Fréquente, encore taboue, l'urgenturie ne doit pas être considérée comme un symptôme banal, tant en raison de son retentissement sur la qualité de vie de ceux qui en souffrent que du fait qu’elle peut être le signe d’une pathologie sous-jacente potentiellement grave. Cette forme d'incontinence urinaire peut être traitée efficacement d'autant que les moyens thérapeutiques disponibles sont désormais de plus en plus variés. Chez l'homme, l'avis d'un urologue est nécessaire avant de l'attribuer communément à une hyperplasie bénigne de la prostate.
Néologisme anglo-saxon, l'urgenturie désigne une envie impérieuse et brusque d'uriner difficilement contrôlable et aboutissant le plus souvent à une perte d'urine. Elle se distingue de l'incontinence d'effort dans laquelle la perte d'urine n'est pas précédée par le besoin urgent d'uriner mais, comme son nom l'indique, consécutive à un effort même modeste (toux, éternuement, activité physique d'une manière générale). Reste que ces deux types d'incontinence peuvent coexister chez le même patient, en proportion variable (c’est le cas chez 30 à 40 % des femmes) ; on parle alors d'incontinence mixte.
Quelques généralités
L’incontinence urinaire par urgenturie se rencontre à tout âge - même si sa prévalence comme celle des autres types d’incontinence augmente avec l'âge - et dans les deux sexes. Elle peut exister seule, mais elle est le plus souvent associée à d’autres symptômes : mictions fréquentes (pollakiurie) et/ou nocturnes (nycturie : distincte de l’énurésie qui survient pendant le sommeil). Elle est le symptôme central du syndrome d’hyperactivité vésicale, conséquence d’un trouble de la régulation consciente de la vidange vésicale.
Étiologies
L'urgenturie a quatre types de causes :
- une atteinte vésicale quelle qu’elle soit (cystite - le plus souvent infectieuse et chez la
femme ; parfois inflammatoire ou à la suite d’une radiothérapie -, tumeur de la vessie, calcul vésical) ; - certaines pathologies neurologiques (traumatisme de la colonne vertébrale, spina bifida, sclérose en plaques, accident vasculaire cérébral, neuropathie diabétique, maladie de Parkinson…). L’incontinence en est parfois le premier signe clinique, pouvant révéler la maladie grâce à une exploration spécialisée ;
- un obstacle à la vidange vésicale, par exemple une sténose de l’urètre chez la femme ou une hyperplasie bénigne de la prostate chez l’homme. Cette étiologie représente la majorité des incontinences masculines ;
- il arrive qu’aucune cause ne soit trouvée : on parle d’incontinence idiopathique.
L'urgenturie est le symptôme central du syndrome d’hyperactivité vésicale, conséquence d’un trouble de la régulation consciente de la vidange vésicale.
Retentissement sur la qualité de vie
Bien qu’elle soit fréquente, l'urgenturie ne doit pas être considérée comme un symptôme banal du fait de son retentissement important en termes de qualité de vie : diminution des activités sociales (domestiques, professionnelles, sportives), par intermittence ou en permanence, risque d’isolement, perturbations émotionnelles, troubles du sommeil. Ces troubles sont accentués par la difficulté ressentie par la plupart des patients à en parler à leur entourage, voire à leur médecin. Beaucoup d’entre eux attendent une résolution spontanée de leurs symptômes ou les minimisent, voire les trouvent "normaux". L'enjeu est donc le dépistage auquel est confronté le médecin généraliste.
Recours à l'urologue
L'urgenturie peut aussi être le signe d'une pathologie sous-jacente potentiellement grave (cystite, calcul vésical tumeur de la vessie, maladie neurologique). Raison pour laquelle l'avis d'un spécialiste (urologue) s'avère nécessaire avant de pouvoir l’attribuer chez l’homme à sa cause la plus fréquente : l’hyperplasie bénigne de la prostate. Pour la femme, chez laquelle l’incontinence urinaire d’effort (IUE) est plus fréquente, il est important que l’urologue pose un diagnostic précis (IUE, incontinence par urgenturie ou incontinence mixte), afin de choisir un traitement adapté, une condition sine qua non de l’efficacité du traitement.
En fonction de la symptomatologie, ce dernier pratique ou prescrit les examens complémentaires susceptibles d’aider à poser le bon diagnostic. La tenue par le patient d'un calendrier (ou catalogue) mictionnel s'avère un outil informatif fondamental : horaire des mictions, volume, caractère spontané ou à l’effort, sensation de vidange vésicale, gouttes résiduelles, pose de protection urinaire, symptômes associés (urgence mictionnelle, brûlures, douleurs...). L'urologue l’interroge également sur son hygiène de vie : fréquence des boissons, horaires. Ce bilan oriente le diagnostic et permet souvent de donner quelques conseils hygiéniques de bon sens comme par exemple de ne pas trop boire avant de se coucher.
Stratégie thérapeutique
Calendrier mictionnel et kinésithérapie
Les moyens thérapeutiques sont proposés en fonction du bilan urologique, des souhaits du patient et des résultats des traitements essayés. Ce sont d’abord des mesures hygiéno-diététiques (limitation des boissons, notamment thé et café, perte de poids, arrêt du tabac - facteur irritatif -, traitement de la constipation si besoin…) et le traitement d’une cause éventuellement identifiée, y compris l’hypertrophie bénigne de la prostate. Le traitement peut être complété, notamment chez la femme, par la rééducation périnéale effectuée avec l’aide d’un kinésithérapeute spécialisé. Cette rééducation permet de renforcer le verrouillage des muscles du périnée afin de mieux résister aux envies pressantes ; elle permet aussi de jouer sur un réflexe qui agit, grâce à la contraction de ces muscles, sur la relaxation de la vessie.
Anticholinergiques en traitement de référence
Les anticholinergiques sont le traitement de première intention de l’hyperactivité vésicale. À noter : leur utilisation chez l’homme doit absolument être précédée d’un avis urologique en raison de leur risque de défaut de vidange urinaire. Actuellement, cinq anticholinergiques sont disponibles en France, sachant toutefois qu’il est impossible de déterminer à l’avance le médicament le plus adapté à tel ou tel patient. Ils ont des effets modestes mais réels sur le nombre de mictions journalières, d’épisodes journaliers d’urgenturie, d’incontinence urinaire par urgenturie et de nycturies. Il est essentiel de prévenir le patient des éventuels effets secondaires (essentiellement bouche sèche et constipation), assez fréquents et cause majeure d’arrêt des traitements
, indique le Dr Véronique Phé, chirurgien-urologue dans le service d’urologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP).
Le traitement dure en moyenne trois mois. En cas de résultats insatisfaisants, il est possible d’associer deux anticholinergiques, mais avec le risque d’augmenter les effets secondaires.
Neuromodulation
L’échec du traitement médicamenteux conduit à proposer au patient une technique chirurgicale mini invasive : pose d’une électrode de stimulation d’une racine nerveuse sacrée (S3) et d’un boîtier sous-cutané de déclenchement (pacemaker de la vessie). Utilisée depuis une dizaine d'années, cette neuromodulation sacrée a souvent de très bons résultats (+ de 50% de réponses).
Nouveaux venus
Cette gamme thérapeutique va s’enrichir prochainement de deux nouveaux outils.
Les bétamimétiques (ou bêta-3 agonistes), représentés par le mirabegron, sont une alternative aux anticholinergiques. Comme ceux-ci, ils agissent sur la vessie par des mécanismes différents, avec un profil d’efficacité comparable et une bonne tolérance (seule une minorité de patients interrompt le traitement en raison d’effets secondaires : augmentation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque). Ils ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne. L’AMM française devrait quant à elle être délivrée cette année. Le choix d’un anticholinergique ou du mirabegron en première intention n’a pas encore de base objective, en dehors des contre-indications ou effets secondaires attendus, précise le Dr Phé. Les urologues attendent d’en avoir une plus grande expérience. En revanche une étude est en cours pour évaluer l’efficacité et la tolérance de l’association d’un bétamimétique et d’un anticholinergique.
Les injections de toxine botulinique A dans la paroi vésicale pourraient être proposées en deuxième ligne en cas d’échec de la neuromodulation sacrée. À la suite de plusieurs études démontrant leur intérêt, une demande d’AMM dans l'incontinence par urgenturie chez le sujet non neurologique a été déposée.
Autant de solutions variées, éprouvées et innovantes, pour permettre aux 2 millions de patients souffrant d’incontinence par urgenturie de regagner sans conteste une qualité de vie mise à mal et de traiter l’origine du trouble si besoin.
Source : Association française d'urologie, dossier de presse "Urgences urinaires : ne courez plus, des solutions existent", 7-12 avril 2014, semaine nationale de la continence
Valérie HEDEF valerie.hedef@orange.fr
Pour en savoir plus
Le site internet de l’Association française d’urologie (AFU) - www.urofrance.org - met à la disposition des professionnels de santé et des patients des informations utiles sur l’incontinence et ses traitements (fiches pathologies, fiches interventions, vidéos pédagogiques...).
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