Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

MODES D'EXERCICE

Un infirmier à Saint-Pierre-et-Miquelon

Publié le 31/07/2017
Ponton SPM

Ponton SPM

Saint pierre et miquelon

Saint pierre et miquelon

Voyageur dans l’âme, infirmier dans le cœur, Anthony nous raconte son expérience dans la Collectivité d’Outre-Mer de Saint-Pierre-et-Miquelon. Un territoire isolé d’Amérique du Nord que l’on connaît peu mais qui est pourtant bien français.

« Ici, à l'hôpital, l’ambiance est bon enfant, on sent que le stress métropolitain est absent. On travaille, certes, mais dans la bonne humeur. »

Le 27 mai 2017 est la date de mon arrivée dans l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je viens de signer un contrat pour un CDD de six mois avec le Centre Hospitalier François Dunan de Saint-Pierre. L’aventure commence.

Les préludes du voyage ont lieu quelques semaines plus tôt. Après un an passé à Montréal, j’ai besoin de reprendre le travail d’infirmier que je n’ai pas pu exercer au Québec. Diplômé depuis 2014, j’ai exercé pendant deux années en métropole au sein d’une équipe de pool de remplacement et en tant qu’intérimaire. J’aurais adoré exercer mon emploi au Canada, mais les reconnaissances d’équivalences sont bien plus difficiles qu’il y a quelques années, coupes budgétaires et négociations syndicales obligent. J’ai donc dû prendre, bon gré mal gré, un congé sabbatique durant une année. C’est fou comme l’on peut se plaindre de notre travail quand on le pratique, et comme celui-ci nous manque quand il n’est plus là.

Extrêmement motivé à l’idée de reprendre le travail, la perspective de côtoyer à nouveau les mêmes services qu’auparavant était moins enchanteresse. J’aime la nouveauté et revenir aux mêmes endroits n’est pas dans mes habitudes. Je suis donc parti à la pêche aux informations, à la recherche d’un contrat dans les DOM-TOM (on parle plutôt aujourd’hui de DROM-COM). C’est l’assurance de voyager, sans les problématiques d’équivalences de diplômes. Après quelques errances sur la toile, une amie m’a raconté son expérience à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ni une ni deux, j’ai postulé dans la semaine. Après un entretien d’embauche par téléphone, on m’a rapidement informé que j’avais obtenu un poste d’infirmier au sein du pool de remplacement. Les billets d’avions seront pris en charge depuis la métropole, aller et retour, et l’on me fournira un logement sur place dans une colocation, avec d’autres membres du personnel hospitalier.

C’est fou comme l’on peut se plaindre de notre travail quand on le pratique, et comme celui-ci nous manque quand il n’est plus là.

Le voyage

Le 26 mai, me voilà à l’aéroport Nice-Côte d’Azur, les coutures de ma valise sur le point de céder tant elle est pleine. 23 kilogrammes autorisés dans la soute, je suis miraculeusement arrivé à 22,90 kilogrammes à la pesée. Soulagement.

J’embarque dans l’avion Nice-Paris. Puis changement pour le vol Paris-Montréal. Arrivé à Montréal, j’ai la chance d’avoir une nuit d’hôtel payé par l’hôpital en attendant le vol du lendemain. J’en profite pour retrouver mes amis Montréalais, boire une petite bière locale en mangeant une bonne poutine.

Réveillé à l’aube le 27 mai, je décolle pour Halifax en Nouvelle-Ecosse où finalement j’enregistre mon bagage au comptoir de la compagnie aérienne Air-Saint-Pierre. En montant dans l’avion, je goûte déjà à l’esprit de l’archipel. Tout le monde se salue et se tutoie, l’hôtesse et le pilote plaisante avec les passagers.

Atterrissage à Saint-Pierre. Un taxi vient nous chercher une future collègue et moi. Nous venons de nous rendre compte que nous voyagions dans les mêmes avions depuis Paris, et que l’on n’avait pas osé s’adresser la parole. J’arrive dans ma nouvelle colocation et profite du week-end pour faire connaissance avec l’archipel, faire les premières courses et une première randonnée. Le temps est radieux, les paysages splendides.

En montant dans l’avion, je goûte déjà à l’esprit de l’archipel.

Le monde du travail

Le 29 mai, premier jour de « travail ». On ne travaille pas vraiment. En vérité, c’est plutôt une journée d’accueil, avec visites des locaux. On nous présente l’hôpital durant deux heures, on nous explique les modalités de fonctionnement, les plannings...

Le 30 mai, c’est le premier véritable jour de travail. Je commence par le service de chirurgie. Je suis doublé. Bonne nouvelle, nous sommes doublés dans chaque service avant d’y être lâchés en solitaire. C’est un véritable bonheur quand on vient de faire un an et demi d’intérim, à être jeté dans l’arène sans la moindre information.

L’ambiance est bon enfant, on sent que le stress métropolitain est absent. On travaille, certes, mais dans la bonne humeur. Une première chose m’a marqué ce jour-là, c’est le rapport au patient et notamment au tutoiement. Aux vues de la démographie locale (environ 6 000 habitants sur tout l’archipel), presque chaque patient est l’amie, le cousin, la mère ou le grand-père d’un membre du personnel ou de son entourage. Alors forcément, on ne commence pas à appeler sa grand-mère « Madame Machin » juste parce qu’elle est rentrée à l’hôpital et qu’on a enfilé sa blouse. Ça ferait sans doute un bon sujet d’étude pour un Mémoire : « Le tutoiement en milieu isolé ».

Depuis ce jour-là et jusqu’à aujourd’hui, j’ai été formé et j’ai été en poste dans une multitude de services (Médecine, chirurgie, Long séjour, Maison de retraite). Il y a aussi un petit service d’urgence dans lequel je n’ai pas encore eu la chance d’être formé, un service de consultation, un service de dialyse. Les soins intensifs et la réanimation consiste simplement en deux lits intégrés au service de chirurgie. Qu’on ne s’y trompe pas, le matériel ici est tout neuf, les chambres sont à la pointe de la technologie. Exit les respirateurs capricieux et les pousse-seringues logorrhéiques de la métropole. Les conditions de travail apparaissent idéales.

Point de vue technique, l’hôpital étant le seul de l’archipel, on voit de tout. Depuis la naissance jusqu’à la mort. Les soins palliatifs et la cancérologie sont présents, des missions de spécialités médicales et chirurgicales sont régulièrement réalisées, par exemple par des chirurgiens ophtalmologues ou orthopédiques. Il y a en permanence un chirurgien généraliste résidant, un médecin et un gériatre. Il y a aussi un psychiatre, une psychologue et un kinésithérapeute au sein de l’hôpital. Mais quand il s’agit de cas complexe, grave, requérant des soins spécifiques, tout n’est pas disponible sur l’archipel. Il faut donc évacuer les patients en avion vers Saint-Johns à Terre-Neuve, Halifax en Nouvelle-Ecosse ou bien vers la métropole. Excepté tout cela, le fonctionnement de l’hôpital n’est pas très éloigné d’un hôpital de métropole.

Une première chose m’a marqué ce jour-là, c’est le rapport au patient et notamment au tutoiement.

Et le reste du temps ?

Maintenant, vous allez sans doute m’interroger sur ce que je fais de mon temps libre. Et bien, tout d’abord, il est bon de savoir que nous avons la chance d’être sur des plannings en 7h. De 7h à 14h le matin et de 13h à 20h le soir. Les nocturnes font 19h30-7h30. Résultats, quand bien même je suis souvent à l’hôpital, j’ai toujours au moins la moitié de la journée et la soirée pour profiter de l’archipel. Et contre toute attente, on ne s’ennuie pas à Saint-Pierre. Loin s’en faut.

Pour commencer il y a les Saint-Pierrais et les Miquelonnais. Ce sont des gens très ouverts d’esprits, accueillants et souriants. Ici tout le monde se dit bonjour dans les rues. Après une ou deux soirées au bar Le Rustique, le haut-lieu de la vie nocturne local, on se fait rapidement des connaissances.

L’été est chargé en animations culturelles et en activités sportives. C’est d’ailleurs plutôt impressionnant de voir la quantité d’associations existantes ici. On peut faire de la plongée sous-marine, de la planche à voile, du catamaran, des randonnées splendides, du sport en salle et même de la pelote basque (importée par les marins basques établis dans l’archipel il y a longtemps déjà). J’en oublie très certainement beaucoup. Une chose est sûr, il y en a pour tous les goûts.

Il y a aussi les barbecues, que l’on a pu faire à la Pointe au Diamant, au cœur d’un paysage magnifique sur un fond d’étang de Savoyard, d’océan, de montagnes, de coucher de soleil et de chevaux en semi-liberté. Un petit bout de paradis sur terre.

On peut aussi ajouter l’île aux Marins, que l’on rejoint en bateau, gorgé d’histoire mais qui n’accueille plus un seul habitant permanent.

Langlade, la destination touristique par excellence des Saint-Pierrais, et Miquelon, l’autre commune de l’archipel. Je n’ai pas encore eu la chance de visiter cette partie de l’archipel mais ça ne saurait tarder.

La proximité avec Terre-Neuve au Canada permet aussi de faire une excursion chez nos cousins Canadiens, une liaison régulière en ferry existant avec l’archipel. On croise ici beaucoup de touristes Terre-Neuviens. Les « Newf » comme on les nomme ici (tiré de « Newfounlander », le mot anglais pour « Terre-Neuviens »).

Et que dire de la nourriture. Si l’industrie de la pêche n’a plus rien à voir avec ce qu’elle a pu être par le passé, on trouve encore ici des produits de la mer de grande qualité, à des prix dérisoires. Pour information, le homard ne dépasse jamais 10 euros, entier et pêché du jour. Autant dire que chaque semaine, un souper y est entièrement dédié.

Il y aurait encore des centaines de choses à dire sur l’archipel, mais je pense que le mieux à faire pour savoir ce qu’il en est, c’est encore de venir ici soi-même, découvrir ce petit bout de France en Amérique du Nord. Vous laisserez-vous tenter ?

Antony ATTWOOD-BLAISE Infirmier 


Source : infirmiers.com