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TFE

ESI : soigner la rédaction et le style linguistique de son TFE (2e partie)

Publié le 06/05/2016
ordinateur clavier

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Deuxième partie sur le travail de fin d'études (TFE) , produit d’une démarche intellectuelle patiemment menée sur un sujet précis dans une discipline spécifique et qui se doit d'être aussi l’objet de préoccupations formelles. Un exercice de rhétorique où des  capacités langagières, des éléments grammaticaux, des outils linguistiques sont en jeu au service de la recherche en sciences infirmières. Réflexion sur la langue…

Nous l'avons vu, Écrire un mémoire consiste à produire des connaissances, délivrer des informations scientifiques, que ce soit en sciences infirmières, en littérature ou en théologie. Et si l’on peut parler de style académique, c’est pour mettre en exergue la nécessité, pour ce type de travail, d’être fonctionnel et efficace. En outre, les compétences langagières de l'étudiant se révèlent dans ce travail rédactionnel. Et si le fond du TFE doit être soigné, il en est de même pour la forme…

Cette clarté, ici assurée par une bonne organisation textuelle, est essentielle parce qu’elle va constituer un préalable solide à l’argumentation à venir...

Des mots pour la forme : Organiser son texte …  

Soigner son style et maîtriser les outils linguistiques permet de mettre en valeur son travail de fin d'études.

Ce matériel va cette fois se puiser dans les structures proprement grammaticales qui sont utilisées pour articuler un texte. Pour entrer ici dans le vif du sujet, les structures utilisées pour décrire ou caractériser ne posent pas de problème particulier. Elles interviennent notamment dans la phase où est détaillée la situation de soins. Rappelons que cette partie inaugurale du mémoire consiste, très souvent, à faire état du contexte d’étude (lieu, acteurs, pathologie(s), actions…) en progressant toujours du général au particulier, et de la façon la plus précise. Les explications qui peuvent faire suite à ces descriptions nécessitent, quant à elles, que l’on utilise des termes ou des locutions qui vont pouvoir donner plus de liant au texte ainsi rédigé et le rendre plus facilement compréhensible.

Ainsi si une explication consiste à laisser parler les faits, elle doit toujours le faire en présentant les enchaînements de cause à effet entre ces faits. Des locutions comme parce que ou d’autant plus que, du fait de, en raison de, faute de permettent généralement de tisser le fil de l’explication et de contribuer à la clarté du propos :

Exemple : Du fait d‘une maîtrise approximative du français par ce patient, il était difficile de se faire comprendre… - ex : La nécessité de la mise en place d’un soutien aux aidants se fait d’autant plus ressentir que 35 à 45% des personnes ayant un cancer souffrent de détresse émotive importante…

Cette clarté, ici assurée par une bonne organisation textuelle, est essentielle parce qu’elle va constituer un préalable solide à l’argumentation à venir, et qui sera développée dans le cadre conceptuel où il s’agira de faire émerger les concepts et les théories utiles au projet de recherche, les regrouper, les définir et bien entendu les mettre en relation. On obtient alors les mots-clés, qui permettent d’effectuer un premier débroussaillage dans la recherche documentaire. Une recherche plus affinée permettra éventuellement par la suite de délimiter des sous-catégories de recherche pour chaque concept.                                                                                                                        

À partir des années 70-80, les soins ont évolué vers une conception de la santé qui, comme le déclare Didier Lecordier, entraîne une orientation davantage marquée vers la compréhension de l’autre, ses valeurs, ses modes de vie, son histoire, sa culture… 1 (Nous sommes d’ailleurs ici au cœur de la recherche compréhensive). Ceci a sans doute contribué à enrichir le vocabulaire de la recherche. Les concepts, et les mots qui servent à les nommer, les définir, doivent par conséquent être d’autant plus précis. À cet effet, il vaut mieux par exemple, cela s’impose d’ailleurs dans le cadre d’une recherche, accorder une préférence aux termes spécifiques plutôt que génériques2.

Par ailleurs, si aujourd’hui, nous sommes dans une « approche anthropologique des soins » (Lecordier), cela signifie également que, dans un travail de ce type, la transversalité des disciplines est à l’œuvre : si par exemple la notion de « mort » fait partie de mes concepts-clés, je vais sans doute effectuer une recherche sur la mort d’un point de vue anthropologique, sociologique, psychologique, voire philosophique3... Il s’agira ensuite  pour moi de recueillir et de mettre en relation les éléments les plus pertinents pour renforcer le cadre conceptuel et orienter l’analyse des résultats. Il peut par conséquent être utile d’avoir une connaissance minimale de la terminologie propre à ces différentes disciplines (sans se faire philosophe ou anthropologue pour autant), pour atteindre cette précision requise.

Au bénéfice de la clarté, la justesse des mots est également de rigueur dans un écrit scientifique. Il sera par exemple toujours utile d’exploiter les champs lexicaux4 afin de pouvoir porter son choix sur le terme qui correspond le mieux à l’idée exprimée. Une bonne connaissance des champs lexicaux des différentes notions d’un domaine d’étude, quel qu’il soit, ne peut que contribuer à enrichir le vocabulaire et faciliter la réflexion.

Ces outils sont essentiels, mais pour que le chercheur puisse correctement construire le tissu argumentatif de son TFE, et accomplir le travail réflexif qui est demandé, il lui faut une argumentation précise et pertinente. Cela nécessite aussi et surtout que l’on recoure à ce que l’on appelle le vocabulaire à valeur logique : lorsqu’on produit des connaissances ou des idées, il faut articuler son texte.

Un texte ordonné à l’aide de ces mots ou locutions donne immédiatement le sentiment d'un discours argumentatif construit.

Des structures linguistiques au service de la cohésion

La cohésion, à la différence de la cohérence définie un peu plus loin, ne concerne pas le niveau global du texte, mais le niveau local. Il s’agit d’utiliser les mots de liaison qui ont pour fonction d’organiser le texte. Prenons l’exemple d’une étudiante chercheuse proposant des actions pour améliorer l’accueil des familles de patient en phase aiguë de coma et dont nous avons remanié l’argumentation à l’aide de ce vocabulaire :

  • Tout d’abord, un travail d’équipe est nécessaire …
  • En second lieu, les familles ont besoin d’un suivi, d’une continuité…
  • … Ensuite, chaque infirmière peut mettre en place certaines actions…
  • … Par ailleurs, l’infirmière peut également…
  • … En définitive, l’infirmière a un rôle multidimensionnel…

Certes, cet exemple est très simplifié et ces conseils peuvent sembler superflus à certains lecteurs, mais on a constaté à la lecture de divers TFE combien certains d’entre eux pouvaient être pauvres en mots de liaison, avec des phrases agglomérées les unes aux autres sans  lien logique; alors qu’un texte ordonné à l’aide de ces mots ou locutions donne immédiatement le sentiment que votre discours argumentatif est construit, et offre un meilleur rendu du point de vue de la cohérence. De nombreux mots ou locutions permettent ainsi :

  • d’introduire une idée ou une information nouvelle : d’ailleurs, de plus, quant à, voire (n’écrivez ou de dites jamais « voire même », c’est un pléonasme…), de surcroît, en outre… ;
  • de réfuter un argument : cependant, toutefois, néanmoins, en revanche… ;
  • d’exprimer la cause : étant donné que, vu que, puisque, effectivement... ;
  • de préciser ou illustrer une idée par un exemple : ainsi, en effet, notamment, en d’autres termes, autrement dit…;
  • d’exprimer la conséquence : de sorte que, si bien que, voilà pourquoi, par conséquent…

Et bien d’autres encore. Alors, n’hésitez pas à les utiliser…

Ces mots donnent à votre texte un fil conducteur, assurent la cohésion et, à un niveau supérieur, participent à la cohérence (différente de la cohésion) de l’ensemble. Précisons que la cohérence concerne la signification générale du texte et obéit à trois règles principales : La première est ce que l’on appelle la règle de progression : chaque nouvelle phrase doit (autant que possible) apporter une information nouvelle par rapport à celle qui précède ; la deuxième règle est que les idées doivent s’enchaîner de façon logique, autrement dit qu’il doit y avoir un thème commun aux idées qui sont exprimées dans un passage ou un paragraphe (ne pas passer du coq à l’âne) ; la dernière implique l’absence de contradiction, ne pas dire une chose et son contraire quelques pages plus loin (ce qui serait quelque peu embarrassant en particulier le jour de la soutenance …). La cohérence est essentielle pour qu’un mémoire ne donne pas aux évaluateurs une impression de confusion.

Par ailleurs, s’il est des passages de votre mémoire où l’emploi de mots de liaison appropriés est de rigueur, c’est ce que l’on appelle les transitions. La phrase ou le court paragraphe de transition, souvent rédigé à la va-vite ou tout bonnement omis, sert, là encore, à établir un lien logique entre des sous-parties ou les parties. Il s’agit d’annoncer la thématique du passage à venir et de la justifier aux yeux de votre lecteur. Là encore, cela contribue à renforcer la cohérence de vos propositions et l’homogénéité stylistique de l’ensemble. Donc, des aspects formels de votre TFE qui sont à soigner particulièrement !

L'utilisation du langage écrit permet de mettre en valeur le produit d’une recherche et d’enrichir le ou les vocabulaires spécifiques… C’est aussi ce qui participe à développer les capacités réflexives.

Et pour conclure…

Notre propos a visé à mettre en avant l’outil-langue. Moins que d’atteindre une perfection formelle (de toute façon inatteignable), il s’agit de démontrer que l’utilisation de certaines ressources (celle du langage écrit) permettait de mettre en valeur le produit d’une recherche, d’enrichir le ou les vocabulaires spécifiques, parce que c’est aussi ce qui participe à développer les capacités réflexives et par conséquent à élargir le champ des possibles pour proposer des idées nouvelles, ouvrir d’autres perspectives d’étude pour la discipline des sciences infirmières.

Il n’existe sans doute pas de TFE parfait (linguistiquement parlant). Mais gageons que pour se présenter sereinement le jour de la soutenance, et pour que l’exposé oral soit structuré, précis, compréhensible, que le cheminement intellectuel soit aisé à expliciter pour l’orateur, il faudra avoir le sentiment, lors des ultimes relectures, d’avoir rédigé un TFE dont l’argumentation est solidement construite de bout en bout ; dont les résultats de recherche entrent en résonance avec une partie théorique dont les références sont pertinentes et, ce qui constituera un plus non négligeable, avec une orthographe et une syntaxe attentivement révisées. Un travail de grande rigueur, mais sans doute aussi enrichissant à tous égards…

Bibliographie

  1. LECORDIER D. : La santé et les soins infirmiers: l’évolution de concepts centraux dans un contexte scientifique donné.
  2. Un terme générique est souvent trop global ou trop globalisant, alors qu’un terme spécifique cerne le sujet traité d’une manière plus précise. Exemple très simple : Si « diplôme » est un terme générique, « baccalauréat », « master » ou « doctorat » sont des termes spécifiques.
  3. Exemple utilisé chez FORMARIER M. et POIRIER-COUTANSAIS G. : Le cadre conceptuel dans la recherche (1986)
  4. Le champ lexical  est l’ensemble des mots qui se rapportent à une même notion. Ces mots peuvent être de noms, des adjectifs, des verbes.

Claude MARCHANDOT   Formateur linguistiqueDirecteur de publicationRédaction-Conseil.frhttp://www.redaction-conseil.fr/


Source : infirmiers.com