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COURS IFSI

Intérêt des biomarqueurs en médecine d’urgence

Publié le 20/09/2013

Les biomarqueurs sont des outils précieux qui occupent une place de plus en plus importante dans les services d’urgence.  Leurs bénéfices : facilité d’accès mais aussi et surtout  apport quotidien au diagnostic (diagnostic positif de la pathologie ou son exclusion) ainsi qu’à l’orientation des patients, toujours plus nombreux, dans un contexte financier que l’on sait tendu avec des répercussions en termes de ressources humaines et de places d’aval.

Les biomarqueurs désormais indispensables pour l'aide au diagnostic

Un biomarqueur est un dosage biologique permettant d’évaluer, en accord avec l’examen clinique (les symptômes), un processus physiologique ou physiopathologique, une maladie ou encore la réponse de l’organisme à une intervention pharmacologique. Les biomarqueurs peuvent avoir une valeur diagnostique pour identifier un processus physiopathologique ou une maladie (syndrome coronarien aigu ou œdème aigu du poumon par exemple) ou pronostique, à court ou moyen terme, pour évaluer l’efficacité des thérapeutiques entreprises ou permettre l’orientation du patient dans la structure de soins la plus adaptée à son état.

Ils participent à des stratégies de prises en charge combinant données cliniques, biologiques et imageries recommandées par les sociétés savantes.

En médecine d’urgence, on aura tendance à privilégier la sensibilité du marqueur à sa spécificité pour exclure une pathologie

En médecine d’urgence, les biomarqueurs, qui tendent à se développer et à s’affirmer depuis quelques années, sont donc des outils précieux au service du médecin pour permettre de stratifier le patient en termes de processus physiopathologiques mais aussi de gravité de celui ci.

Ainsi une douleur thoracique évocatrice avec un électrocardiogramme (ECG) anormal et une troponine à 4 µg /L définit un syndrome coronarien aigu (SCA) avec nécessité de prise en charge en unité de soins intensifs de cardiologie (USIC) pour l’administration d’anti-thrombotiques puissants, voire d’une procédure invasive (coronarographie avec ou sans angioplastie). La troponine a donc une valeur diagnostique du SCA et pronostique d’un SCA sévère (infarctus probablement étendu) avec nécessité de prise en charge rapide et possibles complications létales.

Outre la vitesse à laquelle ils sont disponibles (dans l’heure suivant le prélèvement pour la plupart), plusieurs caractéristiques sont essentielles à connaître à propos des biomarqueurs, notamment leur spécificité et leur sensibilité. En médecine d’urgence, on aura tendance à privilégier la sensibilité à la spécificité pour exclure une pathologie, la spécificité, quant à elle, sera privilégiée dans la démarche diagnostique pour cibler une pathologie.

Par exemple, les D-dimères (dosés par la méthode de référence) sont très sensibles - une valeur négative (seuil de 500 µg/L) exclut généralement une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire - mais peu spécifiques car une valeur positive ne garantit pas qu’il y ait une thrombose ; seul le doppler ou l’angioscanner, selon les symptômes, confirmera une phlébite ou une embolie pulmonaire.

Quelques limites d'utilisation des marqueurs...

Les biomarqueurs sont déjà utilisés en pratique courant aux urgences (troponine, D-dimères, BNP et NTpro-BNP, lactate ou encore la procalcitonine (PCT) ou même simplement la « vieille » CRP) mais de nouveaux biomarqueurs sont à l’étude et devraient être disponibles prochainement.

Cependant, il existe des limites à leur utilisation :

  • d’abord aucun biomarqueur n’est idéal. Par exemple, il peut exister des petites embolies pulmonaires avec D-Dimères négatifs ;
  • ensuite, toutes les méthodes de dosage ne sont pas équivalentes ou comparables et il est important de connaître la technique utilisée dans son propre hôpital. Ainsi, on ne peut pas forcément comparer une valeur de BNP réalisée en ville sur tel appareil à la valeur dosée lors du passage au urgences quelques jours après du patient, sur un autre appareil de biochimie… ;
  • de plus, dans certaines situations, le biomarqueur est en défaut. Par exemple, il est dangereux de réaliser un dosage de troponine pour un infarctus du myocarde (IDM) en cours de constitution avec sus-décalage du segment ST. En effet, le diagnostic d’IDM est clinique et basé sur l’ECG. Rien ne doit donc retarder la prise en charge en salle de coronarographie ou la thrombolyse ;
  • certains biomarqueurs sont utiles dans certaines situations : la procalcitonine permettra de décider ou pas d’une antibiothérapie chez un patient BPCO (broncho-pneumopathie chronique obstructive) ayant une exacerbation suspecte de surinfection, mais elle n’aura aucun intérêt pour une appendicite ou un érysipèle de jambe par exemple ;
  • enfin, si le dosage n’est pas réalisé dans le contexte clinique « adéquat », l’interprétation du biomarqueurs est difficile : cas des valeurs modérément élevées de troponine ou de BNP chez des patients ayant un  accident vasculaire cérébral (qui certes ont un intérêt pronostique à très long terme) mais qui ne changent pas la prise en charge des premières heures et même parfois font errer le clinicien vers d’autres complications et entraînent la réalisation d’autres examens à priori inutiles.

Biomarqueurs actuels

BiomarqueurNormesIndicationsCaractéristiques
Troponine
(cTnT/I Hs)
Tn Ic Tn Tc (dépend du laboratoire) Marqueur spécifique de nécrose myocardique (Syndrome Coronarien Aigu)
  • Protéine cardiospécifique régulant la contraction musculaire cardiaque
  • 3 iso-formes de troponines : I, C et T
  • Augmentation à partir de la 3ème heure et reste élevée jusque 10 jours après début de la nécrose cardiaque
  • Marqueur diagnostic et pronostic de gravité
  • Dosages répétés en cas de suspicion de SCA non ST + de moins de 12h
  • Augmente dans toute pathologie provoquant une ischémie myocardique ou une inadéquation entre besoins et apports (sepsis, anémie ou encore insuffisance rénale)
D-dimères Marqueur sensible mais non spécifique de thrombose veineuse
(phlébite/embolie pulmonaire)
  • Produit de dégradation de la fibrine qui s’élève en présence de caillot
  • Une valeur négative exclut généralement une phlébite/embolie pulmonaire mais une valeur positive ne confirme rien et devra être explorée (doppler/angioscanner)
  • Non contributive si âge > 75 ans, grossesse, syndrome inflammatoire, cancer ou encore en post-opératoire

BNP
(Brain Natriurétic Protéin)

NT pro-BNP
(Fraction N terminale du BNP)

> 500 pg/ml : ICA

> 2000 pg/ml : ICA
Marqueur précoce et spécifique d’insuffisance cardiaque (ICA) avec probable œdème aigu du poumon (OAP)
  • Hormone sécrétée par les myocytes ventriculaires en réponse à une distension de leur paroi
  • Permet de différencier l’origine cardiaque ou pulmonaire d’une dyspnée
  • Marqueur diagnostic et pronostic de gravité
  • Demi vie plus longue du NT-proBNP
  • Augmente surtout avec âge et si insuffisance rénale aigue/chronique
CRP
(C Réactive Protein)

Marqueur, non spécifique, de l’importance d’un syndrome inflammatoire

Marqueur délaissé en pratique quotidienne actuelle

  • Augmentation dans toutes situations pathologiques entrainant une réponse inflammatoire (infection virale ou bactérienne, post-opératoire, polytraumatisé, maladies systémiques inflammatoires)
Procalcitonine (PCT) > 2,5 ng/ml : Risque élevé de sepsis sévère/choc septique
> 0.25 ng/ml : Antibiothérapie recommandée si IRB

Marqueur spécifique de l’infection bactérienne systémique (sepsis)

  • Méningite à examen direct négatif
  • Suspicion infection liquide d’ascite
  • Etat de choc
  • Infection respiratoire basse
  • Pro-hormone de la calcitonine libérée pendant le sepsis dès la 4ème heure.
  • Marqueur plus précoce et spécifique que la CRP (n’augmente pas dans les viroses et inflammations non bactériennes)
  • Marqueur pronostic de gravité du sepsis mais également des accès palustres
  • Oriente la décision et la poursuite d’antibiothérapie dans les infections respiratoires basses (IRB)
Lactate Marqueur précoce d’hypoxie tissulaire notamment au cours des états de chocs
  • Forme ionisée de l’acide lactique
  • Augmentation par excès de production ou défaut d’élimination
  • Marqueur pronostic de gravité de dysfonctions organiques notamment si acidose associée.
  • Si Lactactémie > 5 mmol = Etat de choc (septique, hémorragique Etc.)
Lipase Marqueur spécifique de la pancréatite aigue
  • Enzyme sécrétée par le pancréas dont le rôle est l’hydrolyse (digestion) des acides gras
  • Augmente également en cas de cancer ou lithiases pancréatiques
  • Possible augmentation iatrogène par la morphine

Les nouveaux biomarqueurs

BiomarqueurNormesIndicationsCaractéristiques
Copeptine Marqueur précoce de stress vasculaire
  • En association avec d’autres biomarqueurs (par exemple avec la troponine dans l’exclusion du syndrome coronarien aigu)
Protéine S100-β Marqueur spécifique d’un haut risque de complications hémorragiques post traumatisme crânien (TC)
  • Protéine gliale spécifique
  • Population cible : patients avec TC 13
  • Dosage permettant de cibler les patients à risque devant bénéficier d’un scanner crânien
Pro-adrénomédulline
(MR-proADM)
Marqueur précoce d’hypoxie cellulaire
  • Peptide vasodilatateur qui augmente dans les états hypoxiques (insuffisance cardiaque, SCA, sepsis et états de choc)
  • Meilleur marqueur pronostic (gravité) que le BNP et NT pro-BNP dans l’insuffisance cardiaque et les pneumonies aigues communautaire
  • Aide à l’orientation des patients
Pro-ANP
(MR pro-ANP – Atrial Natriurétic Peptid)
Marqueur diagnostic des insuffisances cardiaques
  • Peptide vasodilatateur et diurétique secrétée par les oreillettes en cas d’augmentation de la pression intra-cardiaque (distension des parois)
  • Performance équivalente voire supérieure au BNP et NT pro-BNP
NGAL
(Neutrophil Gelatinase Associated Lipocalin)
Marqueur précoce et spécifique d’insuffisance rénale aigue
  • Protéine exprimée par les PNN et cellules épithéliales des tubules rénaux
  • Elévation importante dans le sang/urines 2 à 4h après une atteinte rénale aigue par néphrotoxicité ou ischémie
  • Beaucoup plus précoce, sensible et spécifique que la créatinine

Bibiographie - webographie

  • Procalcitonine ou CRP : Quelle utilisation rationnelle en médecine d’urgence de deux biomarqueurs de l’inflammation et de l’infection ?, P. Hausfater, Urgences 2009, chapitre 55, SFMU, Juin 2009.
  • Les 10 fondamentaux à connaître sur la troponine en 2012 - Y. Cottin, Consensus cardio pour le praticien N°79, Mai 2012.
  • La troponine en pratique quotidienne - P.Sauval, Urgences 2003, chapitre 3, enseignements supérieurs médecins, Juin 2003.
  • Le lactate en réanimation - C.IChai, conférence d’actualisation 2000, SFAR.
  • Le lactate dans tous ses états, J.Levraut, Urgences 2009, chapitre 56, SFMU, Juin 2009.
  • www.biomarqueurs.eu, revue bibliographique et d’actualité sur les biomarqueurs d’urgence.
  • www.vulgaris-medical.com, encyclopédie médicale.
  • Les biomarqueurs, S.Charpentier, urgences 2011, chapitre 31, Juin 2011.
  • Actualités sur les biomarqueurs en médecine d’urgence, urgences 2013, Juin 2013, SFMU.
  • Comment interpréter les biomarqueurs de la dyspnée aiguë en urgence, P. Ray, COLMU du Centre, Mai 2012.
  • Les biomarqueurs en médecine d’urgence, PCT et BNP, P. Ray, COLMU 2009.
  • Apport des marqueurs biologiques, S. Delerme, C. Chenevier, P. Ray, Urgences 2008, chapitre 56, Juin 2008.
  • Intérêts et limites des biomarqueurs cardiovasculaires, P. Ray, publié sur www.biomarqueurs.eu

Mickael PERCHOC Infirmier urgentiste Rédacteur Infirmiers.com mickael.perchoc@infirmiers.com

Je remercie le Docteur Patrick Ray, chef du service d’accueil des urgences de l’hôpital Tenon (Paris), en sa qualité d’expert, pour sa relecture attentive et ses remarques dans la réalisation de cet article.


Source : infirmiers.com