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COURS IFSI

Cours – Tout savoir sur la congruence et l’authenticité

Publié le 29/09/2017
Equipe soignante avec un patient

Equipe soignante avec un patient

Dans ce nouveau cours consacré à la « congruence » et à l’ « authenticité », Christine Paillard en quoi ces notions parfois floues sont importantes dans l’accompagnement des personnes soignées.

Chaque mois, Christine Paillard, ingénieur pédagogique, propose d'analyser un mot, son étymologie et démontre son importance dans le domaine du soin ; un mot figurant dans son Dictionnaire des concepts en soins infirmiers – Vocabulaire professionnel de la relation soignant-soigné.

Allier relation soignant/soigné et authenticité n’est pas toujours évident.

La congruence peut se définir simplement comme l’adéquation entre des émotions ressenties en lien avec les réactions non verbales provoquées par ces émotions. Pour un soignant, ce comportement réaliste implique une certaine disponibilité à accueillir les souffrances et les causes sans faire paraître de réaction inappropriée, maladroite ou relevant d’un certain jugement défavorable par la personne soignée, écoutée. Ici, il ne sert à rien de faire semblant d’être accueillant si le soignant ne l’est pas. La congruence soutient cette manière d’être du professionnel qui manifeste une concordance entre ce qu’il ressent, ce qu’il pense, ce qu’il dit et ce qu’il fait. Pour Jacqui Schneider-Harris1, la congruence, est la capacité d’être réellement soi-même, de prendre conscience de qui l’on est, et de pouvoir vivre cette identité pleinement et ouvertement. Il s’agit d’un processus d’acceptation de soi, favorisant l’expression réelle de soi-même et, à travers cette dynamique, qui permet la rencontre réelle avec autrui… La notion de congruence est également très importante dans l’accompagnement des personnes en démarche de soins, car, afin d’adapter au mieux les réponses et les stratégies aux situations de vie des personnes, il est nécessaire qu’elles puissent nous dire, le plus sincèrement possible, ce qui se passe réellement pour elles.  Indépendante du système rogerien, la congruence se reconnaît par son approche humaniste .

Une approche centrée sur la personne

La congruence relève d’une approche centrée sur la personne (ACP) et nécessite une écoute active , la reformulation, le non jugement, l’empathie et l’acceptation inconditionnelle, qui sont les caractéristiques de la relation d’aide chez Carl Rogers qui définit ainsi cette approche : la relation d’aide psychologique est une relation permissive, structurée de manière précise, qui permet à l’individu d’acquérir une compréhension de lui-même à un degré qui le rende capable de progresser2. Selon Wilders Sue3, l’empathie est un concept qui est intégré aux conditions de congruence et de regard positif inconditionnel. Elle existe au sein du contexte de la non-directivité et est considérée comme un prédicat de la tendance actualisante. Cette congruence interroge notre authenticité. Celle-ci peut se diviser en deux aspects, celui de son identité personnelle/professionnelle et par la question des relations interpersonnelles.

L'identité professionnelle et les valeurs personnelles

Selon Erickson, 19594, la motivation la plus importante de l’être humain est la quête de l’expression de son Soi au cours de sa vie. En effet, au cours du stade de développement d’intégrité puis de générativité, l’adulte cherche à vivre dans l’authenticité et à être son vrai soi par le biais de l’expression de soi. Dans la tradition humaniste, l’authenticité est essentielle au développement de l’individu. Elle en constitue même une finalité5. Carl Rogers6 souligne l’importance d’être son vrai soi et considère que l’authenticité provient de la congruence entre le soi et l’expérience immédiate. Selon Hodgkinson7, être authentique, c’est être fidèle à soi-même, à son système de valeurs. Pour J. Ménard et L. Brunet8, l’aspect interpersonnel de l’authenticité, quant à lui, porte davantage sur l’intégrité ou l’éthique, de même que la responsabilisation de l’individu…

On définit donc l’authenticité comme le fait d’assumer ses responsabilités et de respecter autrui, de même que les normes établies. Ainsi, selon les tenants de cette conception, une personne authentique est une personne éthique et intègre. Il s’agit d’une vision dite interpersonnelle de l’authenticité puisque l’individu est authentique vis-à-vis autrui. Ici, c’est l’autre qui juge de l’authenticité dont l’individu fait preuve.

Une évaluation interactive

Dans une démarche de soins, la congruence interroge des valeurs internes, des motivations profondes et concerne la qualité d’une relation de soin par sa résonance authentique. La personne soignée agit, réagit en évaluant naturellement le positionnement du soignant. La relation soignant-soignée suggère une analyse de situation par le professionnel. Pour Maeona K. Jacobs-Kramer et Peggy L. Chinn9, s’interroger dans quelle mesure nous « savons ce que nous faisons » et « faisons ce que nous savons » suscite une prise de conscience tant du soi authentique que du soi divulgué. Cela permet un mouvement personnel vers la force intérieure, la sincérité et l’authenticité – des caractéristiques associées à la congruence. La réflexion et la réponse constituent le contexte du processus associé à l’évaluation du soi comme un type de savoir. Pendant que l’individu examine le soi, les perceptions et intuitions lui sont renvoyées par les autres. Les réponses réfléchies fournissent une perception concernant le soi de l’individu et sa congruence. Lors des interactions de soin, l’infirmière et le patient participent à un partage de leur « soi » respectif et unique. Lors de cette rencontre, ce qui est divulgué devient une base de savoir concernant l’authenticité du soi et des autres. La situation unique de la rencontre entre patient et infirmier permet une divulgation réciproque du soi. Alors que les patients et les infirmiers se focalisent sur la situation du patient, une prise de conscience accrue de ce que chaque personne ressent ou « sait » et de la façon dont elles agissent ou de ce qu’elles « font » apparaît dans la rencontre....

La non directivité, principe constant chez Carl Rogers, et l’écoute empathique permettent de conscientiser un savoir faire né du fruit de son dialogue intérieur exposé à l’expérience interpersonnelle. La rencontre devient alors une matière à produire du sens avec une approche désireuse de transformation.

Notes

  1. Schneider-Harris Jacqui. Counselling centré sur la personne et non directif et la relation soignant.e-soigné.e.  Recherche en soins infirmiers, 2007/2; n° 89. pp. 52-57
  2. Rogers. C. La relation d’aide et la psychothérapie. Paris : ESF ; 2002, cité par Françoise Bourgeois.  Les soins relationnels. La revue de l'infirmière. Vol 61, N° 180  - avril 2012. pp. 49-50
  3. Wilders Sue. Le travail non-directif avec des consommateurs de drogue et d’alcool. Approche Centrée sur la Personne. Pratique et recherche. 2017/1.n° 23. p. 48-63
  4. Erickson E. Identity and the life cycle. International Universities Press   New York, NY: W.W. Norton & Cie 1959, cité par J. Ménard et L. Brunet. Authenticité et bien-être au travail : une invitation à mieux comprendre les rapports entre le soi et son environnement de travail.
  5. Maslow A.H. Toward a psychology of being Princeton, NJ: Van Nostrand. 1968
  6. Rogers C. On becoming a person: a therapist’s view of psychotherapy   Boston, MA: Houghton Mifflin. 1961.
  7. Hodgkinson C. Educational leadership: the moral art   Albany, NY: State University of New York Press, 1991.
  8. J. Ménard et L. Brunet. Authenticité et bien-être au travail : une invitation à mieux comprendre les rapports entre le soi et son environnement de travail. Pratiques psychologiques. V. 18, n°1.mars 2012.  pp. 89-101
  9. Maeona K. Jacobs-Kramer et Peggy L. Chinn. Perspectives en matière de connaissance : un modèle de savoir infirmier. Revue francophone internationale de recherche infirmière.V.1, n°4. décembre 2015. pp 245-250

Christine PAILLARD   Ingénieur pédagogique  Rédactrice Infirmiers.com

L'auteur

Christine Paillard est docteure en sciences du langage, diplômée en ingénierie pédagogique et titulaire d'une licence en information et communication. Ingénieure documentaire, elle accompagne les étudiants infirmiers à l'acquisition de compétences informationnelles pour remobiliser une démarche documentaire dans une logique professionnelle et universitaire.

Les ouvrages déjà parus


Source : infirmiers.com