Petite question par curiosité :
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DOCUMENTATION

Portrait – Des souris... et des hommes

Publié le 08/09/2012

Il peut être difficile de se remettre en question à l'âge de 36 ans et de débuter une reconversion professionnelle dans un métier totalement, ou presque, inconnu. C'est pourtant ce qu'a fait Pierre-Yves Léglise, en passant de responsable informatique à infirmier. Rencontre avec cet infirmier tout juste diplômé...

Âgé de 39 ans, Pierre-Yves est désormais infirmier diplômé d’État depuis quelques jours (promotion 2009-2012). C'est presque par hasard qu'il a découvert ce métier puisqu'il était auparavant responsable informatique. Durant plusieurs années, il s'est frayé un chemin qui l'a conduit petit à petit au soin. C'est au sein du domaine des télécommunications que débute son parcours. Ce milieu va lui permettre de voyager partout dans le monde, notamment en Inde, en Thaïlande, en Angleterre ou aux États-Unis, mais aussi et surtout lui ouvrir les yeux. En effet, bien que cet environnement soit enrichissant car en pleine croissance (c'est l'avènement de la bulle Internet), Pierre-Yves reste généralement sur sa faim d'un point de vue humain. C'est en se rapprochant d'entreprises plus « humaines » qu'il compte bien palier ce manque. Malheureusement, cette expérience est le laisse encore sur sa faim. Comme il le souligne : « j'ai eu l'opportunité d'entrer d'intégrer i,e Caisse Primaire d'Assurance Maladie d’une petite ville de province en tant que Responsable adjoint du service informatique. Cela me semblait plus proche des mes valeurs mais il m' fallu quelques années pour me rendre compte que cela ne suffisait pas. Les rapports humains dans l’entreprise (surtout au niveau du responsable informatique) ne sont pas très satisfaisants. Les utilisateurs ne vous contactent que lorsque cela ne marche pas et ils ne sont généralement pas contents. L’équipe que j’encadrais faisait ce qu’elle pouvait avec peu de moyens et venait donc s’en plaindre à moi (rapport conflictuels). Enfin, la hiérarchie en demandait toujours plus avec moins de moyens. Dans l’ensemble, les rapports humains dans l’entreprise n’étaient pas bons ». Pierre-Yves décide donc de monter sa société de dépannage informatique à domicile où les relations étaient plus saines mais aussi plus intéressantes. Au fil des années, et des rencontres, il se rend compte que d'autres opportunités s'offrent à lui et que peut-être son idéal professionnel se trouve ailleurs.

Un projet fou...

S'orienter vers un métier plus humain était une chose évidente pour Pierre-Yves. L'idée d'une reconversion pour devenir infirmier a germé progressivement pendant plusieurs années jusqu'à devenir un véritable projet. C'est lors d'une première rencontre avec un étudiant en soins infirmiers d'une quarantaine d'années que son attrait pour cette profession se manifeste réellement. « Ma décision de devenir infirmier s’est jouée là, dans cette chambre d’hôpital de Limoges avec cet homme dont je n’ai même pas connu le prénom. J’ai pris conscience que malgré ma trentaine bien entamée, je pouvais reprendre des études et faire un métier radicalement différent. Je me souviens très bien en avoir parlé le jour même avec mon épouse en lui disant : « Je pourrais faire ça, moi aussi… ». C’était comme un vertige. J’étais infiniment attiré par cette idée tout en la jugeant irréaliste et folle, et donc en la rejetant. Ça me trottait dans la tête régulièrement. Le métier d’infirmier était pour moi quelque chose d’assez flou. Je savais bien sûr ce qu’était une infirmière et je connaissais à peu près ses fonctions mais je n’avais aucune idée de la formation. Je devais m’imaginer, inconsciemment, que l’on devenait infirmier ou infirmière après le Bac, après une formation spécifique. Ce qui était juste, mais réduit à la notion d’un apprentissage post-Bac et immédiatement post-Bac ».

« Si j’ai souhaité me reconvertir dans les soins infirmiers, c'est que j'y recherche d'autres formes de contact que celles qui m’étaient offertes dans mon domaine professionnel d'origine »

Finalement, c'est trois ans plus tard que Pierre-Yves décide de tenter l'aventure. Les infirmières libérales rencontrées dans le cadre de son travail l'ont persuadé qu'au-delà d'être une profession intéressante, ce métier pouvait constituer une voie de reconversion plus riche encore. « Ce changement professionnel est en effet l'occasion de réunir deux choses fondamentales à mes yeux, explique-t-il. D’une part le côté utile du métier et de l’autre le relationnel, le véritable, celui qui s’établit entre deux êtres sans hiérarchie, sans rapport de force et sans arrière pensée commerciale, aux antipodes des relations humaines en entreprises. J'avais envie du contact humain à la source du besoin : le soin. C’est le télescopage de ces différentes rencontres, de ces réflexions personnelles et d’une certaine maturité psychologique face à l’idée de changement de métier qui m’a révélé ce qui est devenu pour moi l’évidence : je veux être infirmier ».

« Le positionnement n’a pas toujours été facile pour moi, homme parmi les femmes, « ancien » parmi les jeunes, blanc parmi les antillais, étudiant parmi les professionnels… »

… mais une ambition sans limites

Admis sur liste principale à l'Ifsi de Limoges, Pierre-Yves doit cependant patienter un an de plus avant de pouvoir intégrer l'Ifsi de Fort-de-France, sa femme ayant été mutée en Martinique et sa demande de transfert ayant été refusée faute de place. Durant une année, il va de nouveau se préparer au concours en effectuant un stage d'observation. L'occasion d'en apprendre plus sur le quotidien d'un infirmier mais aussi de savoir s'il est fait ou non pour ce métier. Comme il l'affirme : « j’ai su que ce métier pouvait être riche en événements, en émotions et en rapports humains et que je pouvais tolérer de voir des choses inhabituelles (plaies d’amputation, escarres énormes…) sans perdre mes moyens ».
Pierre-Yves n'a pas totalement abandonné le monde informatique puisqu'il tient un blog pour raconter son expérience en premier lieu à sa famille et à ses proches qui l'ont soutenu tout au long de sa reconversion.

« Tous les gens à qui je parlais de mon projet m'encourageaient à aller au bout »

Pierre-Yves est aujourd'hui fier du chemin parcouru « c’est un immense bonheur. Une délivrance, une reconnaissance aussi. C’est la fin de trois années d’études mais surtout l’aboutissement d’un projet qui date maintenant de plus de 5 ans. C’est une grande satisfaction de regarder un peu en arrière et de se dire : « voilà, j’ai fait ça. J’ai choisi de faire ça, je me suis débrouillé tout seul, je n’ai rien demandé à personne et j’y suis arrivé ». Pour quelqu’un qui doute beaucoup, comme moi, c’est très important. C’est la fin d’une période de rencontres, d’amitiés avec certaines étudiantes, de tension avec d’autres, d’émotions diverses, parfois contrôlées, d’autres fois non. La fin d’un temps où le positionnement n’a pas toujours été facile pour moi, homme parmi les femmes, « ancien » parmi les jeunes, blanc parmi les antillais, étudiant parmi les professionnels… Pas toujours facile mais très enrichissant. Mais c’est aussi le début d’autre chose avec un maître mot : la nouveauté que ce soit en termes de carrière, de rencontres, d'aventures ou de découvertes. »

« Quand on veut, on peut » . Cette phrase prend tout son sens lorsqu'on lit l'expérience de Pierre-Yves. Ce sauveteur embarqué bénévole à la SNSM (Les Sauveteurs en Mer) en tant qu’infirmier, canotier et plongeur hélitreuillé montre bien qu'à force de volonté et de persévérance, rien n'est impossible, pas même passer de responsable informatique à infirmier... Les virus de toutes sortes n'ont qu'à bien se tenir !

Aurélie TRENTESSE
Rédactrice Infirmiers.com
aurelie.trentesse@infirmiers.com


Source : infirmiers.com