Comment devient-on députée quand on est infirmière ? Pourquoi une si faible représentation du corps infirmier ? Témoignage d’Isabelle Vasseur, députée de l’Aisne et vice-présidente du groupe UMP à l’Assemblée nationale. Un article publié dans la revue Avenir & Santé de mai dernier, magazine de la Fédération nationale des infirmiers, que nous remercions de cet échange productif.
Avenir & Santé : Vous êtes, avec Claude Greff, les deux seules infirmières, parmi les 577 députés, à siéger au sein de l’Assemblée nationale. Pourquoi n’y a-t-il pas davantage d’infirmiers représentés au parlement ?
Isabelle Vasseur, députée de l’Aisne, membre de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, réélue vice-présidente du Groupe UMP à l'Assemblée nationale en juin 2010 (IV) : A chaque fois qu’on m’interroge sur ce sujet, je réponds que ce n’est pas la bonne question à se poser. Sinon, elle reste tout simplement sans réponse. Je pense qu’il faut se la poser autrement et cela soulève des problématiques en termes de mobilité et d’accès à des carrières variées. Nous constaterons, je le pense, des changements notables avec la génération montante, qui a beaucoup plus de facilité à être mobile, à changer de métier, d’activité tout au long de la vie.
J’ai travaillé sur ces questions avec Monsieur Santini, plus spécialement dans la fonction publique hospitalière au cours de travaux portant sur la mobilité des personnels et la mise en place de passerelles ouvrant à des carrières diversifiées. L’infirmière, qui aura fait beaucoup d’hospitalier, passera au libéral puis peut-être à l’administratif. Il est vrai qu’il y a des phases, des étapes où il est parfois difficile pour la femme de tout concilier : l’exercice de la profession, les responsabilités familiales, l’engagement politique. Mais sur le fond, je ne sais pas pourquoi les infirmières n’ont pas envie de s’investir en politique.
A. S. : La dimension politique est-elle si éloignée de la notion fondamentale du « care » qui constitue le socle de la formation et de la formation d’infirmier ?
I. V. : Non. Bien au contraire ! Le parallèle est extrêmement frappant avec notre métier de soignant où notre mission est aussi de prendre soin. Avoir des responsabilités en politique, c’est exactement prendre soin des populations. Le soin n’est pas éloigné d’une politique globale de l’accompagnement et d’un état accompagnant. Nous choisissons de prendre soin des autres lorsque l’on choisit notre métier, c’est également le cas en tant qu’élu. En politique, il nous est demandé de rester disponibles, à l’écoute des gens. Or, dans notre profession, nous avons l’habitude d’être à l’écoute des difficultés et de trouver des solutions ou d’engager les démarches qui vont permettre de les trouver. Alors oui, naturellement, ce sont les qualités que possèdent déjà les infirmières, cette propension à aller vers les autres, à avoir envie de trouver des solutions à leurs problèmes.
A. S. : Comment votre propre parcours politique s’est-il construit ?
I. V. : Personnellement, j’ai saisi des opportunités à chaque fois qu’elles se présentaient. Parce que je pense que le train ne passe pas deux fois. Mais je n’imaginais absolument pas, fin 1999, quand j’ai fait un break dans l’exercice de ma profession, arriver dans ce métier.
J’étais conseillère municipale, je me suis retrouvée face à des échéances électorales, des mandats et j’ai osé me lancer. J’étais, certes, tout à fait consciente de ne pas avoir de formation en politique ni d’être une politicienne experte, mais je me suis dit que notre représentation avait aussi besoin de personnes qui ont des expériences de terrain et qui viennent de la société civile.
A. S. : Vous êtes élue depuis 1995, selon vous, pourquoi votre électorat vous renouvelle-t-il sa confiance ?
I. V. : Les électeurs vous renvoient l’image que vous donnez. Aujourd’hui les gens me disent qu’ils votent pour moi et me soutiennent alors que, pourtant, ils n’ont pas les mêmes convictions que celles que je porte. C’est avant tout qu’il s’est développé une confiance. Les électeurs m’ont tout à fait bien perçu comme quelqu’un de parole, qui va jusqu’au bout lorsque je me suis engagée dans quelque chose, comme quelqu’un qui est organisé, qui travaille ses dossiers et s’investit avec force. Et ils apprécient surtout que l’on reste disponible, à leur écoute. On me dit aussi « mais vous n’avez pas changé ». Je n’ai pas envie de changer, certains m’apprécient, d’autres peut-être moins, mais c’est ma façon de faire et de fonctionner. Il faut rester naturel.
A. S. : Quels conseils donneriez-vous aux infirmières candidates à une carrière politique ?
I. V. : Qu’il faut oser le faire ! C’est vrai que la profession médicale est très représentée chez les députés, mais en vérité ce sont plutôt les professions libérales en général. Historiquement, l’Assemblée était composée de notables. Dans ce microcosme, il n’est pas étonnant qu’il y ait une surreprésentation des notaires, médecins, vétérinaires, pharmaciens et beaucoup de professions du droit, mais aussi quelques chefs d’entreprise. Effectivement, il y a peu de gens qui viennent des professions intermédiaire, mais parce que aussi le parlementaire représente encore pour certains quelque chose d’inaccessible, de lointain, déifié par l’image. C’est accessible, à notre portée et il faut oser.
A. S. : Êtes-vous satisfaite de la loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires ?
I. V. : Cela fait partie des difficultés auxquelles j’ai été confrontée. Et aujourd’hui, quand je rencontre des représentants hospitaliers, des établissements privés ou des libéraux, partout les gens me disent : on n’a pas été associé à cette loi HPST. « Pourtant, nous avons des choses à dire. Quand on nous informe, les choses sont parfois déjà formalisées et les amendements sont portés à la marge. » Personnellement, j’avais préparé six amendements sur cette loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires, notamment un avec la Fédération nationale des infirmiers. J’ai été convoquée par le cabinet de la ministre de la Santé et j’ai fait preuve d’un excès de confiance à l’égard de la technostructure quand ils ont proposé de re-rédiger afin que la sémantique soit plus conforme au plan juridique. Aujourd’hui, j’ai changé ma façon de fonctionner.
Interview réalisée par Nathalie Petit, responsable de la rédaction Avenir & Santé n°394, mai 2011 ; www.fni.fr
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