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COURS IFSI

Brûlures : physiopathologie, classification et prise en charge

Publié le 08/08/2023

Ce document est un support pédagogique et non un protocole. Il ne doit en aucun cas venir se substituer aux protocoles des services dans lesquels vous êtes amenés à exercer. Il a pour but de vous aider à comprendre la physiopathologie et la prise en charge du patient brûlé.

Avertissement : certaines images peuvent heurter la sensibilité des lecteurs

Ne seront pas traités de manière exhaustive les différents cas particuliers de brûlures (électriques ou chimiques par exemple).

 

Définition et épidémiologie

Il s’agit de la destruction de la peau +/- des tissus sous-jacents. Cette destruction débute dès 50°C avec une exposition > 15 minutes. La croissance des lésions est exponentielle avec la température : à 70°C il ne suffit que d’une seconde d’exposition pour être brûlé !

Il existe différents mécanismes pouvant entrainer une brûlure (thermique, chimique et électrique) et ceux-ci sont répartis de la manière suivante :

  • 60% = accidents domestiques et loisirs ;
  • 60% = flammes et liquides chauds ;
  • 33% = enfants de 1 à 4 ans (liquides chauds).

Qu’est-ce qu’une brûlure grave ?

  • Surface brûlée > 25% chez l’adulte et > 20% aux âges extrêmes de la vie ;
  • Brûlure du 3ème degré sur plus de 10% de la surface corporelle ;
  • Brûlures cervico-faciales ;
  • Brûlures des mains ;
  • Brûlures au niveau des organes génitaux ;
  • Brûlures par inhalation ;
  • Brûlures circulaires ;
  • Brûlures chimiques, surtout par acide fluorhydrique ou phosphorique (car désordres métaboliques associés) ;
  • Traumatismes associés.

Selon Santé Publique France en 2014, 31% des brûlures hospitalisées le sont pour des enfants de 5 ans et 47% pour des patients de 15 à 59 ans.

Les brûlures graves représentent 9,4% des cas avec un taux de létalité de 2,3% (âge moyen = 67,8 ans).

Physiopathologie de la brûlure

L’agression cutanée est à l’origine d’une réponse locale biochimique et cellulaire. Si celle-ci est importante un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) voire un syndrome de défaillance multiviscéral peut survenir.

La brûlure est une pathologie inflammatoire

Il s’agit d’un phénomène en 2 temps :

  • Phase pro inflammatoire qui peut durer jusqu’à 10 jours
  • Phase anti inflammatoire, de J10 jusqu’à plus de 1 an (immunodépression).

Cela aura alors plusieurs conséquences sur différents plans :

• Hémodynamique en 3 phases :

  1. Augmentation des résistances vasculaires
  2. augmentation de la perméabilité pulmonaire avec augmentation de la pression artérielle pulmonaire et réduction du débit cardiaque
  3. baisse de réponse aux vasoconstricteurs avec réduction de la vasoconstriction hypoxique et augmentation du début shunté.

Par conséquent : TOUT BRÛLÉ DOIT ÊTRE OXYGÉNÉ

• Ventilatoire :

  • Épaississement de la paroi alvéolaire
  • Œdème interstitiel

• Œdèmes : Maximal dans les 4 heures suivant la brûlure ; plus rapides et plus importants dans le cadre d’une brûlure superficielle car la vascularisation est préservée.

  • Destruction des protéines du secteur interstitiel
  • Augmentation de la perméabilité capillaire avec fuite de liquide et de protéine (albumine)
  • ->AUCUN intérêt d’un remplissage par colloïde dans les 48 premières heures.
OBJECTIFS : Limiter les conséquences de la réponse inflammatoire pour prévenir les risques d’un syndrome de défaillance multi viscéral

Caractéristiques des brûlures

La peau a de multiples fonctions dont : la régulation des liquides, la protection contre les agressions de l’environnement, la thermorégulation, l’interaction avec l’environnement (sensibilité), et un rôle dans certains métabolismes. Elle est composée de 3 couches (épiderme, derme et couche sous-cutanée) dans lesquelles des structures particulières sont contenues, telles que des glandes, des follicules pileux, des nerfs et des vaisseaux sanguins (figure 1). Ce qui explique pourquoi au-delà d’une certaine profondeur, la douleur ne se fait plus ressentir par exemple (destruction des nerfs).

Anatomie peau

Figure 1 : Anatomie de la peau

Une brûlure profonde implique 3 zones de tissus cutanés :

  • Zone de coagulation = zone centrale, majoritairement affectée, nécrotique et incapable de se régénérer
  • Zone de stase = cellules lésées, souvent temporairement, si elles sont oxygénées rapidement. C’est la stagnation de l’irrigation de sang dans cette zone après la brûlure qui lui confère son nom. La précocité et la bonne prise en charge du patient contribuera au rétablissement de l’oxygénation de ces tissus et évitera la nécrose.
  • Zone d’hyperémie = zone la plus profonde, peu affectée sur le plan lésionnel, on y observe une augmentation de l’irrigation sanguine secondaire au processus inflammatoire.

1. Profondeur des brûlures

Schéma brûlure

Figure 2 : Schéma représentant les différentes atteintes cutanées en regard de la profondeur d’une brûlure

Il arrive souvent que la profondeur d’une brûlure se révèle évolutive dans le temps ; ainsi une brûlure initialement notée comme étant du deuxième degré peut, après débridement et détachement de l’épiderme, se révéler être du troisième degré. Il en va de même pour l’étendue et nous y reviendrons.

Par conséquent, une brûlure doit être évaluée de manière prudente en phase initiale et surtout réévaluée régulièrement afin de ne pas retarder sa prise en charge optimale.

Brûlures du premier degré :

Elles ne concernent que l’épiderme et sont caractérisées par une peau rouge et douloureuse (c’est classiquement le coup de soleil).

Sauf si elle est très étendue chez le nourrisson et le jeune enfant, la brûlure de premier degré n’engendre généralement aucune conséquence clinique. Ce type de brûlure évolue favorablement vers la guérison en 3-4 jours sans laisser de cicatrice.

Brûlures du deuxième et troisième degré :

Figure 3

Figure 3 : Caractéristiques des brûlures du 2ème et 3ème degré

• Les brûlures du 2ème degré concernent l’épiderme et une partie plus ou moins importante du derme. Elles sont caractérisées par une douleur importante (superficiel) à modérée (profond) et la présence de phlyctènes. Sous ces phlyctènes, le derme apparaît :

  • 2ème degré superficiel : rouge (vascularisé) -> guérison sous pansement en
  • 2ème degré profond : blanc (coagulation des vaisseaux) -> traitement chirurgical obligatoire

Figure 4

Figure 4 : Brûlures par ébouillantement avec visualisation de zones de 2ème degré superficiel et profond - ©FRADIN Jordan

Brulure main

Figure 5 :  Brûlure thermique de 2ème degré profond avec main « dégantée » - ©FRADIN JordanQ

Que faire des phlyctènes ?

Vous vous êtes sans doute déjà posé la question de savoir s’il fallait ou non percer une phlyctène (en dehors de l’hôpital). La présence de protéine dans la phlyctène provoque une inflation de la perte liquidienne entrainant le phénomène au risque d’élargir la lésion. Cela créer une augmentation de pression au niveau du tissu lésé qui a pour conséquence d’augmenter la douleur et réduire les chances de cicatrisation si elles sont maintenues trop longtemps. Néanmoins, dans un environnement hostile (préhospitalier), le risque d’infection est accru. De ce fait, le débridement des phlyctènes doit être effectué mais UNIQUEMENT dans un environnement où la limitation d’une exposition à l’infection est réduite.

 

• Les brûlures du 3ème degré ont une couleur variable, une texture cuir et sont insensibles (destruction du réseau nerveux). On y observe un placard blanchâtre à marron, une perte complète d’élasticité et de souplesse. Dans les cas graves, la peau peut avoir une apparence carbonisée. Il y a de plus un risque de compression des éléments sous-jacents et, en cas de brûlures circulaires, des ischémies de membres par effet garrot. -> Prise en charge chirurgicale +++

Figure 6

Figure 6 : Brûlures thermiques de 3ème degré (aspect carbonisé et « cuir » de la peau) - ©FRADIN Jordan

• Enfin, on retrouve dans la littérature l’existence de brûlure du 4ème degré qui concerne les brûlures s’étendant aux tissus graisseux, aux muscles, aux os ou aux organes internes.

2. Étendue des brûlures

L’évaluation sur le terrain est difficile, une surestimation est souvent présente. Il existe d’importantes variations entre les surfaces brûlées annoncées et calculées. Néanmoins, celle-ci est nécessaire afin de prendre en charge correctement la réanimation du patient et éviter les complications d’un choc hypovolémique.

Attention, le premier degré n’est pas pris en compte dans les calculs de surface corporelle brûlée (SCB).

La méthode la plus communément appliquée est celle connue sous le nom de règle des 9 de Wallace. Les régions les plus importantes du corps de l’adulte représentent 9% du total de la surface corporelle. Les enfants ont des proportions différentes de celles des adultes. C’est la raison pour laquelle la règle des 9 est différente pour eux. La paume de main (doigts compris !) représente 1% de la surface corporelle.

Figure 7

Figure 7 : Règle des 9 de Wallace - © Jones & Bartlett Learning.

La table de Lund et Browder (Figure 8), est plus précise et tient compte des variations de surface en fonction de l’âge. En raison de sa complexité, son utilisation en préhospitalier est limitée.

Lund browder

Figure 8 : Table de Lund et Browder

Une application a été mise au point par l’hôpital Saint luc Saint Joseph  E-burn). Elle permet d’évaluer de manière précise la SCB d’un patient, en préhospitalier notamment, et de guider la réanimation liquidienne à appliquer.

Prise en charge initiale

Le principe initial de prise en charge repose sur la protection de l’intervenant ainsi qu’isoler le ou les patients de l’agent causal (éteindre les flammes ou autre).

1. Identification du mécanisme de la brûlure : thermique, électrique, chimique, radiations,… ?

2. Refroidir la brûlure : Oui mais…

  • Jamais d’eau glacée (risque de vasoconstriction et d’hypothermie) -> préférer une température ambiante ;
  • Utilisation des pansements aux gels d’eau : Interdit sur les brûlures étendues, en temps très limité sur les extrémités (risque de vasoconstriction) / le petit enfant / le sujet âgé et en règle générale jamais plus de 15 minutes.

3. Réchauffer le patient :

En regard de l’agression cutanée subit et des conséquences physiopathologiques de la brûlure comme vu précédemment.

  • Retirer les vêtements humides s’ils ne collent pas à la peau ;
  • Mettre en place une couverture de survie après avoir recouvert les brûlures de champs stériles ou de métalline si disponible.

4. Évaluation du patient par la méthode A B C D E :

Airway :

- Maintien d’une ventilation efficace et adaptée : selon le mécanisme de la brûlure il peut y avoir la présence d’oedèmes au niveau des VAS (possible obstruction : inhalation de fumées, chaleur dégagée par le feu, brûlure de la face et du cou, …).

- Il faudra envisager une intubation en séquence rapide (ISR) dans le cadre :

  • d’une détresse respiratoire aiguë,
  • d’un coma,
  • d’une brûlure du visage et/ou  / brûlure étendue > 40% / brûlure circulaire du cou / symptômes d’obstruction des VA (modification de la voix, stridor, dyspnée laryngée)

- ISR du brûlé :

  • Hypnotique = Kétamine 2 à 3 mg/kg ou Hypnomidate 0,2 à 0,3 mg/kg
  • Curare = Succinylcholine 1mg/kg ou Rocuronium 1,2 mg/kg
La succinylcholine est SEULEMENT autorisée dans les premières 48h suivant la brûlure grave et après 2 ans (modification du nombre et de la réponse des récepteurs à la molécule au niveau cellulaire engendrant des hyperkaliémies).

Brulure orl

Figure 9 : Visualisation de suie au niveau de la sphère ORL d’un patient brûlé ayant inhalé des fumées d’incendie - © FRADIN Jordan

Breathing :

TOUJOURS OXYGÉNER LE BRÛLÉ -> DETTE EN O2

  • Masque haute concentration (MHC) avec objectif de Sp02 > 94%. Attention en cas d’intoxication concomitante au CO, la mesure de la SpO2 peut se révéler faussement rassurante par absence de discrimination entre les molécules de CO et 02 par le capteur d’oxymétrie.
  • Si intoxication aux fumées associée  MHC 15L/min
  • Un traumatisme peut également être associé à la brûlure et engendrer un problème respiratoire (pneumothorax, fracture de côtes…) ;
  • Une brûlure circulaire pourra engendrer un syndrome restrictif par incapacité à assurer la mécanique ventilatoire : la peau brûlée va commencer à durcir et à se contracter alors que les tissus mous plus profonds vont enfler.

Circulation :

  • Évaluer l’état hémodynamique du patient : signe de choc ?
  • Si inhalation de fumées avec état hémodynamique altéré -> suspecté fortement une intoxication au CO +/- cyanure (voir E).

Conditionnement :

  • 2 voies veineuses périphériques en zone saine si possible. Si VVP impossible  intra osseuse d’emblée ou a posteriori.
  • Ringer lactates ou à défaut (uniquement dans la première heure), NaCl 0,9% (risque d’acidose hyperchlorémique ;
  • Remplissage vasculaire afin de compenser les pertes, éviter l’hypovolémie et la majoration des oedèmes, comment ?
    • La première heure : 20 mL/kg
    • De H0 à H8 : 1 à 2 mL / kg / % SCB
    • De H8 à H24 : 1 à 2 mL / kg / % SCB
  • De la noradrénaline peut être introduite, si, malgré la réanimation liquidienne le maintien de l’hémodynamique reste précaire (Pression artérielle moyenne
  • À la phase hospitalière, le remplissage sera guidé par la diurèse horaire (objectif = entre 0,5 et 1 mL / kg / h).

Disability = examen neurologique :

Un brûlé peut également être un patient traumatisé grave, il convient alors d’examiner l’ensemble des paramètres de ce dernier (possible traumatisme crânien par exemple). Par ailleurs, une intoxication au CO / cyanure peut être détecté par un examen neurologique anormal.

Exposition :

Nous en parlions plus haut :

  • Refroidissement en fonction du contexte et de la brûlure ;
  • Protéger les brûlures par des champs stériles (métalline si disponible) ;
  • Protection thermique du patient par couverture de survie +/- couverture chauffante +/- réchauffeur de soluté ;
  • Gestion de la douleur (surtout pour les brûlures les plus superficielles) : morphine + paracétamol en association avec la kétamine ++ (attention aux effets secondaires  surveillance accrue).

Intoxication aux fumées d’incendie :

  • Milieu clos ;
  • Intoxication au CO  mesure de l’HbCO par un capteur spécifique différent du capteur de sat classique :
    • Patient non-fumeur, taux
    • Patient fumeur, taux
    • Affinité 250 fois supérieure à l’O2 pour l’hémoglobine ;
    • Signes cliniques (dépendent de la durée d’exposition et de la concentration dans l’environnement) : céphalées, nausées/vomissements, asthénie, vertiges, troubles de la conscience, troubles visuels
    • Antidote = 02 MHC +/- caisson hyperbare en fonction de la gravité ou si femme enceinte / personne âgée / facteur de comorbidité respiratoire et/ou cardiaque  risque de syndrome post-intervallaire à distance (jusqu’à J 30), pouvant conduire à la mort si pas de traitement par oxygénothérapie institué (tout patient présentant au moins un signe clinique évoquant une intoxication doit bénéficier d’une oxygénothérapie durant plusieurs heures  demi-vie d’élimination du CO avec O2 au MHC = 1h30).
  • Intoxication au cyanure (toujours concomitante avec une intoxication au CO mais l’inverse n’est pas vrai) :
    • Basée sur un examen clinique en regard d’un contexte évocateur (-> dosage sanguin à l’hôpital) ;
    • Poison cellulaire : le cyanure pénètre la cellule et empêche celle-ci d’utiliser l’O2 pour le métabolisme de l’organisme -> conduit à l’acidose par métabolisme anaérobie ;
    • Signes cliniques : ceux du CO associés à signes de détresse respiratoire +/- détresse hémodynamique +/- détresse neurologique ;
    • Antidote = hydroxocobalamine (Cyanokit®), 70 mg/kg (5g chez l’adulte – deux doses si ACR d’emblée ou si détresse persistante malgré la première dose). Administrer sur une VVP différente d’autres molécules, sur 15 minutes dilué dans 200 mL de NaCl 0,9% avec tubulure munie d’un filtre spécifique fournie.

5. Orientation vers un Centre de Traitement des Brûlés (CTB) : Quand ?

  • Surface cutanée brûlée > 10 % par brûlures profondes (2ème degré profond ou 3ème degré)
  • Surface cutanée brûlée > 20 %
  • Atteinte d’une zone à risque vital et/ou fonctionnel : cou circulaire et face, mains, pieds, périnée
  • Inhalation de fumées suspectée ou avérée
  • Lésions circulaires profondes
  • Brûlures électriques (électrisation)
  • Brûlures chimiques, surtout par acide fluorhydrique ou phosphorique
  • Adulte > 70 ans

CTB France

Figure 10 : Localisation des différents CTB Français - ©SFAR

D’autres informations sur le site de la SFAR : Prise en charge du brûlé grave à la phase aiguë chez l’adulte et l’enfant

Bibliographie

Jordan FRADINInfirmier anesthésiste / Infirmier Sapeur-PompierFormateur de Premiers Secours et Formateur AFGSU

Texte revu le 8 août 2023 par Bruno Guerry, Cadre de santé infirmier


Source : infirmiers.com