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Cours - La migraine, quand elle n’en fait qu’à sa tête !

Publié le 22/10/2019
Migraine - Prédisposition génétique et facteurs déclenchants

Migraine - Prédisposition génétique et facteurs déclenchants

Migraine - Attention à la surconsommation médicamenteuse

Migraine - Attention à la surconsommation médicamenteuse

Cours - La migraine, quand elle n’en fait qu’à sa tête !

Cours - La migraine, quand elle n’en fait qu’à sa tête !

La migraine est une maladie considérée comme courante et bénigne mais elle peut altérer sérieusement la qualité de vie de ceux qui en souffrent. D’après l’étude mondiale sur le fardeau des maladies (Global Burden of Disease 2016), la migraine serait la deuxième pathologie responsable d’années de vie avec handicap. Et pour cause, elle touche un Français sur cinq et 15 % de la population mondiale. Plus qu’un simple mal de crâne, elle se définit par des crises récurrentes de céphalées avec un examen clinique normal.

La migraine atteint principalement une population jeune (les crises débutent avant 40 ans dans 90 % des cas).

La migraine est définie comme un mal de tête ou céphalée d’intensité variable, récurrent, pulsatile (impression de battement) et le plus souvent unilatéral. Elle peut être accompagnée de signes digestifs ou neurologiques variés. Le diagnostic ne peut être établi qu’après plusieurs crises (au moins cinq). Il est posé suite à un interrogatoire. On constate la normalité de l’examen clinique des personnes atteintes car il n’existe pas de marqueur de la migraine. Cet interrogatoire permet notamment de repérer le nombre, l’intensité des crises et leur fréquence, précise le Dr Anne Donnet, neurologue.

Une crise peut dépasser 48 h chez 10% des migraineux

Migraine avec aura ou non

Chez 20% à 30 % des migraineux, la céphalée est précédée ou s’accompagne d’une aura, un trouble neurologique transitoire entièrement réversible. Les troubles visuels sont les auras les plus fréquentes (90% des cas) avec la vision de points, de taches brillantes ou encore la présence de trous dans le champ de vision. On parle alors de migraine ophtalmique. Il peut également s’agir de troubles sensitifs ou de langage (fourmillements ou engourdissements d’une main ou de la face ou des difficultés à s’exprimer). La plupart du temps, ces signes se manifestent sur le côté opposé à celui de la douleur qui va suivre.

Chez la moitié des patients, la durée de la crise ne dépasse pas six heures et peut être raccourcie via des traitements. Cependant, pour 10% des personnes touchées, elle peut dépasser les 48 heures. La fréquence des crises est aussi très variable, allant de quelques épisodes par an à plusieurs par mois. Contrairement aux idées reçues, la migraine peut impacter tous les individus. Toutefois, elle reste une pathologie avec une large prédominance féminine (entre 15% et 18% des femmes en sont affectées pour 6% des hommes). Cette pathologie touche majoritairement les jeunes adultes car les crises commencent avant 40 ans dans 90% des cas. Néanmoins, 5% des enfants prépubères en souffriraient également. Chez l’enfant, les crises migraineuses sont généralement plus courtes et la douleur est davantage localisée au niveau frontal ou bilatéral.

En revanche, il faut faire attention à distinguer la migraine de la céphalée de tension, un autre type de mal de crâne avec des symptômes distincts. Elle provoque une douleur moins vive, non pulsatile, plus diffuse et ne s’aggrave pas suite à un effort. Si elle peut aussi être accompagnée de photophobie (signes visuels), il n’y a jamais de symptômes digestifs associés. Il est important de bien discerner les deux pathologies car les traitements adéquats sont bien différents.

Prédisposition génétique et facteurs déclenchants

Le caractère héréditaire de la migraine est connu depuis le 19ème siècle. Certaines évidences laissent supposer qu’il est plus important pour celles avec aura. Il n’existe pas de gène de la migraine à proprement parler mais d’une association de plusieurs variantes génétiques qui constitue un terrain fertile au développement de la maladie. Plus d’une douzaine de ces variations ont été identifiées depuis 2010 selon l’Inserm. Toutefois, la migraine hémiplégique familiale est un cas particulier car elle dépend d’une mutation d’un seul et même gène. A ce jour, quatre gènes sont connus. C’est une maladie dominante : c’est-à-dire qu’une seule copie du gène suffit. Ainsi, quand une personne est touchée, elle a 50% de risque de transmettre le gène et donc la pathologie à chacun de ses enfants.

En plus, d’un terrain génétique favorable, des facteurs internes ou externes jouent un rôle prépondérant dans le déclenchement d’une crise migraineuse. Il s’agit préférentiellement de changement émotionnels ou physiques. Surmenage, effort physique particulièrement intense, volume de sommeil (dette ou excès), variations hormonales, climatiques (fortes chaleur, vent violent), sensorielles (odeur ou lumière fortes), alimentaires (jeun, repas lourd), dans tous les cas il s’agit de changement d’état. Ces facteurs sont très variables selon les personnes atteintes et restent inconstants chez un même individu. Eviter certains de ces facteurs comme adopter des horaires de sommeil régulier ou ne pas sauter de repas permet de réduire les crises. Cependant, les patients ne doivent pas systématiquement se conformer à une conduite drastique car ce type de démarche peut, à l’inverse, les rendre encore plus sensible au moindre changement.

Le cas de la migraine cataméniale

Le cycle hormonal féminin demeure un des facteurs déclencheur les plus puissant. Les migraines menstruelles ou cataméniales arrivent en fin de cycle au moment de la chute du taux d’oestradiol. Si les migraines exclusivement dues au cycle ovarien sont rares (7% des patientes), un tiers des femmes touchées ont des crises pendant les menstruations. Si les crises à ce moment là sont fréquentes la prise d’un traitement prophylactique quelque jours avant la fin du cycle, notamment des AINS (anti-inflammatoire non stéroïdiens) ou l’administration d’oestradiol par voie topique, peut s’avérer utile.

Les traitements de crise

Actuellement, il n’existe pas de traitement curatif de la migraine. La prise en charge repose essentiellement sur des traitements de crises et de fond. Les médicaments de crises sont destinés à réduire la sévérité et la durée de la céphalée alors que ceux pris en traitement préventif sont destinés à diminuer la fréquence des crises. Ils permettent ainsi de réduire la consommation des substances à prendre quand la douleur survient.

En effet, pour contrôler la douleur lors de la survenue du mal de tête, les AINS et les triptans restent les deux classes de médicaments recommandés depuis 2013. Les triptans sont spécifiques à la céphalée migraineuse. Ce sont des antagonistes sérotoninergiques. S’ils sont généralement bien tolérés, ils sont contre-indiqués en cas de problèmes vasculaires. L’association d’un AINS avec un triptan peut s’avérer utile chez les sujets atteints qui ne sont pas soulagés par le triptan seul. Toutefois, il ne faut pas dépasser 8 jours de prises par mois pour éviter l’abus médicamenteux. Cela peut engendrer des céphalées chroniques.

Par ailleurs, le paracétamol, souvent utilisé en automédication, est bien moins efficace que les traitements cités ci-dessus. Quand aux antalgiques opiacés, il ne faut en aucun cas y avoir recours en raison du risque trop important de surconsommation.

A ce jour, d’autres traitements spécifiques et non vasoconstricteurs sont à l’étude notamment les gépans ou les ditans.

Traiter de manière préventive

Un traitement de fond est à envisager si les crises sont trop rapprochées (plus de deux par mois) ou si elles sont longues, intenses et ne sont pas soulagées malgré un traitement de crise optimal ou encore si les médicaments sont consommés plus de 5 à 7 jours par mois. Plusieurs médicaments ont montré leur efficacité via des essais cliniques contre un placebo comme les bêta-bloquants, certains médicaments employés contre l’hypertension artérielle, certains antidépresseurs, antiépileptiques, ou molécules agissant sur les récepteurs de la sérotonine.

La toxine botulique pourrait être une alternative chez les patients lourdement touchés par des migraines chroniques. Ce traitement serait efficace d’après deux essais cliniques. Il repose sur des injections réalisées tous les trois mois dans différents muscles du crâne et de la face. Cet usage de la toxine botulique a été approuvé dans de nombreux pays européens, mais pas en France.

En parallèle, la simulation transcrânienne a aussi fait ses preuves chez certains individus. Cette technique consiste à appliquer pendant plusieurs minutes un stimulateur sur la tête. Les impulsions magnétiques modifient le fonctionnement électrique des neurones et préviennent la douleur. Petit problème : la taille des dispositifs actuels ne permet pas une utilisation dans la vie quotidienne. Enfin, certains travaux sur la relaxation ont démontré un effet bénéfique notamment chez l’enfant et les adultes dont la survenue de la migraine est liée au stress. L’acupuncture semble aussi soulager certaines personnes même si les preuves scientifiques demeurent limitées.

Seulement 6,9% des migraineux ont eu recours à un neurologue !

Attention à la surconsommation médicamenteuse

Une vaste étude sur la base de données EGB (Echantillon Généraliste des Bénéficiaires) de l’Assurance maladie sur les patients migraineux a récolté de nombreuses informations sur le sujet. Les principales observations de ces travaux sont préoccupantes : les patients migraineux consomment plus d’antalgiques de palier 2 et 3 que le groupe témoin. D’autre part, la proportion de participants souffrant d’affections de longue durée (ALD) s’avérait deux fois plus importante chez les personnes touchées par la migraine et même quatre fois supérieure chez ceux qui abusent des triptans !

Or, malgré l’impact notable de la pathologie sur la vie courante la plupart des personnes touchées restent longtemps en errance thérapeutique, selon une enquête menée en France sur 1652 participants. Les patients attendent 4 ans en moyenne entre l’apparition des premiers symptômes et la première consultation. Par ailleurs, environ 40% des individus atteints ne consultent pas et 80% ne sont pas suivis pour cette maladie.

D’autre part, en cas de prise régulière de traitements de crise ou de substances inappropriées, les patients peuvent entrer dans un cercle vicieux : l’abus médicamenteux. Ceci engendre la survenue de céphalées chroniques. Selon l’analyse des données, beaucoup de patients sont à risque car 92,5% d’entre eux ont eu au moins une délivrance de triptans. Parmi ceux qui ont déjà obtenu des prescriptions avant 2014, 3,4% surconsommaient ces médicaments. De même, le recours aux antalgiques de niveau 2 et de palier 3 (comme les opioïdes) est deux fois plus élevé chez les migraineux par rapport au groupe contrôle. En parallèle, plus d’un tiers des patients se serait fait prescrire au moins une fois un traitement de fond. De nombreux patients vont s’auto-médiquer avec des antalgiques non-spécifiques qui ne seront pas suffisamment efficaces. Concrètement, le patient a une migraine épisodique qui va s’accentuer au niveau de la fréquence.  Il va prendre trop souvent des médicaments et s’inscrire dans un cercle vicieux où le traitement va soulager plus ou moins bien la douleur, créer la crise du lendemain et générer un fond douloureux permanent, explique le Dr Donnet.

Un lien entre pathologie migraineuse et dépression ?

Autre point mis en avant par l’étude EGB : un surrisque de dépression. Plus précisément 9,6% des migraineux étaient en affection de longue durée pour dépression sévère. Le risque de développer ce type de pathologie est multiplié entre 3 et 5 fois en fonction du niveau de consommation de triptans. Parmi les individus souffrant de migraine avec une surconsommation de cette catégorie de médicaments, le recours aux antidépresseurs était 4 fois plus fréquent. La prise d’anxiolytiques aussi était supérieure à celle du groupe témoin. Les personnes atteintes de migraine ont une probabilité plus importante de souffrir d’anxiété ou de dépression. Deux interprétations sont possibles : cela peut être une conséquence de la dégradation de la qualité de vie pouvant aller parfois jusqu’à l’invalidité. La seconde hypothèse est que la pathologie stimule des zones du cerveau communes à celles impliquées dans un état dépressif et que ces pathologies aient en partie un mécanisme neurologique commun, précise, le Dr Donnet.

Le risque de souffrir d’une dépression sévère est multiplié entre 3 et 5 fois en fonction du taux de consommation de triptans

La recherche se prend la tête sur les mécanismes des crises

La migraine est due à une excitabilité anormale des neurones comme c’est le cas pour l’épilepsie. Il existe une prédisposition génétique et la pathologie est modulée par des facteurs environnementaux mais on ne sait pas exactement comment la crise se déclenche. Néanmoins des progrès sont réalisés afin de mieux comprendre les mécanismes responsables de la céphalée. L’activation de nerfs innervant les méninges provoquerait une vasodilatation dans cette zone ainsi qu’une inflammation neuronale et déclencherait la transmission de la douleur via le tronc cérébral. Récemment, des chercheurs du CNRS et de l’Inserm ont découvert qu’une protéine aurait un rôle clé dans cette activation : une piste à suivre pour mettre au point de nouveaux traitements contre la pathologie.

Il est même présumé qu’en cas de crise de migraine très fréquentes, les neurones se remanieraient notamment dans les centres de contrôle de la douleur. Mais, pour l’instant, ni l’origine, ni les conséquences de ce remaniement ou son niveau de réversibilité ne sont connus.

En ce qui concerne l’aura migraineuse, elle serait probablement provoquée par un dysfonctionnement transitoire du cortex cérébral, ce qui entraîne une dépolarisation des neurones et ainsi une baisse de leur activité avec une légère diminution du débit sanguin, d’où les troubles visuels, sensitifs ou du langage.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com