Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

INFOS ET ACTUALITES

Un vade-mecum pour optimiser la prise en charge des blessés par armes de guerre

Publié le 17/07/2018

Le 12 juillet dernier, les professeurs Pierre Carli1, et François Pons2, remettait à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, un vade-mecum destiné aux professionnels de santé et consacré à la prise en charge des victimes d’agressions collectives par armes de guerre. C’est la première fois qu’un ouvrage médical est publié sous l’égide de trois ministères (Intérieur, Armées, Solidarités et Santé) affirmant ainsi la collaboration interministérielle dans le domaine majeur de la prise en charge des blessés par armes de guerre lors d’attentats. Zoom sur cet outil dont les professionnels de santé aimeraient pouvoir se passer mais qui s'avère indispensable par les temps qui courent.

Un vade-mecum comme un témoignage de la volonté des trois ministères concernés d’assurer la coopération et la synergie d’action de leurs services respectifs afin de faire bénéficier les victimes de la meilleure prise en charge possible.

Jérôme Salomon, professeur, directeur général de la Santé, et Cécile Courrèges, directrice générale de l’Offre de soins, soulignent dans l'avant-propos de ce vade-mecum que la prise en charge des blessés par armes de guerre constitue un enjeu tant pour les professionnels de santé que pour l’ensemble du système de santé. Cet enjeu est d’abord médical, afin d’assurer les meilleurs soins en urgence aux blessés physiques et psychiques. Il est aussi sociétal, afin de tout faire pour contribuer à la résilience de la Nation. Les professionnels de santé doivent acquérir, chacun dans son métier et sa spécialité, les connaissances et les techniques spécifiques à cette prise en charge. Tous les acteurs de la santé qui vont intervenir dans le parcours de soins et de vie des victimes d’actes de terrorisme savent qu’en prodiguant les meilleurs soins chacun à son niveau, ils contribuent à reconstruire la personne blessée.

En effet, les attentats qui ont frappé la France depuis 2015 ont mis en évidence la nécessité de former les professionnels de santé civils à la prise en charge d’afflux massif de blessés par des armes de guerre afin d’assurer les meilleurs soins en urgence aux blessés. Dès 2016, à la demande de la Direction générale de la santé (DGS) et de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), le Service de Santé des Armées et le Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH) ont élaboré un dispositif de formation à destination des professionnels de santé les plus concernés par ce type de prise en charge, notamment sur la mise en oeuvre des techniques de « damage control ».

Le damage control s’appuie sur les acteurs de terrain capables d’effectuer des gestes d’hémostase externe et sur une organisation basée sur le triage permettant de prioriser les blessés nécessitant une chirurgie urgente.

Damage Control : ce qu'il faut retenir

  • Le damage control (DC) est une prise en charge globale, cohérente, multidisciplinaire d’un traumatisé grave depuis le préhospitalier jusqu’au bloc opératoire avec le souci constant de lutter contre les éléments de la triade létale : hypothermie, acidose, troubles de la coagulation. Il comprend le damage control resuscitation et le damage control chirurgical (ou damage control surgery).
  • Le DC chirurgical se décompose en trois temps : une chirurgie rapide, une réanimation et une chirurgie de réparation.
  • Le damage control resuscitation (ou DC réanimation), débute en préhospitalier (arrêt des hémorragies, lutte contre l’hypothermie, évacuation rapide, adaptation du remplissage, lutte précoce contre les troubles de la coagulation) et se poursuit en hospitalier, en périopératoire (lutte contre l’hypothermie, adaptation du remplissage, stratégie transfusionnelle, médicaments hémostatiques…).
  • Le damage control s’appuie, d’une part, sur les acteurs de terrain capables d’effectuer des gestes d’hémostase externe et, d’autre part, sur une organisation basée sur le triage permettant de prioriser les blessés nécessitant une chirurgie urgente.
  • Le damage control doit être envisagé pour tout traumatisé grave avec peu  d’inconvénients à être utilisé par excès. Il est particulièrement adapté à la prise en charge d’un afflux de blessés.

La finalité de ce vade-mecum « agressions collectives par armes de guerre » remis à Agnès Buzyn est donc de valoriser le corpus pédagogique des formations et permettre à l’ensemble des professionnels de santé d’en disposer. L’expertise des auteurs, professionnels de santé issus des mondes civil et militaire, travaillant dans les établissements de santé, sur les théâtres d’opérations extérieures militaires, dans la sécurité civile ou au sein des forces de l’ordre, fait de cet ouvrage un outil collaboratif de formation qui s’adresse à tous les acteurs concernés. Les experts le rappelent, parce que la menace terroriste demeure importante et que le mode opératoire des terroristes évolue à chaque nouvelle attaque, il est indispensable de s’inscrire dans une action continue et résolue de préparation à ce risque majeur, en renforçant l’expertise technique, en structurant la recherche appliquée et en renforçant la formation aux urgences collectives, initiale et continue, de tous les professionnels de santé

Spécificités des armes de guerre et traitement des plaies - Ce qu'il faut retenir

  • La reconstitution du trajet d’une plaie par balle et les hypothèses de lésions en fonction de l’aspect des orifices et de leurs nombres sont très aléatoires.
  • Le bilan lésionnel se fait, au mieux, par un scanner, en particulier pour les polycriblages et les traumatismes par explosion (si le patient est stable ou stabilisé).
  • Toute plaie par projectile est souillée et impose un parage large et une nonfermeture immédiate.
  • La seule exception au parage est le polycriblage qui nécessite un brossage à la Bétadine sans exciser tous les orifices et en ne parant que les plus gros.
  • La réanimation d’un polyblessé par explosion n’a pas de spécificité. L’otoscopie n’a pas de valeur pour le diagnostic du blast.

Le partage d’une doctrine commune, la connaissance mutuelle des compétences de chacun des acteurs, l’utilisation de techniques de médecine de guerre type "damage control" sont donc indispensables et font l’objet de ce vade-mecum.

Ce vade-mecum, fruit d’une collaboration inédite interservices réunissant les experts civils et militaires, couvre tous les aspects de la prise en charge somatique et médico-psychologique des blessés par armes de guerre en prenant en compte leurs parcours de soins depuis la phase préhospitalière jusqu’à la sortie de l’hôpital, avec comme objectif final la réhabilitation et la réinsertion des personnes blessées. 

Maryline Gygax-Généro, Médecin général des armées, Directrice centrale du service de santé des armées, souligne que les attaques terroristes simultanées menées dans la capitale le 13 novembre 2015  ont mobilisées les armées et le service de santé des armées (SSA), en particulier, présents dès les premiers instants et tout au long de la crise. Les soldats de l’opération Sentinelle ont dispensé les premiers soins, selon les principes du sauvetage au combat enseignés par le SSA. Les médecins et infirmiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, issus, pour leur grande majorité, des rangs du SSA et rompus aux pratiques de la médecine de guerre, ont conditionné et évacué les victimes aux côtés des équipes du Samu. Les hôpitaux militaires Bégin et Percy ont reçu de nombreux blessés et impliqués, dont 18 en urgence absolue. Enfin, les psychiatres et psychologues du SSA ont été chargés de l’accueil initial des familles à l’École militaire. Pour elle, cette expérience a clairement montré que les pratiques opérationnelles modernes du SSA, éprouvées sur les théâtres d’opérations, notamment en Afghanistan, s’inscrivent parfaitement dans la complémentarité des compétences des autres acteurs de la gestion de crise. En effet, ces pratiques, qui jusque-là étaient considérées comme spécifiques des situations de guerre, trouvent aujourd’hui pleinement leur place face aux agressions collectives.

L’expertise des auteurs, professionnels de santé issus des mondes civil et militaire, travaillant dans les établissements de santé, sur les théâtres d’opérations extérieures militaires, dans la sécurité civile ou au sein des forces de l’ordre, fait de cet ouvrage un outil collaboratif de formation qui s’adresse à tous les acteurs concernés.

Pour Pierre Carli et François Pons, ce vade-mecum, source d’information primordiale pour les équipes de soins, peut aussi être très utile aux autres services qui sont impliqués dans la réponse antiterroriste. Elle leur permet, dans le cadre d’une action interservices, de mieux appréhender les priorités médicales de la prise en charge des victimes. Enfin, le maintien et, mieux encore, l’amélioration des soins dans le contexte d’une attaque dont le but est de désorganiser la société en répandant l’insécurité, voire la terreur, revêtent une importance particulière. Ils s’opposent en effet directement aux buts du terrorisme et s’inscrivent comme le début de la résilience.

Prise en charge médico-psychologique des victimes : points essentiels

  • De présentations diverses, avec un vécu particulier à chacun, la rencontre traumatique, définie comme l’instant fugace et violent d’un péril vital ressenti ou observé chez un tiers, est une rupture dans l’existence d’un sujet et demande une prise en charge « sur mesure ».
  • Le soutien médico-psychologique des blessés psychiques ou des impliqués s’articule en respectant trois temps : des soins immédiats ayant pour objectif de soulager la souffrance psychique éprouvée, des soins post-immédiats consistant en un débriefing médico-psychologique débouchant sur un protocole de prise en charge individuel, enfin, une prise en charge à distance débutant par un bilan des répercussions et visant à diminuer la virulence du syndrome de répétition traumatique.
  • Les procédures de réparation, l’accompagnement des conséquences socio- professionnelles et le soutien à l’entourage occupent une place importante dans le parcours de soins des blessés psychiques.
  • L’accent doit être mis sur la sensibilisation de la population exposée à un événement potentiellement traumatique, la formation des professionnels de santé et la systématisation des modalités de repérage chez les blessés psychiques potentiels. Il s’agit également des modalités de prise en charge globale n’excluant pas certaines techniques au profit d’autres.

Tout professionnel de santé, confronté de manière inopinée à un attentat, qu’il soit en visite à domicile ou en déplacement privé, est avant tout un acteur différencié avec un rôle important pour initier la prise en charge des victimes.

Règle des 6 S pour tout professionnel de santé 

  1. Sécurité Assurer sa propre sécurité ainsi que celle des intervenants qu’il va diriger
  2. Signalisation Repérer avec les autres intervenants la zone où il est possible d’intervenir de la menace, le nombre et la gravité des blessés
  3. Secours Assurer la direction des premiers volontaires, dénombrer les victimes et repérer les blessés graves à rassembler si possible dans une première zone de sécurité de soins en attendant l’arrivée du Directeur des Secours Médicaux
  4. Soins Délivrer les premiers soins d’urgence et conseiller les volontaires sur place sur les premiers gestes vitaux à effectuer
  5. Sélection Définir l’ordre de priorité de soins et d’évacuation
  6. Surveillance En attendant les différents moyens de secours, maintenir une surveillance de l’évolution de blessés, mais aussi des conditions de sécurité.

Lire le vade-mecum "Agressions collectives par armes de guerre. Conduites à tenir pour les professionnels de santé" (PDF)

Notes

1- Directeur médical du Samu de Paris et Président du Conseil national de l'urgence hospitalière.
2- Chirurgien des Armées, Médecin Général inspecteur et ancien directeur de l'Ecole du vla-de-Grâce

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com