion.

Pour conclure

Au terme de cette analyse, j’ai pu comprendre l’importance des précautions standards en cas d'AES. Je me suis rendu compte des différents risques auquel le soignant est exposé au cours de son exercice J’ai compris qu’il était important de faire attention lors de chaque soin et après lorsqu'on range le matériel utilisé. Cet accident aurait pu avoir des conséquences graves pour moi. Tout de même, il m’a permis d’améliorer ma vigilance et de faire encore plus attention.

Bibliographie

  1. Documents de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) "Des mains propres sont des mains sûres"  (PDF) ; voir chapitre 6  p.21 "Utilisation des gants".
  2. Informations recueillies sur le site cclinouest.com
  3. Information prises sur le site prorisk.fr
  4. Cours sur l’unité 2.10 « Précautions complémentaires »
  5. Cours concernant l’unité 2.10, « AES »

NOEMIE ARSAC   Etudiante infirmière L1  Croix-Rouge Formations - Rhône-Alpes  Saint-Etienne (42)


Source : infirmiers.com