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ESI

AES : l’infirmière était exposée au risque

Publié le 08/08/2017
collecteur dechets de soin

collecteur dechets de soin

Marie, étudiante en soins infirmiers, a effectué un stage qui a débuté le 3 octobre 2016 dans un service de gérontopsychiatrie au sein d’un hôpital. Une situation d’hygiène l’a amenée à se questionner : pourquoi l’infirmière a-t-elle couru le risque de se voir exposée à un risque d’exposition au sang ? Marie évoque cette observation qui a mis à l’épreuve ses connaissances théoriques et nous fait part de ses réflexions.

L'étonnement ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage

Formatrices dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Yamina Lefevre et Zohra Messaoudi ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement Hygiène et infectiologie (UE 2.10) de réaliser une analyse de situation à partir d'un étonnement vécu lors de leur premier stage. Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015 textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, puis d'une nouvelle série déployée en 2016 .

En 2017, de nouveaux étonnements s'offrent à nous comme celui de Noémie , de Charles , de Simon , d'Audrey , d'Héloïse et maintenant de Marie... Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.La description de la situation

L’AES (Accident avec exposition au sang) est un risque majeur dans notre profession et ne doit dans aucun cas être négligé

Mon stage a débuté le 3 octobre 2016 dans un service de gérontopsychiatrie au sein d’un hôpital. Durant mes premiers jours de stage, j’ai pris connaissance de l’équipe et découvert le fonctionnement d’un service ayant des patients atteints de démence de type Alzheimer ou troubles apparents. Ce service est composé de 40 résidents, il est avant tout considéré comme un lieu de vie et non comme un service classique. L’objectif principal de l’équipe soignante est que les patients se sentent comme chez eux. Les résidents sont donc libres de choisir l’heure à laquelle ils veulent se lever, prendre leur petit déjeuner et faire leur toilette.

Quelle observation ?

Nous sommes le lundi 3 octobre, c’est mon premier jour de stage, il est 7H15, la relève vient juste de se terminer. Mademoiselle V, l’infirmière qui est de poste du matin aujourd’hui,  allume l’ordinateur afin de regarder les différents soins techniques qu’elle a à effectuer. Comme chaque matin elle devra faire les injections d’insuline aux patients diabétiques. Aujourd’hui, une prise de sang supplémentaire est programmée. Elle regarde également la programmation des soins qu’elle devra effectuer plus tard dans la matinée : les pansements et la distribution des médicaments. Après avoir regardé l’ensemble des planifications sur l’ordinateur, elle commence à préparer son chariot de soins avec tout le matériel dont elle aura besoin. Je lui apporte mon aide et dispose le matériel qui me paraît nécessaire, comme par exemple : des compresses, des plateaux propres, de la Bétadine dermique et du sérum physiologique.  

Tout est prêt, il est 7h30 quand j’accompagne l’infirmière pour effectuer sa tournée. Les premiers actes qu’elle effectue chaque matin sont : les Dextros, les injections d’insuline et les prises de sang. La première patiente que nous allons voir (je l’appellerai Madame A) est âgée de 80 ans, elle est diabétique depuis plusieurs années et sous traitement de Coumadine : un Antivitamine K qui a pour but de fluidifier le sang. Aujourd’hui, comme une fois par semaine, l’infirmière doit lui faire une prise de sang afin de surveiller son INR (International Normalized Ratio) qui permet de déterminer la dose efficace de médicament pour le patient. On pratique alors l’injection quotidienne d’insuline.

Avant d’entrer dans sa chambre, l’infirmière prend le temps de me montrer la façon dont elle prépare son plateau avec les différents instruments dont elle aura besoin. Elle dispose : un stylo piqueur, une bandelette pour le lecteur, en prenant soin de vérifier que le code figurant sur les bandelettes est le même que celui du lecteur (si tel n’est pas le cas les résultats seront erronés). Le stylo pour l’injection de l’insuline avec le nom de la patiente qui figure dessus, ainsi que le matériel sont nécessaires à la prise de sang (aiguille, tulipe, garrot…). Elle imbibe deux compresses de Bétadine jaune et une de sérum physiologique. L’IDE prend son plateau, frappe à la porte de Madame A puis entre ; je la suis de près. C’est alors que je lui demande si je dois emmener le chariot de soins avec nous dans la chambre, elle me répond par la négative car celui-ci ne doit jamais entrer dans les chambres pour raison d’hygiène.

L’infirmière se présente auprès de la patiente et annonce les soins qu’elle va effectuer. Elle monte légèrement le lit de Madame A afin d’être dans les meilleures conditions. Elle commence par regarder et toucher les veines de la patiente afin de choisir celle qu’elle va piquer. Elle pose le garrot, désinfecte la zone avec la compresse imbibée de Bétadine et pique afin de remplir le tube nécessaire à l’analyse. L’IDE retire ensuite l’aiguille, la pose directement dans le plateau et met un pansement à l’endroit de la piqûre. La prise de sang faite, il reste maintenant le dextro et l’injection d’insuline. Etant donné que la veille, la patiente a eu son injection au bas droit, elle sera aujourd’hui effectuée au bras gauche. Mademoiselle V pique le bout du majeur droit de la patiente avec le stylo piqueur après avoir pris soin de nettoyer la peau avec du sérum physiologique. La bandelette est alors imbibée de sang et au vu du résultat affiché sur le lecteur, il sera injecté 12 unités de Lantus. La professionnelle de santé prend le stylo et procède à l’injection d’insuline après avoir désinfecté à la Bétadine.  Elle repose ensuite le stylo dans le plateau en laissant l’aiguille souillée dessus. Nous sortons de la chambre. L’infirmière commence à vider son plateau. Elle prend l’aiguille qui a servi à la prise de sang et la jette dans la Boîte DASRI (Déchets de soins à risques infectieux). Elle dévisse l’aiguille du stylo à insuline avec les doigts et la jette dans cette même boîte ainsi que le stylo piqueur. Elle termine en jetant tout le reste dans un sac DASRI. Après avoir terminé, elle m’informe que les aiguilles doivent être jetées immédiatement dans la boîte collectrice après chaque acte. Il est maintenant 8h quand je laisse l’infirmière continuer sa tournée seule afin de pouvoir rejoindre les Aides-soignantes pour effectuer les soins d’hygiène et de confort.

Durant mon stage, j’ai eu la possibilité de travailler avec différentes équipes et chaque infirmière que j’ai pu rencontrer a eu le sentiment de ne pas pouvoir me donner le bon exemple face à l’élimination des déchets à risques infectieux.

Analyse de la situation

Avant de commencer mon stage, j’ai eu différents cours théoriques qui m’ont informée sur le risque majeur d’AES (Accident d’exposition au sang) durant une prise de sang. En effet, c’est un acte qui doit être accompli avec minutie et durant lequel le port de gants est vivement recommandé, car même s’il n’exclut pas le risque de piqûre, toujours possible à travers le gant, il le réduit néanmoins. Au cours des différentes interventions que nous avons eues par des médecins, dans mon établissement, j’ai appris qu’après chaque acte avec aiguille comme : les prises de sang, les injections d’insuline, il fallait directement mettre l’aiguille dans un collecteur DASRI. Cette boîte doit être emmenée obligatoirement avec soi pendant le soin. Lorsqu’on fait une injection d’insuline avec un stylo pré-rempli, il y a un système sur la boîte qui permet d’enclencher l’embout du stylo afin qu’en dévissant celui-ci, l’aiguille tombe automatiquement dans la boîte pour éviter le risque de se piquer. Toutefois à mon grand étonnement, tout ceci n’a pas été respecté au cours de l’acte que je vous ai décrit. J’ai remarqué que le risque d’AES était présent. Face à mon questionnement, l’infirmière a pris le temps de m’expliquer le pourquoi du comment.

Depuis quelques semaines, l’hôpital a changé de fournisseur en ce qui concerne les collecteurs d’objets perforants pour des raisons économiques. Ces nouvelles boîtes n’ont pas de socles sur lesquels s’adapter et rester stables, de ce fait, elles basculent et peuvent facilement tomber. Pour cette raison elles ne peuvent pas être transportées dans les chambres des patients comme il l’est recommandé. L’infirmière m’a ensuite montré qu’elle était obligée de dévisser l’aiguille du stylo à injection d’insuline avec les doigts car la boîte collectrice n’était pas équipée de support adapté au dévissage de l’aiguille. Cependant, ce geste représente un risque majeur car en agissant ainsi elle risque fortement de se piquer les doigts avec l’aiguille. Elle m’a aussi expliqué que certaines de ses collègues utilisent une pince Kocher pour enlever l’aiguille, toutefois cette pratique n’est pas hygiénique car la pince n’est pas stérile entre chaque utilisation.

Les infirmières de ce service « se battent » depuis plusieurs semaines afin que leur matériel soit changé car elles sont chaque jour confrontées à des risques d’exposition au sang contaminé. C’est un véritable problème pour les infirmières de cette unité qui ne sont pas entendues par la hiérarchie. Durant mon stage, j’ai eu la possibilité de travailler avec différentes équipes et chaque infirmière que j’ai pu rencontrer a eu le sentiment de ne pas pouvoir me donner le bon exemple face à l’élimination des déchets à risques infectieux. Cette situation est celle qui m’a le plus interpellée tout au long de mon stage et à laquelle j’ai été confrontée tous les jours. Au début, j’étais seulement spectatrice, mais lorsque je suis passée actrice, je me suis vraiment rendu compte de la dangerosité de ces actes. Lors des premières injections d’insuline et des prises de sang que j’ai pu effectuer au fil des semaines, l’infirmière prenait soin de me débarrasser de l’aiguille et d’aller la jeter elle-même afin que je ne risque pas de me piquer. En effet la première question que je me suis posée est : pourquoi ces boîtes d’ASRI ne sont-elles pas à nouveau remplacées ? Et pourquoi face à un risque aussi important, des mesures ne sont-elles pas mises en place pour remédier au problème (par exemple avec des supports adaptés aux boîtes) ? Si une infirmière se pique, cela peut avoir de graves conséquences pour sa santé. Beaucoup de maladies sont transmises par le sang : le Sida, l’hépatite C et autres maladies.

C’est un service dans lequel il y a des personnes démentes, c'est-à-dire totalement dépendantes. Certains patients peuvent avoir des comportements très agressifs et violents, notamment envers le personnel soignant. D’autres sont également dans le refus total de soin. En effet, dans certains cas, avec l’agitation des patients, les soins techniques peuvent être considérés comme dangereux pour l’infirmière car, avec les gestes brusques des résidents durant le soin, celles-ci risquent de se piquer. L’unité de soins pour les personnes âgées atteintes de démences psychiques est composée principalement de chambres doubles. Les résidents ont pour la majorité, la possibilité de déambuler dans le service ainsi que dans toutes les chambres, ce qui ne rend pas la tâche facile à l’infirmière venue prodiguer des soins au patient. Les instruments souillés se trouvent de ce fait dans un plateau à portée de main de quiconque se trouvant à proximité. Le risque n’est donc pas uniquement présent pour le personnel soignant mais également pour les résidents.

Il faut replacer la situation dans son contexte : le service dans lequel j’ai effectué mon stage est considéré comme un lieu de vie différent du milieu hospitalier. La plupart des patients sont là depuis un grand nombre d’années et pour la plupart, ne sont pas porteurs de maladies graves transmissibles par le sang ; si c’est le cas, leurs dossiers médicaux sont connus et les infirmières peuvent alors prendre les mesures nécessaires pour se protéger. Aucun patient n’est en isolement. Certaines règles qui doivent être respectées dans le milieu hospitalier ne le sont pas forcément ici. C’est pourquoi certaines infirmières préfèrent emmener le chariot de soin dans la chambre afin d’éviter de transporter l’aiguille au dehors.

Pour conclure

J’ai choisi cette situation d’hygiène car c’est en effet celle qui m’a le plus questionnée et interrogée. L’AES (Accident avec exposition au sang) est un risque majeur dans notre profession et ne doit dans aucun cas être négligé. Il peut être extrêmement grave et parfois irréversible. La prise de sang est l’acte par lequel une infirmière est tout de suite représentée. C’est un soin technique qui est appris dès la première année de formation et qui nécessite de respecter des règles d’hygiène très précises. De même, les injections d’insuline font bien souvent partie des soins quotidiens d’une infirmière. Ces deux soins qu’elles pratiquent quotidiennement peuvent devenir dangereux. Cette situation m’a permis de me rendre compte que chaque service est différent et que les infirmières doivent toujours être capables de s’adapter tout en prenant soin de respecter des règles de sécurité indispensables pour le patient et pour elles-mêmes. J’ai également pris conscience que la vigilance est primordiale dans ce métier. Le fait d’avoir un matériel adapté permet de lutter contre les accidents. Au cours de mon prochain stage, un de mes objectifs sera d’arriver à m’adapter à chaque service avec les moyens matériels dont il dispose ainsi qu’au type de patient qui y séjourne, dans le but de développer des capacités qui me permettront de toujours protéger le patient et moi-même.

Marie TORRALVO    Etudiante en soins infirmier L1 (2016/2019)
Croix-Rouge Formations - Rhône-Alpes  Saint-Etienne (42)

Bibliographie : Mes informations ont étés recueillies dans le service où j’ai effectué mon stage.


Source : infirmiers.com