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COURS IFSI

La relation soignant-soigné : la laïcité dans les IFSI

Publié le 15/08/2023
Cours IFSI - La laïcité dans les IFSI

Cours IFSI - La laïcité dans les IFSI

Christine Paillard, documentaliste et lexicographe en sciences infirmières, propose d'analyser un concept et son application dans le champ infirmier, à partir de son Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, utile pour les Analyses de pratiques professionnelles et pour le Mémoire de fin d’études et l’exercice de la profession soignante.

La laïcité légifère sur la liberté de culte qui reste une affaire personnelle dans la sphère publique. Des textes fondateurs marquent la séparation de l’Église et de l’État tout en garantissant le droit aux croyances. La laïcité dans les établissements de santé et plus particulièrement dans les Instituts de Formation en Soins Infirmiers est renforcée par la loi du 17 avril 2018 conduisant au respect du principe de laïcité à l’égard des étudiants. Cependant des questions demeurent et notamment celle des limites…

La notion de neutralité demeure le point central des décisions prises dans les établissements hospitaliers. Les professionnels de santé et les étudiants en soins infirmiers y sont soumis.

S’il fut en 1911 un néologisme, la laïcité inscrite dans l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qui stipule que nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par loi. Cette Déclaration marqua sa naissance à la Révolution française, forgeant l’idée de neutralité, d’un Etat laïque et donc indépendant de tous les clergés. Elle assura déjà l'égalité de tous les Français devant la loi, l'exercice de ses droits civils en dehors de toute condition religieuse…

Dans le contexte éducatif de Ferdinand Buisson, où il était question de supprimer les crucifix des murs des écoles, une circulaire faisait  écho à la loi de 1882 (sur l'enseignement primaire obligatoire) réaffirmait l’esprit de la loi, la loi de laïcité n’est pas une loi de combat, [mais] une de ces grandes lois organiques qui sont destinées à vivre avec le pays, à entrer dans ses mœurs, à faire partie de son patrimoine.

La laïcité est bien la séparation de l’Église et de l’État en produisant du sens civique dans un contexte de morale placée laïque, sous la IIIe République. La notion de neutralité éclaire la laïcité avec la loi du 9 décembre 1905,  ici, la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (…) (article 2). Ensuite, en 1946 la laïcité devient un principe constitutionnel avec notamment l’article 1er de la Constitution de la IVe République qui dispose que la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale et sera reprise dans la constitution de 1958. Des textes législatifs précisent parfois les rapports entre l’Etat et les institutions, les individus. Il y a eu la loi Debré (31/12/1959) qui assure aux enfants et adolescents dans les établissements publics d’enseignement la possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances. C’est la loi du 15 mars 2004, en application du principe de laïcité, qui évoque le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Ainsi, il y est stipulé Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire est précédée d’un dialogue avec l’élève.

 

Des Chartes de la laïcité sont par ailleurs adoptées, en 2007 dans les services publics (dont les hôpitaux) et en 2013 à l’école. Des guides sont élaborés, un observatoire de la laïcité permet de s’informer. La religion dans le champ hospitalier ne cesse de faire parler d’elle. Les voiles sont permis dans les Ifsi et beaucoup s’interrogent sur ce changement dans le contexte de l’Enseignement supérieur et de la recherche et de la santé.

Pour Ellen Hervé, directrice de soins et auteure de la laïcité dans la 4e édition du Dictionnaire des concepts en sciences infirmières, et dans de nombreux cas, il n’est pas toujours évident pour les professionnels de santé de se positionner notamment quand les patients leur opposent la charte qui prône un respect des croyances et pratiques de cultes. Il devient alors nécessaire de leur expliquer que ce respect de leurs convictions est contraint par l’organisation des soins et l’ordre public à l’Hôpital. Aussi, les étudiants, notamment dans le domaine des professions de santé, conservent durant leur formation universitaire théorique la possibilité de porter des signes religieux car ils sont à cet instant uniquement des étudiants de l’enseignement supérieur, ou dans des établissements de formation assimilés. Cependant, notamment lorsqu’ils sont en stage ou en formation professionnelle au sein d’un établissement public de santé, ils sont soumis à l’obligation de neutralité car ils exercent alors des fonctions médicales ou paramédicales et sont à ce titre assimilés à des agents du service public, cette disposition s’adapte dans les établissements de soins privés. A ce titre, pour les Instituts de Formation en soins infirmiers, l’arrêté du 17 avril 2018 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, renforce le respect du principe de laïcité à l’égard des étudiants en soins infirmiers en supprimant l’interdiction de port de signes ostentatoires de croyances ou convictions religieuses, mais le principe de neutralité est maintenu, ainsi que l’obligation d’un comportement respectueux de l’ordre public et une tenue vestimentaire adaptée aux enseignements.

Une nouvelle transformation vestimentaire questionne nos représentations, nos croyances, notre éducation, à partir de l’histoire émancipatrice infirmière qui porta en son temps des cornettes.

La notion de neutralité demeure le point central des décisions prises dans les établissements hospitaliers qui proposent parfois l’alternative d’un couvre tête, comme un bandeau-turban, au regard des règles d’hygiène et de sécurité, dans le respect des recommandations insistant sur le maintien de l’ordre public. L’identité soignante est aussi parfois le reflet d’un patient interculturel. Les signes, symboles peuvent tout aussi bien favoriser un soin mais il peut aussi essuyer un refus. Comment alors définir les limites ? la loi peut-elle simplement délimiter le périmètre des soins relationnels et techniques ? Le cœur de métier est-il menacé par une nouvelle tenue vestimentaire liée à la religion dans le champ laïc hospitalier ?

Dossier thématique :

Christine Paillard
Docteure en sciences du langage, diplômée en ingénierie pédagogique et licenciée en sciences de l’information et de la communication, elle accompagne les étudiant.es infirmier.ières (Ifsi, IPA) à l'acquisition de compétences informationnelles, linguistiques pour remobiliser une démarche documentaire  scientifique.


Source : infirmiers.com