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ESI

"Pour une formation de qualité et non bradée", l'engagement de la Présidente de la Fnesi

Publié le 09/12/2020
Bleuenn Laot, présidente fnesi

Bleuenn Laot, présidente fnesi

S’engager. Se promettre d’agir pour soi, pour son avenir mais aussi pour son futur métier et pour tous ceux qui sont amenés à l’exercer. Cette « aventure de l’engagement », Bleuenn Laot, jeune présidente de la Fnesi, souhaite la vivre avec cœur et réussite et ce, au profit de tous les étudiants en soins infirmiers pour lesquels son combat a pris sens. A la veille de leur mobilisation du 10 décembre prochain , à Paris, où le seul mot d’ordre sera de défendre une "formation de qualité et non bradée", elle partage avec nous ses convictions et ses espoirs pour des lendemains meilleurs.

"Lors de cette deuxième vague, voire d’une troisième déjà annoncée pour le mois de février 2021, il s’agit de nous affranchir des erreurs de la première tout en garantissant la qualité de la formation en Ifsi, et ce, en vue de l’acquisition d’une solide compétence à exercer le métier d’infirmier".

Mon père, militant pour de justes causes, m’a montré la voie de l’engagement. Avec lui, j’ai appris le sens du combat, de l’argumentation et de la pugnacité pour défendre ses idées et faire avancer les choses toujours au profit du plus grand nombre. Je n’ai que 22 ans mais ce qui m’anime c’est bien cela : agir pour mes pairs et au-delà, souligne d’emblée Bleuenn Laot. Je suis très fière des études que j’ai menées à l’Ifsi du CHU de Brest. J’ai eu la chance d’avoir un parcours très positif, sans heurts, avec beaucoup de bienveillance autour de moi. Hélas, cela ne se passe pas toujours aussi bien partout. Les parcours de formation peuvent être émaillés de souffrances et d’injustices. Ils sont trop hétérogènes. J’ai donc voulu m’engager pour agir en ce sens. Un beau combat à mener aujourd’hui mais dont les bénéfices seront à tirer demain, lorsque diplômés nous intégrerons les services de soins.  

Diplômée d’Etat, j’ai souhaité poursuivre mon parcours universitaire dès septembre 2020. J’ai postulé pour le master IPA à Marseille et j’ai été retenue. Mais mon élection comme présidente de la Fnesi a changé la donne. Je suis donc en année de césure.

Cette année 2020, année d’une crise sanitaire majeure à laquelle Bleuenn a largement pris part en tant qu’étudiante en soins infirmiers de 3e année, sera, en ce sens, historique pour elle. Aujourd’hui infirmière diplômée d’Etat, elle est aussi, depuis début octobre, Présidente de la Fnesi ; une continuité logique car engagée précédemment en tant que Vice-Présidente en charge de la Formation sous le mandat de Félix Ledoux . Devenir porte-parole d’une cause, ce n’est pas rien. Je suis déterminée mais je ne suis pas seule, nous sommes plusieurs à constituer ce nouveau bureau dont le projet annoncé est clair : "Innover, fédérer, représenter : la volonté d’un réseau de co-construire l’avenir". Avancer ensemble est notre force, c’est aussi l’ADN de la Fnesi.

L’année 2020 est donc pour Bluenn l’année de tous les bouleversements. Mon dernier semestre de formation a été éprouvant, comme il l’a été pour l’ensemble des professionnels de santé en formation et en exercice, poursuit-elle. Cependant, à Brest, nous n’étions pas dans la pire situation sanitaire comparée à d’autres régions. Une chose est sûre, cette épidémie nous a cueillis et nous ne pouvions savoir au mois de mars où elle allait nous conduire. La sévérité de la situation et ses conséquences pour nous tous alors étudiants (fermeture de nos IFSI, cours à distance dans le meilleur des cas, sentiment d’isolement, réquisition dans les services hospitaliers, attribution ou non d’une prime…) ont été grandes, engendrant angoisse et souffrance. Le plus difficile pour nous, administrateurs de la Fnesi, était de constater combien tout était disparate, d’un Ifsi à l’autre, d’une région à l’autre, d’un étudiant à l’autre. A l’heure du bilan, quand cette première vague, massive, s’est terminée, les enseignements que nous en avons tiré ont mis en évidence combien la communauté estudiantine était éprouvée , encore fortement marquée psychologiquement, tout comme les autres étudiants en santé. (cf. encadré "Pronostic mental engagé").

Le dérèglement de leur apprentissage et leur mobilisation massive a exacerbé la crainte des étudiants en santé de devenir de moins bons praticiens, nous l’avons beaucoup entendu et constaté.

Mais déjà une deuxième vague, pourtant annoncée, remettait les ESI dans les mêmes situations, voire pires. Là encore, leurs formations étaient stoppées pour certains et dans plusieurs régions, d’autres étudiants ne bénéficiaient plus de leur statut (et donc plus de bourses pour eux), les mettant économiquement en danger. A croire que toutes les sonnettes d’alarme que nous avions tirées - et nous n’étions pas les seuls, nos formateurs et leurs représentants en avaient fait de même à plusieurs reprises – n’avaient pas été entendues et de fait prises au sérieux par nos tutelles, poursuit Bleuenn. Certains étudiants, mobilisés au printemps 10 semaines, et à nouveau à l’automne 5 à 6 semaines, ont perdu l’équivalent d’un semestre complet de formation. Ils ne pourront jamais le rattraper. Même si l’expérience, hors normes, acquise dans les services est une chance en soi, la carence théorique n’est pas une bonne chose. Des étudiants se sentent amputés d’une partie de leurs études et dans une certaine insécurité d’exercice à venir. 

 Lors de cette deuxième vague, voire d’une troisième déjà annoncée pour le mois de février 2021, il s’agit de nous affranchir des erreurs de la première tout en garantissant la qualité de la formation en Ifsi, et ce, en vue de l’acquisition d’une solide compétence à exercer le métier d’infirmier.

"Pronostic mental engagé"

Dans un rapport "Santé mentale" publié le 8 décembre par les principales associations représentatives des étudiants en santé* et intitulé "Pronostic vital engagé", l'alerte est donnée, accompagnée d'une Lettre ouverte au Gouvernement avec comme titre : "Moi, étudiant en santé, j'accuse". Au coeur du rapport comme une évidence : les étudiants en santé se disent "exploités, maltraitrés, en détresse..." alors qu'ils sont pourtant "indispensable au système de soin". Dans ce document de 67 pages sont ainsi recensées les difficultés rencontrées : risques psychosociaux élevés, difficultés d'orientation, impact des réformes successives, conditions de la forte mobilisation dans le cadre de la crise, temps de travail en stage... Les enseignements sont ainsi une source de mal-être pour les étudiants. 80,4% des étudiants en soins infirmiers déclarent par exemple que leurs études ont un impact négatif sur leur vie privée.  Pour les fédérations étudiantes en santé, ce rapport n’est pas seulement un outil de revendications. Il est la preuve que nous souhaitons co-construire une nouvelle manière de penser la formation des étudiants en santé dans tous ses aspects : des enseignements théoriques aux stages, en passant par les aides sociales et psychologiques pouvant leur être apportées. Aucun étudiant ne doit être sacrifié du fait du manque de personnel et du manque de moyens du système de santé ou de l’enseignement supérieur. Et de souligner également que les étudiants en santé sont les garants du système de soin de demain. Mettre à mal leur formation et leur bien-être, c’est mettre en danger la santé des patients et celle de tous les usagers de la santé.

"Pour nous, pour vous, pour tous : il est temps d’agir pour que la santé mentale des étudiants en santé ne soit pas, une fois encore, mise de côté". 

*Anemf, Anepf, Anesf, Fnesi, Fnek, FFEO, Fneo, Fnep, Anep, Fnea, Isnar IMG, Unaee, UNCD, Fage

La Fnesi, au regard de toutes ces problématiques qui demeurent, a souhaité mobiliser l’ensemble des étudiants en soins infirmiers afin de défendre une formation à la hauteur de leurs ambitions et de leurs exigences. Nous les appelons à nous rejoindre, à Paris, le jeudi 10 décembre, dès 13h, devant le ministère de la Santé . Aucun cortège ne nous a été autorisé. Une fois encore, il s’agit de faire entendre notre voix, massivement, et sans débordement, c’est important de le dire ici. Défendre la qualité de notre formation, c’est défendre la qualité des soins. Nous entendons bien rappeler à nos tutelles que nous ne sommes pas des "variables d’ajustement", que si notre engagement dans la lutte contre la Covid19 est bien réel et a fait ses preuves, il ne doit pas s’accompagner d’effets délétères pour notre futur. J’espère pouvoir le rappeler de vive voix à nos décideurs puisque nous devrions être reçus par le cabinet d’Olivier Véran. Acteurs de santé, nous le sommes aujourd’hui et le serons plus encore demain. Si cette année 2020, incroyable à bien des titres, a été un très beau révélateur de notre valeur ajoutée dans le système de santé, elle a montré aussi les carences de l’organisation de notre formation en temps de crise. Pour 2021, je m’autorise à croire que notre combat, légitime, à défendre une vision d'avenir sur la formation et pour la profession saura porter ses fruits. Et de souligner également qu’après une année à temps plein de présidence, riche d’une expérience "de représentation", retourner sur le terrain de la formation et des soins sera pour elle, une façon de poursuivre son engagement pour le métier infirmier en s’ouvrant à de nouvelles perspectives.

Aujourd'hui, face à la diversité des prises de positions des ARS et à l'absence de cadrage au niveau national, le CEFIEC soutient le combat des étudiants pour le maintien de la formation et l'équité de la diplomation sur le territoire national. Un soutien apporté également par le SNPI, la CNI, la FNI, l'ANEIA et le SNIES à l'occasion de cette mobilisation des ESI.

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com