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COURS IFSI

La relation soignant-soigné : la médiation animale

Publié le 15/08/2023
La zoothérapie, quand l’animal sert de médiateur

La zoothérapie, quand l’animal sert de médiateur

Christine Paillard, documentaliste et lexicographe en sciences infirmières, propose d'analyser un concept et son application dans le champ infirmier, à partir de son Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, utile pour les Analyses de pratiques professionnelles et pour le Mémoire de fin d’études et l’exercice de la profession soignante.

Quand l’animal sert de médiateur au bénéfice des patient.e.s

La médiation animale est une notion plutôt ancienne mais on constate aujourd’hui un regain de notoriété pour cette pratique dans le champ sanitaire et social. De nombreux médias et documentaires ont montré son efficacité mais en quoi consiste-t-elle au juste ?

Qu’est-ce que la médiation ?

La médiation animale est souvent appelée zoothérapie, même si cette appellation prête parfois à confusion. Cette pratique s’appuie sur le rapport positif entre l’Homme et l’animal, pour maintenir ou développer des capacités cognitives, sensorielles ou physiques chez les personnes âgées, comme chez les plus jeunes… D’une manière générale, la médiation est le fait d’utiliser une personne, un animal ou un objet intermédiaire entre plusieurs individus dans une situation donnée (conflictuelle ou positive) visant à l’aboutissement d’un projet qu’il soit individuel ou collectif.

Il existe une définition légale de la médiation (livre V du Code de procédure civile (article 1530) : tout processus structuré par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles, qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. La médiation comprend un enjeu psychologique. Pour Donald Winnicott la médiation implique un espace de transition, qui s’instaure à partir de l’investissement de l’objet transitionnel, comme le doudou qui sert de lien entre la mère et l’enfant, et qui est pour ce dernier la première possession qui ne soit ni lui ni sa mère. Il est la première étape vers l’utilisation de l’objet et les relations objectales. La médiation se déploie dans un espace de liaison, entre le réel et le fantasme, entre le jeu et la réalité. La médiation peut s’appuyer sur un objet (ergothérapie, sociothérapie, prises en charge corporelles) ou sur un groupe.

La médiation de santé, en santé ?

Dans un contexte hospitalier, la médiation relève de bonnes pratiques dans le système de soins. Elle fait écho aux activités relationnelles. Pour Michel Nadot 1, la médiation est le premier moment du soin vécu comme un acte relationnel. Ce terme conceptuel est construit en première intention sur celui de la biomédiation, assemblant le bios du grec signifiant qui se rapporte à la vie ou ce qui la préserve et la médiation avec sa terminaison en –ion, qui indique le processus présent au sein des institutions de soins…. La médiation de santé est ici un soin relevant d’un processus mobilisé par un tiers, qui favorise la mise en relation du soigné avec des bénéfices de vie, c'est-à-dire un état de "mieux-être" par rapport au moment où une prestation de service s'impose (offre en soins).

La médiation en santé fait appel aux activités thérapeutiques en santé mentale. Plus précisément, la médiation thérapeutique plonge l’individu dans un état de conscience particulier où l’attention se concentre sur une pensée ou sur un objet […] elle s’est révélée efficace dans la prévention et le traitement de diverses maladies cardiovasculaires. Elle a aussi prouvé son utilité dans la réduction des pensées obsédantes, de l’anxiété, de la dépression et de l’hostilité. De plus, elle améliore la concentration et l’attention (Davis, Eshelman, McKay, 2008)

Pour Michèle Tortonèse, le cadre thérapeutique est une notion essentielle à la pratique infirmière, on l'utilise pour dénommer l'ensemble des dispositions matérielles, organisationnelles et surtout humaines, qui permettent et accompagnent l'émergence d'un processus thérapeutique par les relations soignants/soignés. Il permet d'articuler les nécessités du cadre de vie capable d'accueillir la psychopathologie, et les conditions des interventions soignantes et thérapeutiques. Les infirmiers sont à la fois ceux qui incarnent au quotidien les fonctions bienveillantes et apaisantes du cadre institutionnel, mais aussi ceux qui portent des fonctions limitatives. Ils sont, dans la proximité de l'accompagnement, les interlocuteurs qui peuvent, entre l'acte et la parole, faire qu'apparaisse un effet de sens, un modèle métaphorique de ce que peut être le processus thérapeutique.

La médiation animale, est une thérapie qui utilise “la proximité d’un animal domestique ou de compagnie, auprès d’un être humain présentant des troubles mentaux, physiques ou sociaux en établissements médico-sociaux ou de santé

La médiation dite animale

Bélair Sandie 2 parle de la médiation animale en analysant les nombreux articles et reportages qui véhiculent parfois quelques fantasmes tels que l’animal guéritl’animal thérapeutec’est magique. En effet, bien qu’ancienne, cette pratique se développe actuellement dans l’Hexagone et connaît une certaine notoriété.

 

En 2014, un groupe de travail pluridisciplinaire organisé par l’association Résilienfance, a élaboré une définition qui met en avant ses principaux leviers. La médiation animale est ici une relation d’aide à visée préventive ou thérapeutique dans laquelle un professionnel qualifié, concerné également par les humains et les animaux, introduit un animal d’accordage 3. Celui-ci vise la compréhension et la recherche des interactions accordées 3 dans un cadre défini au sein d’un projet. La médiation animale appartient à un nouveau champ disciplinaire spécifique, celui des interactions homme-animal, au bénéfice de chacun d’eux, l’un apportant ses ressources à l’autre 4.

L’animal n’est pas un médicament, ni un thérapeute. L’animal est un médiateur.

La zoothérapie animale ne guérit pas

Le préfixe zoo est emprunté au grec et signifie qui est animal. Thérapie, du grec therapeia désigne l’entretien, le traitement, le soin. Pour Eléonore Buffet-Canivet, la zoothérapie se définit par l'utilisation d'un animal dans le but de rompre l'isolement en créant des liens affectifs, d'améliorer les conditions de vie de personnes, d'entretenir et stimuler les fonctions cognitives et sensorielles. Pour les fondateurs de l’Institut Français de Zoothérapie, la zoothérapie ou la médiation par l'animal ne guérit pas. Ce n'est pas une médecine. L'animal n'est pas un médicament. L'animal n'est pas un thérapeute. L'animal est un médiateur. Il y a lieu de faire une distinction entre trois formes de médiation animale :

  • Thérapie par la médiation d'un animal ;
  • Activité éducative par la médiation d'un animal ;
  • Animation assistée par la médiation d'un animal.

Le terme zoothérapie est apparu vers le XVIIe siècle. D’après Patricia Faure 5, la médiation animale, en particulier la médiation équine , est aujourd’hui utilisée dans différents domaines : santé, social, éducation, développement personnel... C’est cependant dans le domaine du soin psychique qu’elle est apparue en premier lieu. Le York Retreat, en Angleterre en 1792, puis l’institut Bethel, en Allemagne en 1867, proposaient déjà des activités avec des animaux à des patients souffrant de troubles psychiques ou d’épilepsie. Toutefois, c’est à la fin des années 1950 qu’apparaît la notion de zoothérapie ou, plutôt, de psychothérapie assistée par l’animal chez l’enfant (pet-oriented child psychotherapy ). Le terme est né des expériences de Boris Levinson 6, pédopsychiatre américain, qui avait fortuitement découvert les effets bénéfiques de la présence de son chien auprès d’un enfant qu’il recevait en consultation, et qui a ensuite développé cette pratique. Selon F. Brossard 7, la zoothérapie consiste à mettre un animal à la place d’une personne (le recevoir, le coiffer, lui parler, jouer avec, le câliner, le promener…) pendant une ou plusieurs séances qui peuvent rester confidentielles. Il s’agit d’une pratique pouvant jouer avec l’anthropomorphisme. Le but est de créer une communication, notamment avec des personnes ayant des difficultés à utiliser le registre verbal. La question de l’identification de l’animal à l’homme est posée, voire, par ricochet, de l’homme à l’animal.

D’après Géraldine Widiez 8, la médiation animale, est une thérapie qui utilise la proximité d’un animal domestique ou de compagnie, auprès d’un être humain présentant des troubles mentaux, physiques ou sociaux en établissements médico-sociaux ou de santé. Celle-ci a pour finalité d’améliorer la qualité de vie, de stimuler les fonctions cognitives, de réduire les signes de stress et d’anxiété, de diminuer les effets secondaires liés à un traitement. Néanmoins, il y a un risque infectieux, ce qui peut freiner les projets en lien avec un animal. Les facteurs de risques peuvent être d’origine virale (rage, encéphalites), bactérienne (salmonellose, brucellose), parasitaire (toxoplasmose, gale) ou mycosiques(teigne). Leur gravité est très variable, allant d’une simple réaction locale à une infection mortelle….

Sylvie Jaquet 9, évoque la thérapie assistée par l’animal, comme un auxiliaire aux thérapies conventionnelles. Cela consiste à introduire un animal familier soigneusement sélectionné et entraîné, dans la démarche thérapeutique, en groupe ou en individuel, sous la responsabilité d’un professionnel spécialisé. Cette méthode peut être employée auprès de personnes chez qui l’on cherche à maintenir ou à améliorer le potentiel cognitif, physique, comportemental, psychosocial ou affectif 10. Pet Partner, la plus importante organisation responsable de la certification des animaux médiateurs aux États-Unis, insiste, dans sa définition, sur la nécessité d’avoir des objectifs précis pour chaque patient, et d’évaluer régulièrement cette pratique et ses résultats . Par exemple, une association de zoothérapie de Côte-d’Or (Association de zoothérapie de Côte-d’Or (Azco) a initié, en septembre 2011, un programme de médiation par l’animal pour les enfants atteints de lourdes pathologies avec le service d’oncologie pédiatrique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, afin de promouvoir leur bien-être pendant l’hospitalisation, et de faciliter leur adaptation au processus thérapeutique. Ce programme, a été établi en collaboration avec les équipes soignantes et d’animation avec un protocole d’hygiène rigoureux rédigé avec le service d’épidémiologie et d’hygiène hospitalières (SEHH), et validé par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales (Clin).

En conclusion, la médiation animale dans le champ de la santé ou zoothérapie, relève de protocole et d’un processus de connaissance de soi et de l’autre. L’animal de compagnie est un être aimé qui donne à la personne soignée du sens à la vie. La médiation animale s’articule entre le soi et les pertes qui se caractérisent par un vide (cognitif, sensoriel moteur). L’altérité est la confrontation des expériences dans un cadre relationnel comprenant souvent trois personnes, le soignant, la personne soignée et l’animal. Ce triangle soignant implique la prise en compte des capacités émotionnelles et interroge le processus mental pour aller vers un apaisement certain. Le caractère intersubjectif dessine un mouvement, une dynamique, un cercle vertueux qui favorise l’ancrage thérapeutique scénarisé, créatif, formalisé.

Notes

  1. Michel Nadot. Dictionnaire des concepts en sciences infirmières. Setes éditions. 20181
  2. Bélair Sandie. La médiation animale ou la clinique du lien », L'école des parents, 2017/5 (Sup. au N° 623), p. 101-131
  3. Accordage ou interactions accordées : ajustement des comportements, des émotions, des affects et des rythmes d’actions] auprès d’un bénéficiaire. Cette relation, au moins triangulaire. Il peut y avoir plusieurs personnes dans l’interaction.
  4. Toute influence réciproque entre un humain et un animal, au bénéfice des deux
  5. Patricia Faure. La médiation équine. Soins Psychiatrie. Vol.39. n°319. novembre 2018. pp. 45-47
  6. Levinson B. Pet-oriented child psychotherapy   Springfield: Charles C Thomas (1972).
  7. F. Brossard. « Z », dans : Michel Billé éd., Dictionnaire impertinent de la vieillesse. Toulouse, ERES, « L'âge et la vie - Prendre soin des personnes âgées et des autres », 2017, p. 339-340
  8. Géraldine Widiez. Prévention du risque infectieux lié à une présence animale. Soins Aides-Soignantes. Vol.14. n°78. septembre 2017. pp. 26-27
  9. Sylvie Jaquet . Un chien chez l’orthophoniste. Ortho Magazine. Vol 24, N° 135.mars-avril 2018.pp. 23-25
  10. Arenstein G-H, Lessard J. La zoothérapie, nouvelles avancées. Québec: Option santé; 2e édition; 2010.

Christine Paillard
Docteure en sciences du langage, diplômée en ingénierie pédagogique et licenciée en sciences de l’information et de la communication, elle accompagne les étudiant.es infirmier.ières (Ifsi, IPA) à l'acquisition de compétences informationnelles, linguistiques pour remobiliser une démarche documentaire  scientifique.


Source : infirmiers.com