Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

HYGIENE

De l'importance de toujours bien penser en amont l’organisation d’un soin...

Publié le 07/01/2019
De l

De l

Une étudiante en soins infirmiers (L1) à Saint-Etienne, a effectué un stage en milieu de vie pour personnes handicapées mentales et/ou physiques ayant des soins psychiatriques. Elle évoque un change fait à une patiente qui a suscité chez elle nombre d'interrogations en matière de bonnes pratiques. La réflexion qui en résulte a mis à l’épreuve ses connaissances théoriques en hygiène et elle nous fait part de ses réflexions tout à fait pertinentes.

L'étonnement ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage

Formatrices et formateur dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Yamina Lefevre, Zohra Messaoudi et Christian Teyssier ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement Hygiène et infectiologie (UE 2.10) de réaliser une analyse de situation à partir d'un étonnement vécu lors de leur premier stage. Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015 , textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, puis d'une nouvelle série déployée en 2016 , suivis de nouvelles publications en 2017, de nouveaux étonnements s'offraient à nous en 2018 . Continuons de les découvrir en 2019 ! Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.

L'hygiène fait partie de tous les actes quotidiens, mêmes les plus courants et que par défaut de formation ou d’attention, le manque d’hygiène peut conduire à des risques infectieux importants aussi bien pour les patients que pour le personnel.

Etudiante en soins infirmiers (première année), j’ai réalisé mon premier stage en milieu de vie pour personnes handicapées mentales et/ou physiques ayant des soins psychiatriques. L’établissement accueille une quarantaine de résidents internes, ainsi qu’un groupe de quinze résidents externes venant uniquement en semaine. J’ai pu y rencontrer plusieurs professionnels : éducateurs, moniteurs éducateurs, l’infirmière de l’établissement, l'infirmière coordinatrice, le personnel d’entretien, la psychomotricienne, et les intervenants extérieurs tels que le médecin généraliste, le médecin psychiatre, la kinésithérapeute et le psychologue. Mais parmi tous ces professionnels, aucun aide-soignant. J’ai donc constaté par la suite que les tâches confiées en temps normal aux aides-soignants étaient réalisées par les éducateurs et moniteurs éducateurs. Durant ces cinq semaines de stages, j’ai pu assister à de nombreux changes et l’un d’entre eux m’a particulièrement interrogé sur plusieurs points.

Description de la situation

Cette situation a lieu durant ma première semaine de stage, j’étais alors en poste du matin. La matinée passée aux côtés de l’infirmière (qui ne reste que le matin), je suis donc affectée sur l’un des deux groupes de résidents, avec les éducateurs durant le repas et jusqu’en début d’après-midi. Après le repas, aux alentours de 13h30, nous allons avec X, éducatrice, effectuer le changement de protection d’une des résidentes, Madame C, immobilisée en fauteuil roulant par un plâtre au niveau de sa jambe gauche. Le change s’effectue dans sa chambre, la résidente allongée sur son lit.

X est en tenue de ville/civile (avec bijoux) et moi en blouse et chaussures médicales. Après m’être lavé les mains et les avoir désinfectées avec une solution hydro alcoolique, j’enfile une paire de gants tandis que X met directement les siens. Nous installons la résidente sur son lit puis, après avoir retiré son pantalon et remonté son haut, X retire la protection et la jette dans la poubelle de la salle de bain de la chambre qui était alors sans sac, pendant que je reste aux côtés de Madame C pour sa sécurité, car le lit est en hauteur et les barrières baissées.

X sort plusieurs gants de toilette à usage unique et un gant en éponge. Elle met ensuite du savon sur un gant jetable et débute la petite toilette de la patiente en allant de la zone anale jusqu’à la zone uro-génitale. X jette ensuite le gant par terre pour rincer et sécher avec les deux autres gants, jetés également par terre ensuite. Une fois la résidente habillée et le soin terminé, X ouvre un sac DAOM (échets assimilés aux ordures ménagères) afin d’y jeter les gants à usage unique puis je retire mes gants et me désinfecte à nouveau les mains au gel hydro alcoolique. Je reconduis la résidente au petit salon tandis que X part jeter la poubelle DAOM et le gant en éponge au linge sale. X retire ses gants et se désinfecte les mains avec du gel hydro alcoolique tandis que je pars me laver les mains.

Par conséquent, si je travaille en tenue civile ainsi qu’avec mes bijoux, je ne suis pas protégée et je ne protège pas les autres car ni l’un ni l’autre n’est compatible avec les règles d’hygiène.

L'analyse de la situation

A l’issue de ce change, plusieurs aspects me questionnent. Quels sont les risques pour moi et autrui si je ne me lave pas les mains et si je travaille en tenue de ville avec mes bijoux ? Quelles sont les conséquences si une protection souillée est laissée dans la chambre dans la poubelle sans sac ?Enfin, quel est le protocole à suivre pour une petite toilette, y a-t-il un risque si celui-ci n’est pas respecté, et que faire des gants (gants à UU et en éponge) utilisés ?
Tout d’abord abordons le lavage de mains. Bien que nous soyons en milieu de vie, le lavage de mains (réalisé en 7 temps) reste néanmoins essentiel. En effet celui-ci est indispensable :

  • avant tout contact direct avec un patient (et après) ;
  • avant tout soin propre ou tout acte invasif ;
  • entre un soin contaminant et un soin propre ou un acte invasif chez un même patient ;
  • après le dernier contact direct ou soin auprès d’un patient ;
  • après tout contact avec des liquides biologiques ;
  • avant de mettre des gants pour un soin et immédiatement après avoir retiré des gants.

En effet, de nombreux micro-organismes et près de 50 à 80% des infections sont transmis par les mains, élément démontré par le Docteur Semmelweis à propos de la fièvre puerpérale durant le 19ème siècle. celui-ci avait compris que la désinfection des mains au chlorure de chaux, entre le passage de l’autopsie et les examens des femmes accouchées, était étroitement liée à la réduction de la mortalité. Malheureusement son étude fut mal perçue par la communauté scientifique de l’époque. Le lavage de mains permet donc la réduction de ce risque de transmission et la suppression des germes transitoires. Quant à la solution hydro alcoolique (SHA), solution à séchage rapide, elle est conçue spécifiquement pour la désinfection des mains. Elle contient de l'alcool, un émollient, et parfois un antiseptique et agit par contact direct et mécanique (en friction) sur des mains sèches et d’apparence propre, car elle ne possède pas d’activité détergente. Sans rinçage, elle complète le lavage de main. La solution hydro alcoolique détruit environ 99% des micro-organismes présents sur nos mains. Cette friction est effectuée avant et après contact avec un patient, entre deux activités, avant et après le port de gants.

De plus, le lavage des mains à peau saine est défini par l’ANSES (L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) comme étant le lavage préconisé dès lors qu’un point d’eau potable est disponible. Il doit être systématiquement réalisé avec un savon (…) En absence de point d’eau disponible, l’utilisation d’un PHA (produit hydro alcoolique) est à recommander, en respectant un temps de friction d’un moins 30 secondes.
En somme, si je ne me lave pas les mains, cela induit un risque de transmission de micro-organismes et d’infections : pour moi-même, de patients à patients, pour le reste de l’équipe professionnelle, et pour mon entourage et mon milieu de vie, car si celles-ci représentent un outil de travail indispensable, elles sont aussi un vecteur de transmission.

Ensuite, la tenue professionnelle est spécialement réservée au lieu de travail. Elle est spécifique et adaptée aux exigences d’hygiène professionnelle. Elle doit protéger le soignant (ex. : projection liquide biologique sur la blouse) et permettre la réalisation correcte du lavage des mains avec des manches courtes. Elle doit être changée aussi souvent que nécessaire (impérativement si souillure par des liquides biologiques), idéalement tous les jours.

La tenue de ville est donc inadaptée au travail : elle ne permet pas au personnel d’avoir une hygiène adéquate lors de soins. De plus, elle véhicule des micro-organismes venus de l’extérieur comme par exemple les micro-organismes du sol transportés par les chaussures. Enfin, les bijoux et montres doivent être enlevés avant la prise de poste car ils transportent à leur surface de multiples micro-organismes (comme par exemple le Staphylococcus aureus, germe de la flore transitoire). En effet, même si la surface des bijoux paraît lisse, vue au microscope, celle-ci possède de nombreuses striures dans lesquelles s’installent les micro-organismes, faisant ainsi des bijoux un véritable nid de bactéries. Seule la montre silicone réservée à l'usage professionnel, se clipsant sur la tunique, et facilement nettoyable, est conforme aux règles d’hygiène.

Par conséquent, si je travaille en tenue civile ainsi qu’avec mes bijoux, je ne suis pas protégée et je ne protège pas les autres car ni l’un ni l’autre n’est compatible avec les règles d’hygiène.

Si une protection souillée est laissée dans la chambre à l’intérieur d’une poubelle sans sac, celle-ci représente un risque potentiel de contamination de la chambre si laissée telle qu’elle, non évacuée et à l’air libre.

Poursuivons notre analyse avec la protection laissée dans la poubelle sans sac. Cette poubelle étant la petite poubelle de la salle de bain de la résidente, elle n’était donc pas destinée à recevoir la protection souillée. De plus, aucun sac poubelle n’avait été installé préalablement. Si la protection est laissée ainsi, il y a un risque de dispersion du liquide biologique à même le plastique de la poubelle, car celle-ci est souillée et qu’aucun sac étanche n’a été installé. Or, le tri des déchets doit être réalisé dès la production au plus près du patient, lors de l’acte médico-technique dans la chambre. Dans le cas des protections, celle-ci sont généralement éliminées dans des sacs prévus pour les DAOM (déchets assimilés aux ordures ménagères), sauf quand les protections pour incontinence contiennent des urines ou des selles infectées, elles seront alors évacuées dans un sac DASRI (déchets d’activité de soins à risque infectieux). Ainsi, si une protection souillée est laissée dans la chambre à l’intérieur d’une poubelle sans sac, celle-ci représente un risque potentiel de contamination de la chambre si laissée telle qu’elle, non évacuée et à l’air libre. De plus, si la protection est laissée ainsi dans l’environnement de la résidente, elle risque d’entraîner des désagréments, notamment olfactif et visuel pour la personne, rendant donc son lieu de vie bien moins agréable.

La salle de bain se trouvant dans la chambre, aucune cuvette n’a été prévue. De ce fait, si je n’avais pas été présente lors du change, l’éducatrice aurait donc effectué les allers retours à la salle de bain en laissant la résidente seule sur son lit.

Enfin, abordons maintenant la petite toilette effectuée lors du change de la résidente. L’objectif est d’assurer l’hygiène de la peau et des muqueuses ainsi que le confort et le bien-être de la personne prise en charge. La petite toilette lors du change est organisée sur un plan de travail propre et dégagé et pour ce faire, nous devons disposer : d’une cuvette, d'une serviette et d’un gant, d'un savon, d'un change, d'un sac poubelle pour la protection souillée, du papier toilette ou essuie-tout, de gants non stériles à usage unique, de savon liquide et de serviette pour le personnel. Ensuite, afin de respecter la pudeur du patient, il faut fermer portes et fenêtres et demander au patient s’il n’a besoin de rien (bassin…). Il est ensuite nécessaire de se laver les mains. Remplir la cuvette d’eau chaude et faire tester la température de l’eau à la personne ou l’apprécier soi-même avec le coude. Enfin, il faut mettre des gants.

Dans le cas présent, la salle de bain se trouvant dans la chambre, aucune cuvette n’a été prévue. De ce fait, si je n’avais pas été présente lors du change, l’éducatrice aurait donc effectué les allers retours à la salle de bain en laissant la résidente seule sur son lit.

La petite toilette consiste à laver avec le gant savonné des deux côtés, faire pivoter d’1/4 de tour après chaque endroit : les grandes lèvres, les petites lèvres, puis le méat urinaire. Puis il faut bien entendu rincer et sécher. Celle-ci s’effectue toujours du haut vers le bas, autrement dit du plus propre au plus sale. Lors de la toilette féminine, il faut particulièrement veiller à ne pas revenir du bas vers le haut, au risque de causer une infection urinaire. En effet, chez certaines patientes, lors d’infections urinaires, des germes typiques des selles ont été trouvés, transmis certainement lors de la toilette.

Enfin, si je jette par terre les gants (gant en éponge et à UU) utilisés lors de la petite toilette de ce change, ceux-ci ayant été en contact avec l’urine et les matières fécales, il y a alors un risque de dépôt de germes sur le sol de la chambre. C’est donc pour cette raison que les gants à UU (Usage Unique) doivent être directement jetés dans un sac DAOM (déchets assimilés aux ordures ménagères), quant au gant en éponge, il doit être mis avec le reste du linge sale.

Donc, en cas de change, je dois toujours prévoir mon matériel et toujours aller du haut vers le bas, car si je fais l’inverse, je risque de provoquer une infection urinaire à la résidente. Enfin, les gants ne doivent pas toucher le sol et doivent être éliminés soit dans un sac DAOM soit avec le reste du linge sale du service, mais en aucun cas ceux-ci doivent être mis par terre sous peine de déposer des germes sur le sol de la chambre.

L'hygiène fait partie de tous les actes quotidiens, mêmes les plus courants et que par défaut de formation ou d’attention, le manque d’hygiène peut conduire à des risques infectieux importants aussi bien pour les patients que pour le personnel.

Pour ne pas conclure

En conclusion, cette situation de change m’a effectivement questionné sur de nombreux aspects concernant l’hygiène et l’infectiologie. Mais que pourrions-nous mettre en place pour éviter que cela ne soit reproduit ? Tout d’abord, il pourrait être intéressant que l’établissement propose aux deux équipes d’éducateurs, une formation relative à l’hygiène en milieu de vie, lors de changes, de toilette … En effet, durant leurs trois ans d’étude,  aucun module d’hygiène ne fait partie de leur formation. Il semble compréhensible que ces membres de l’équipe ne puissent effectuer les tâches normalement réalisées par des aides-soignants ou infirmiers correctement si ils n’ont jamais eu de formation auparavant.

De plus, de nombreuses sociétés fabriquant des protections anatomiques proposent des formations au sein des établissements les utilisant, afin de montrer au personnel comment bien les mettre, bien choisir tout en tenant compte de l’impact budgétaire. En effet, si les protections choisies pour les résidents sont inadaptées, une grande quantité sera écoulée rapidement, alors que si l’on choisit les bonnes protections pour chacun, moins seront utilisées à tort et l’impact budgétaire sera positif.

Dans une telle situation, ne pourrions-nous pas envisager l’intervention d’une infirmière hygiéniste ? En effet, sa mission consiste à sensibiliser, prévenir les infections, mettre en place des campagnes de prévention car elle a également un rôle d’éducation sanitaire. Les infirmières hygiénistes interviennent en milieu hospitalier mais pas seulement. Mais il reste à voir si celles-ci peuvent être sollicitées par des établissements privés. Cette intervention pourrait être bénéfique à la fois pour les équipes professionnelles travaillant dans cet établissement, mais également pour les résidents eux-mêmes, car l’hygiène est l’affaire de tous.

Pour finir, lors de cette situation, j’ai appris que l’hygiène fait partie de tous les actes quotidiens, mêmes les plus courants et que par défaut de formation ou d’attention, le manque d’hygiène peut conduire à des risques infectieux importants aussi bien pour les patients que pour le personnel. Le point positif de cette réflexion est que j'ai pu me rendre compte de l’importance de toujours bien penser en amont à l’organisation d’un soin, tant pour le soignant que pour le patient. De même, tout au long de la journée de travail, il est primordial d’intégrer les règles d’hygiène pour que celles-ci deviennent automatiques par la suite.

Sources

  • "Réussir tout le semestre 1", Editions Estem-Vuibert -75015 Paris, 2016.
  • Cours du Docteur Martin "précautions standards" sur DOKEOS.
  • Ministère de la santé et des sports, Guide Dasri Daom [en ligne] [consulté le 23/11/17] disponible à : www.solidarite-sante.gouv.fr
  • Reisacher Cedric, change de l’adulte âge, indications et incidences [en ligne] [consulté le 23/11/17] disponible à : www.infirmiers.com
  • CRF S SIAD Sedan, Protocole soins toilette génito- anale [en ligne] juillet 2004, mis à jour le 15/03/2010 [consulté le 23/11/17] disponible à : www.aressad.net
  • SIEP, fiche métier infirmier (ère) hygiéniste [en ligne] 2017, [consulté le 23/11/17] disponible à : metiers.siep.be

Une étudiante en soins infirmiers (L1 2017/2020)
Croix-Rouge Formation Rhônes-Alpes, Saint-Etienne.


Source : infirmiers.com