PACES, ton univers impitoyable. Après Hippocrate et Médecin de campagne , Thomas Lilti est retourné derrière la caméra pour montrer une autre facette du monde médical : la première année de médecine, ou plutôt la première année commune des études de santé. Une première épreuve mais surtout une compétition acharnée où les deux protagonistes prennent à peine le temps de faire un jogging entre deux séances de révision. Une course effrénée où la seule chose qui importe est d’être dans la bonne fourchette, celle qui normalement donne accès au Saint Graal : une place en deuxième année de médecine. Le film est en salle le 12 septembre !
Plan santé: la fin du numerus clausus
Mardi 18 septembre, le président de la République Emmanuel Macron a présenté les réformes liées à la refonte du système de Santé. Baptisée Ma Santé 2022, cette stratégie sonne la fin du Numerus Clausus. En effet, il sera supprimé à la rentrée 2020 tout comme la fameuse PACES et le concours de fin d'année qui s'y rattache. Emmanuel Macron souhaite former plus de médecins avec un mode de sélection rénové
, sans renoncement à l'excellence
. Ce parcours de formation restera sélectif
mais sera plus ouvert, plus vivant et attirera des profils plus variés
, a-t-il fait valoir. En effet, l'objectif de cette mesure est de recruter des étudiants avec divers profils et de leur permettre une orientation progressive. Ce recrutement se fera via la plateforme Parcoursup comme c'est le cas pour les infirmiers à partir de 2019.
Il s'agit de créer de vraies passerelles. Le travail de discussion va démarrer dès cette semaine et se poursuivra dans les semaines à venir
, informe Frédérique Vidal. L'objectif est clair : sortir du système actuel qui trie et formate, et crée un esprit de hiérarchie entre les professions
. Le but reste donc de promouvoir, dès les études, un lien entre toutes les professions de santé.
Trois heures pour répondre à 72 questions, ça fait environ deux minutes par question, à ce rythme-là c’est impossible de réfléchir donc soit on répond par réflexe reptilien, soit au hasard. Donc je pense que les meilleurs, enfin, ceux qui deviendront médecins, se rapprochent plus du reptile que de l’être humain
. Cette splendide démonstration de logique sort tout droit de la bouche de Benjamin, étudiant en PACES dans "Première année", le nouveau long métrage de Thomas Lilti. Un raisonnement qui résume assez bien l’ambiance du film.
Le scénario est simple : deux étudiants en PACES que tout semble opposer, vont s’entraider pour obtenir les meilleures notes possibles au concours et obtenir une place en deuxième année de médecine. Mais y parvenir, c’est tout sauf simple, et ça, le spectateur le comprend assez vite. D’un côté Benjamin (joué par William Lebghil) fraîchement débarqué du lycée arrive à la fac les mains dans les poches sans vraiment savoir pourquoi il a choisi de devenir médecin. De l’autre, Antoine (interprété par Vincent Lacoste), un « triplant » (chose exceptionnelle en PACES) sait que c’est sa dernière chance pour atteindre son but. Quoi qu’il arrive, il « veut être médecin » coûte que coûte. Il ne veut pas être pharmacien, pas kiné, mais médecin parce qu’assister à un cours de dissection, il trouve ça beau ! Au fil de leur année, les deux jeunes vont courir. Au sens figuré, ils vont courir après le temps, après les meilleurs ouvrages, pour avoir une bonne place en amphi et aussi courir au sens propre pour s’aérer l’esprit car la PACES, c’est ingurgiter un maximum de savoir en un minimum de temps.
La vitesse est l’un des maîtres mots du film, particulièrement rythmé. Et c’est voulu comme l’explique le réalisateur. Je l’ai pris comme un film de sport. Première année c’est mon Rocky ! On dit souvent qu’un concours c’est un marathon. Mais en fait, c’est un sprint ! Je voulais que les spectateurs finissent comme les étudiants : sur les rotules !
Défi réussi.
Tu connais la différence entre un étudiant en médecine et un étudiant en prépa ? Demande-leur d'apprendre le bottin par cœur. L'étudiant en prépa te demandera pourquoi ? Celui en médecine, pour quand ?
Dis-moi ce que tu fais, je te dirai qui tu es
Le spectateur s’attache rapidement aux deux personnages, s’angoissant avec eux pendant qu’ils cherchent frénétiquement leurs noms parmi les tableaux de classements affichés après chaque concours (le partiel de février et celui de fin d’année). On s’attache à Antoine pour sa persévérance, parce qu’il sait ce qu’il veut. On s’attache aussi à Benjamin parce que lui, ne le sait pas ou pas vraiment, parce qu’il voudrait juste trouver sa place entre un frère normalien, une mère historienne et un père déjà médecin, parce qu’être jeune c’est aussi prendre le temps de se chercher et de se tromper. Même si aujourd’hui les étudiants n’ont plus cette possibilité et pas seulement en médecine.
Et pourtant, des deux c’est Benjamin qui réussit le mieux car comme le dit son frère et un de ses amis il a les codes
. Il sait comment réviser et comment s’adapter au système des concours. Il est le mieux préparé pour faire face à cette année d’écrémage pure et dure. On sort à peine du lycée et déjà le système de études supérieures nous met en compétition, nous classe, nous oppose. A quel moment on a fini par trouver ça normal ?
, s’interroge Thomas Lilti. Qui sera un meilleur médecin ? Celui qui sait apprendre par cœur en ingurgitant de manière automatique des notions ou celui, plus laborieux, pour qui la médecine est comme une passion ?
Qui sera un meilleur médecin ? Celui qui sait apprendre par cœur en ingurgitant de manière automatique des notions ou celui, plus laborieux pour qui la médecine est comme une passion ?
Regardez la bande annonce, si vous ne lisez pas cette vidéo rendez-vous sur youtube
Un film politique à l’heure des changements
A l’heure où le numerus clausus est au centre des débats et où le gouvernement pourrait annoncer la fin de la PACES telle qu’on la connait aujourd’hui, ce film colle à l’actualité politique du moment. Pourtant, si au départ Thomas Lilti, avait le projet de faire un long-métrage sur l’université, il ne devait pas pour autant se centrer sur les études de médecine. Ce qui l’intéressait c’est la jeunesse et la façon dont le système ne fait rien pour les aider et les mettre en valeur
. C’est lors de la tournée promotionnelle de Médecin de campagne, que l’idée lui vient. On me demandait mon avis sur les raisons du manque de médecins dans les campagnes. J’en suis venu à la conclusion suivante : peut-être que le problème ce ne sont pas les jeunes médecins mais le système qui les forme.
Le moins que l’on puisse dire c’est que son opinion sur le sujet est bien tranchée. Médecin généraliste, il n’avait pas gardé un très bon souvenir de sa première année, mais il a voulu retourner à la fac pour se rendre compte des évolutions. Ce que j’ai découvert était vraiment pire. C’est une vrai boucherie pédagogique
. Des mots très durs qui ne reposent donc pas uniquement sur des souvenirs personnels mais aussi sur des témoignages récents d’étudiants. Selon lui, cette compétition à outrance est « stupide ». Tout le monde sait bien qu’on marche sur la tête depuis de nombreuses années. Ce concours, on ne peut pas dire qu’il sélectionne les meilleurs médecins : il stimule l’individualisme, l’absence de réflexion, le bachotage, alors qu’il devrait stimuler le goût de l’autre et l’empathie, qui sont les qualités d’un médecin
, a-t-il dénoncé à l’Est républicain.
Sur les réseaux sociaux, certains étudiants en médecine le disent c’est exactement ça
, d’autres sont plus critiques la première année est de loin la plus facile
, 72 QCM en 3h... c'est quoi cette fac? à Lyon c'est 45 Qcm en 45min : une minute par QCM (12 secondes par item)...
.
Quoi qu’il en soit, le film fait réfléchir, sur les études en médecine et sur ses choix de vie à ces moments clés de l’existence.
Petit bémol, même si certains éléments font qu’on s’y attend un peu, la fin est plus qu’improbable. C’est d’ailleurs un choix assumé par le réalisateur l’idée que mon personnage trouve à la fin un moyen de pirater cet ordre établi me plaît
. Piratage, mot un peu fort pour une conclusion peu vraisemblable mais une jolie fin quand même qui n’empêchera pas certains, aux cerveaux reptiliens ou non, de verser des larmes de crocodile.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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